Yacht de luxe saisi et revendu : l’État français s’offre un butin à dix millions d’euros

Luxe, justice et stratégie financière s’entrechoquent dans une affaire où les dorures d’un yacht croisent les mailles de la loi. Derrière les apparences clinquantes, un mécanisme bien rodé de récupération d’avoirs illégaux éclaire un pan méconnu de l’économie judiciaire française.

Par Alix de Bonnières Publié le 30 mars 2025 à 18h00
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Yacht de luxe saisi et revendu : l’État français s’offre un butin à dix millions d’euros - © Economie Matin
1010 millions d'euros dans les caisses de l'État grâce à une perquisition.

Le jeudi 27 mars 2025, à La Ciotat, un yacht de 41 mètres a changé de mains au terme d’une vente aux enchères publique. Son nom : Stefania. Un nom évocateur pour ce bijou nautique confisqué dans une enquête de grande envergure pour blanchiment d’argent. Cette vente, dirigée par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), permet à l’État français d’engranger dix millions d’euros. Mais derrière cette transaction d’apparence banale se cache une opération judiciaire, géopolitique et financière de haute voltige.

Le yacht Stefania, vitrine du crime organisé international

Le Stefania, palace flottant doté de cinq suites somptueuses, d’un jacuzzi, de plafonds en marbre et de plaquages dorés, a été construit en 2021. Censé voguer vers Dubaï, il a été arraisonné en octobre 2023 à Gênes par la police italienne, à la demande des autorités françaises. Selon le Sud Ouest (26 mars 2025), « ce navire de 41 mètres de long avait été saisi en 2023. Il appartenait à un Biélorusse impliqué dans une affaire de ‘trafics d’armes, trafic de produits stupéfiants et blanchiment en bande organisée ».

Le propriétaire, Chaslau Koniukh, identifié par la Cour de cassation dans un arrêt consulté par l’AFP, n’a toujours pas été interpellé. La saisie du Stefania n’est pas isolée : une villa estimée à dix millions d’euros située à Roquebrune-Cap-Martin a également été confisquée.

La justice marseillaise évoque des montages offshore complexes, via des sociétés écrans et des fonds transitant par des paradis fiscaux. L’analyse des flux financiers a permis de remonter aux biens de luxe financés par des ressources frauduleuses. Le Figaro (20 décembre 2023) évoquait déjà le yacht comme un « véritable hôtel particulier flottant » promis aux enchères lors de l’opération intitulée « Pour que le crime ne paie pas ».

Une vente aux enchères sous haute sécurité… et haute stratégie

La vente a été orchestrée par l’étude De Baecque, au sein même des chantiers navals de La Ciotat, au pied du yacht remis à sec. L’Agrasc (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués), fondée en 2011, était aux commandes. Sa mission : liquider légalement les biens mal acquis pour en redistribuer les fruits à la puissance publique. C’est chose faite : le Stefania a été vendu à la mise à prix, soit dix millions d’euros, sans surenchère.

L'estimation initiale oscillait entre dix et douze millions d’euros. À en croire France Bleu (27 mars 2025), « l’État a récupéré l’intégralité du produit de la vente », faisant du Stefania le bien non immobilier le plus cher jamais revendu par l’Agrasc. L’opération a nécessité une caution de 500 000 euros pour toute participation aux enchères, filtrant ainsi les simples curieux des acheteurs sérieux, comme l’indiquait Le Figaro.

L’Agrasc, bras armé d’un État de plus en plus avide de recouvrement

L’Agence de gestion des avoirs saisis ne cesse de monter en puissance. En 2024, elle a confisqué 244,1 millions d’euros de biens, dont 160 millions reversés au budget national, soit une progression de 50 millions par rapport à 2023, selon les données officielles citées par Sud Ouest.

Outre les yachts, l’Agrasc gère un portefeuille allant des comptes bancaires aux biens immobiliers, en passant par les assurances-vie et les crypto-actifs. Un outil de justice économique qui se veut aussi pédagogique : démontrer que la délinquance financière n’est pas une zone grise, mais une cible visible, traçable et monétisable.

À La Ciotat, l’État a donc non seulement frappé fort, mais il a aussi communiqué avec panache. La présence d’un second yacht, l’Amore Vero, immobilisé depuis trois ans dans le cadre des sanctions européennes contre les oligarques russes, donne à la scène un air de « cimetière de la criminalité internationale de luxe ».

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