Taxe Zucman : la France va-t-elle vraiment taxer les ultra-riches ?

Une proposition de loi visant à instaurer une taxation minimale de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros débarque à l’Assemblée nationale. Inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, cette mesure s’attaque à une spécificité fiscale française : les ultra-riches paient proportionnellement moins d’impôts que le reste de la population. Mais cette réforme a-t-elle une chance d’être adoptée ?

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Par Grégoire Hernandez Publié le 20 février 2025 à 9h06
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Taxe Zucman : la France va-t-elle vraiment taxer les ultra-riches ? - © Economie Matin
26 %En France, les 0,0002 % des contribuables les plus aisés paient en moyenne un taux d’imposition global de 26 %, contre 46 % pour les 0,1 % des plus riches. 

Taxe Zucman : les grandes fortunes sous la loupe du fisc

L’idée derrière la taxe Zucman est simple : plutôt que de taxer les revenus, elle cible le patrimoine des grandes fortunes. La taxe porte le nom de Gabriel Zucman, économiste franco-américain de 38 ans, spécialiste de la fiscalité et des inégalités. Il a reçu en 2023 la médaille Clark, récompense la plus prestigieuse du domaine après le prix Nobel.
Un rapport de l’Institut des politiques publiques illustre bien ce phénomène. En France, les 0,0002 % des contribuables les plus aisés paient en moyenne un taux d’imposition global de 26 %, contre 46 % pour les 0,1 % des plus riches. Cela est notamment dû au recours à la fiscalité sur les sociétés et à des stratégies d’optimisation fiscale.
Avec une taxe de 2 %, Clémentine Autain et Eva Sas, les deux députées à l’origine de la proposition à l'occasion de la niche parlementaire du groupe écologique et social ce 20 février 2025, estiment que l’État pourrait engranger entre 15 et 25 milliards d’euros par an.

Si la mesure trouve un écho favorable au sein de la gauche, elle rencontre une opposition farouche du gouvernement. François Bayrou et Amélie de Montchalin défendent plutôt une taxe « anti-optimisation », plus modeste, avec un taux de 0,5 % et des recettes estimées à seulement 2 milliards d’euros. L’argument avancé ? Éviter la fuite des capitaux et préserver l’attractivité économique du pays.
Historiquement, la taxation du patrimoine des grandes fortunes est un sujet plus que sensible. La suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en 2018 avait déjà été justifiée par la nécessité de conserver les capitaux en France. Toutefois, Gabriel Zucman réfute cet argument, affirmant que l’exil fiscal est largement surestimé. Selon l'économiste, sur son compte X : « Si tous nos milliardaires partaient demain s’installer aux îles Caïmans, leur facture fiscale baisserait peu (car elle est très faible). La perte de recettes fiscales pour le Trésor public français serait négligeable (de l’ordre de 0,03 % du PIB) ».

Une réforme soutenable ou un casse-tête juridique ?

L’un des principaux obstacles à l’adoption de la taxe Zucman à l'Assemblée nationale est sa compatibilité avec le droit fiscal français. L’économiste lui-même admet que certains ajustements seront nécessaires, notamment sur la prise en compte des actifs professionnels et des start-ups en hypercroissance.
La question des entreprises non cotées, dont la valorisation fluctue fortement, est également soulevée. Pour éviter une taxation injuste des jeunes entrepreneurs, Gabriel Zucman propose des mécanismes d’étalement du paiement de l’impôt ou des règlements en actions.
Par ailleurs, le gouvernement craint qu’une telle mesure soit jugée inconstitutionnelle. Exclure 100 millions d’euros de patrimoine taxable, comme le prévoit la proposition de loi, est une garantie contre l’accusation de confiscation. Mais certains juristes estiment que l’idée d’un impôt minimum sur le patrimoine pourrait être contestée devant le Conseil constitutionnel.

L’Assemblée nationale va donc débattre de cette réforme.
Quoi qu’il en soit, la question de la fiscalité des ultra-riches ne disparaîtra pas de sitôt. En France comme à l’international, les réflexions sur l’instauration d’un impôt minimal sur le patrimoine se multiplient. Le G20 et plusieurs économistes de renom, dont Joseph Stiglitz, encouragent déjà cette voie.

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Étudiant en école de journalisme. Journaliste chez Économie Matin depuis septembre 2023.

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