ZFE : quand l’Assemblée dit stop à l’écologie urbaine punitive

Tandis que les débats sur les mobilités urbaines s’intensifient, une décision parlementaire sur les très débattues ZFE (Zones à Faibles Emissions) a bouleversé la donne. L’impact est immense, les conséquences à venir encore incertaines. Retour sur un vote qui pourrait avoir de lourdes conséquences.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 27 mars 2025 à 5h57
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ZFE : quand l’Assemblée dit stop à l’écologie urbaine punitive - © Economie Matin
59%59% des Français pensent qu'il y a trop de ZFE.

Le 26 mars 2025, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a voté un amendement explosif : la suppression pure et simple des Zones à faibles émissions (ZFE). Ce revirement survient dans un contexte où la mesure, pourtant conçue pour améliorer la qualité de l’air, divise profondément le champ politique et social. Alors que les ZFE figuraient au cœur des engagements environnementaux français depuis 2019, ce vote redessine la politique française sur le sujet de la pollution automobile.

ZFE : les députés dynamitent la mesure

À la croisée de l’écologie punitive et de l’accessibilité automobile, les ZFE n’ont jamais fait l’unanimité. Instaurées par la Loi d’orientation des mobilités de 2019 et consolidées par la Loi Climat et Résilience de 2021, ces périmètres visaient à interdire l’accès des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations. Objectif affiché : contraindre les conducteurs à passer à des motorisations propres.

Sauf que cette fois, c’est le boomerang législatif. Le 26 mars 2025, les députés réunis en commission ont validé la suppression des ZFE, en votant des amendements identiques portés par Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN). Le résultat : 26 voix pour, 11 contre et 9 abstentions, selon Les Échos.

Des voix dissidentes se sont ajoutées côté majorité : plusieurs élus Renaissance, Horizons et du groupe Liot ont franchi la ligne, tandis que la gauche, en majorité absente ou silencieuse, a choisi l’abstention. Le député LR Ian Boucard a dénoncé « une mesure qui aggrave les inégalités sociales », tandis que Pierre Meurin (RN) fustigeait un système « inefficace » qui « fracture le territoire ».

Le gouvernement veut maintenir les ZFE mais va se heurter au Parlement

Ce vote n’a pas tardé à faire réagir le gouvernement. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a exprimé son désaccord en des termes limpides : « Je prends acte du vote des députés en commission pour supprimer les ZFE. Il fait écho à un certain nombre de prises de position et d’interrogations politiques exprimées ces derniers jours. Le combat qui est le mien, c’est celui de la santé des Français et de la lutte contre la pollution de l’air responsable entre autres de 48 000 décès précoces et 30 000 enfants asthmatiques supplémentaires par an », a-t-elle déclaré sur BFMTV.

Elle rappelle que dans les deux agglomérations où les ZFE sont pleinement déployées — Paris et Lyon — la concentration de dioxyde d’azote a chuté d’un tiers. Des résultats concrets, donc. Mais dans l’hémicycle, ces chiffres semblent ne plus suffire. Le mot d’ordre, désormais, semble être : justice sociale d’abord. L’État, pourtant, brandit ses engagements européens. Car derrière les ZFE se cache aussi une contrainte bruxelloise : l’obligation pour les États membres d’assurer un air conforme aux seuils de pollution fixés par l’OMS.

Les ZFE sont-elles supprimées en France ? Pas encore totalement...

Le vote du 26 mars n’est qu’une étape. Le texte sera débattu en séance publique le 8 avril 2025. Puis, s’il est maintenu, il devra passer l’épreuve de la Commission mixte paritaire et celle du Conseil constitutionnel. Plusieurs juristes dénoncent déjà un possible « cavalier législatif », tant la suppression des ZFE semble éloignée de l’objet initial de la loi de simplification.

Mais ce n’est pas tout : en parallèle, une proposition de loi distincte, enregistrée le 18 février 2025 sous le numéro 982, prévoit un moratoire de cinq années sur l’application des ZFE. Cette initiative est portée par 35 députés issus de LR, du MoDem et du groupe Liot. Parmi eux, Sylvie Bonnet (LR), qui a déclaré à BFMTV : « Cette adoption est une bonne nouvelle, mais nous restons prudents. Il faut que ce soit maintenu en séance, puis en CMP, et que le Conseil constitutionnel ne censure pas cette disposition » .Ce moratoire reporterait à 2030 l’échéance pour toute application obligatoire des ZFE, afin de laisser du temps aux collectivités locales et aux usagers pour s’adapter.

Une défaite idéologique de l’écologie ?

Au-delà de l’aspect technique, c’est un choc politique. L’écologie, naguère présentée comme le consensus du futur, voit ici un de ses piliers — la régulation urbaine du trafic automobile — tomber sous les coups croisés de l’opposition, mais aussi d’une partie de la majorité. Les ZFE sont-elles en train de devenir le symbole d’un rejet plus large de la transition écologique imposée ?

La suppression des ZFE en commission est un coup de semonce. Non seulement elle rebat les cartes de la transition écologique, mais elle pourrait préfigurer une fracture politique durable sur la question environnementale. La suite ? Rendez-vous le 8 avril à l’Assemblée. Si les ZFE tombent pour de bon, ce ne sera pas juste une mesure technique qu’on aura enterrée, mais un certain rêve d’urbanisme propre — jugé, à tort ou à raison, trop éloigné des réalités quotidiennes.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

1 commentaire on «ZFE : quand l’Assemblée dit stop à l’écologie urbaine punitive»

  • Keller

    Vegetilasisation des rues Parisiennes : allergies aux graminées exploseront
    Les tiques seront ravies de se développer
    Les oublis des décideurs …… et peut-être encore plus de problèmes sanitaires ….

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