Le 2 avril dernier, Donald Trump a entraîné le monde dans l’inconnu. La plus grande économie mondiale a déclenché une guerre commerciale avec le reste du monde, tournant le dos à des décennies de libéralisme économique. Avec ses droits de douane « réciproques », qu’il qualifie de « déclaration d’indépendance économique », Donald Trump a mis en jeu la croissance économique américaine.
Que faire dans cet environnement de forte volatilité ?

Malgré l’abaissement à 10% des droits de douane « réciproques » annoncé mercredi pour la plupart des pays, l’escalade entre les États-Unis et la Chine pourrait avoir un impact considérable sur les échanges commerciaux entre les deux plus grandes économies du monde. Nous estimons actuellement le taux effectif global des droits de douane américains à 27% (contre 9% avant le 2 avril et de seulement 2,5 % avant l’élection présidentielle). Exclusion faite de la Chine, ce taux est de 11%.
Pour notre part, nous considérons, dans le cadre de notre scénario de référence, qu’après une première phase où les taxes douanières pourraient encore augmenter, les taux effectifs des droits de douane devraient commencer à diminuer (entre 10-15 %) sous l’effet de l’intensification des pressions politiques et juridiques, ainsi que de la conclusion d’accords avec différents pays et secteurs. Les entreprises devraient, par ailleurs, déployer un lobbying intensif afin d’atténuer les taxes douanières initialement proposées et obtenir des exceptions sectorielles. Il est évident que les entreprises américaines auront plus de difficultés à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement compte tenu de l’ampleur des droits de douane. Des considérations politiques pourraient également conduire à un assouplissement de la position de l’administration Trump à l’approche des élections de mi-mandat. De plus, plusieurs pays ont laissé entendre qu’ils ne prendraient pas de mesures de rétorsion.
Dans le cadre de notre scénario de référence, nous tablons sur une croissance du PIB américain inférieure à 1% sur l’ensemble de l’année. Avant même les dernières annonces relatives aux droits de douane, le sentiment dans le secteur manufacturier américain n’était pas au beau fixe, avec un recul en mars pour la première fois en trois mois. En ce qui concerne l’inflation, les droits de douane annoncés jusqu’à présent pourraient gonfler de quelque 2 points de pourcentage les prix à la consommation aux États-Unis d’ici à la fin de l’année, si l’on suppose que la hausse des taxes douanières ne sera que partiellement répercutée sur le consommateur final. Malgré la hausse de l’inflation, la Réserve fédérale (Fed) devrait, selon nous, réduire ses taux de 75 à 100 points de base (pb) d’ici à la fin de l’année sous l’effet du ralentissement marqué de la croissance et de l’essoufflement probable du marché du travail.
Selon nous, la croissance va également ralentir en Europe, mais moins qu’aux États-Unis. Si les droits de douane du 2 avril devaient rester à leurs niveaux proposés pendant six mois, la croissance européenne pourrait être de 50 à 100 pb inférieure à ce qu’elle serait dans un scénario de réduction des droits de douane. En matière d’inflation, des droits de douane imposés en représailles par l’UE pourraient entraîner des pressions accrues sur les prix à court terme mais, à moyen terme, une guerre commerciale aurait sans doute plutôt un effet désinflationniste pour l’Europe. Cette perspective, ajoutée au ralentissement de la croissance, pourrait inciter la Banque centrale européenne (BCE) à réduire ses taux en deçà des 2 %, ce à quoi nous attendons d’ici juin.
Que faire dans cet environnement de forte volatilité ? Dans cet environnement, le S&P 500 pourrait, selon nous, revenir à 5800 d’ici à la fin de l’année. Les investisseurs doivent néanmoins se préparer à une volatilitité accrue à court terme (Fig.1). L’augmentation des droits de douane et le ralentissement de la croissance ne manqueront pas d’exercer une pression sur les bénéfices des entreprises américaines, tandis que les primes de risque resteront probablement élevées, sur fond d’incertitude persistante et de dégradation des indicateurs économiques. La volatilité accrue impose de se concentrer sur la diversification des portefeuilles et les stratégies de couverture. S’agissant des actions, les stratégies de préservation du capital peuvent permettre de limiter les risques de baisse.
Graphique 1- La volatilité des actions reste élevée
Volatilité implicite de l’indice actions américain, en %
Nous apprécions les obligations de haute qualité et investment grade dans la mesure où elles permettent d’échapper quelque peu à l’incertitude, d’autant plus qu’elles contribuent à la diversification. Même s’il nous semble encore prématuré d’acheter sur repli le crédit risqué, les dislocations apparues sur les marchés du crédit la semaine dernière ont rendu les écarts de rendement nettement plus intéressants. À noter que les écarts du haut rendement américain ne sont jamais restés longtemps au-dessus de 500 points de base. D’autre part, les rendements absolus supérieurs à 10 % affichés par de nombreux émetteurs à haut rendement américains pourraient faire craindre une situation de détresse financière et contraindre la Fed à agir, offrant ainsi un catalyseur potentiel pour la classe d’actifs. Pour l’heure, nous privilégions certains émetteurs notés BB que nous considérons comme des « stars montantes », ainsi que certaines obligations subordonnées/hybrides.
L’or reste aussi, selon nous, un moyen efficace de couverture contre les risques géopolitiques et inflationnistes. Pour les investisseurs en mesure de gérer les risques associés aux stratégies alternatives, il peut être intéressant également de miser sur des stratégies de hedge fund afin de renforcer la résilience des portefeuilles dans les phases de volatilité du marché.