Depuis plusieurs mois, les fournisseurs de VPN font face à une pression croissante de la part des ayants droit et des autorités françaises. Menacés par des actions en justice et de nouvelles obligations qui pourraient compromettre leur modèle économique, certains acteurs envisagent de quitter le marché français. Un simple coup de pression ou une véritable menace ?
Piratage : les VPN se préparent-ils à quitter la France ?

Un combat juridique entre ayants droit et VPN
Les ayants droit, notamment Canal+ et la Ligue de football professionnel (LFP), intensifient leurs efforts pour lutter contre le piratage de contenus audiovisuels. À leurs yeux, les VPN facilitent l’accès illégal à des retransmissions sportives et à d’autres programmes protégés (particulièrement avec le football français).
Ainsi, plusieurs services VPN, dont NordVPN, ProtonVPN, Cyberghost (par Canal+) et ExpressVPN (par La LFP), ont été assignés devant la justice française en fin 2024. L’objectif des ayants droit est clair : contraindre ces plateformes à bloquer l’accès aux sites de streaming illégaux, à l’image des obligations déjà imposées aux fournisseurs d’accès à Internet.
Cependant, les VPN se défendent vigoureusement. "Nous ne sommes que des intermédiaires neutres qui garantissent la confidentialité et la sécurité des internautes", souligne la VPN Trust Initiative (VTI), un regroupement de plusieurs acteurs du secteur.
Les services VPN rappellent que cette situation pourrait s’apparenter à ce qui s’est déjà produit en Inde et au Pakistan, où des régulations trop contraignantes ont forcé certains acteurs à quitter ces marchés. "Si la France nous impose de censurer l'accès à certains contenus, cela va à l'encontre de notre mission", affirme Christian Dawson, directeur exécutif de la VTI.
L’un des précédents les plus marquants en France est le départ de Cisco OpenDNS en juillet 2024, après avoir été contraint de bloquer l’accès à certains sites. Les VPN pourraient suivre le même chemin, quitte à se retirer du marché français plutôt que de compromettre leurs standards de chiffrement et de protection des données.
Que se passerait-il en cas de départ ?
Le groupe Canal+, qui détient des droits exclusifs de diffusion pour de nombreux événements sportifs (Ligue des champions, Premier League, Top 14, Formule 1...), a intensifié ses actions judiciaires ces dernières années. Sa position est simple : les VPN facilitent le contournement des restrictions géographiques, permettant à des internautes français d’accéder illégalement à des compétitions sportives diffusées gratuitement à l’étranger.
Cependant, selon la VTI, forcer les VPN à bloquer des sites pirates ne réglera pas le problème de fond et pourrait même engendrer des dommages collatéraux sur la cybersécurité et la protection de la vie privée.
Si des services comme NordVPN, ProtonVPN ou Surfshark venaient à se retirer du marché français, cela ne signifierait pas pour autant la fin de leur utilisation. Les utilisateurs français pourraient toujours s’abonner à ces services depuis l’étranger, rendant inefficaces les potentielles interdictions locales.
En réalité, cette situation poserait surtout problème aux entreprises et aux particuliers utilisant un VPN pour des raisons de cybersécurité et de protection des données. L’exil des VPN serait donc davantage une entrave à la liberté numérique qu’une véritable solution contre le piratage.
L’audience prévue en mars 2025 devant la justice française sera déterminante pour l’avenir des VPN en France. Certains acteurs, comme ProtonVPN, envisagent d’aller jusqu’à la Cour de justice de l’Union européenne pour défendre leur position.
Dans l’attente, la pression continue de monter. Si la France impose de nouvelles restrictions aux VPN, elle pourrait non seulement affaiblir la protection de la vie privée des internautes, mais aussi pousser les services les plus populaires à fuir l’Hexagone, laissant place à une situation paradoxale : une cybersécurité affaiblie au nom de la lutte contre le piratage.