En réponse à une montée des contentieux entre voisins, souvent cristallisés autour des bruits et odeurs émanant des exploitations agricoles, le Parlement français a récemment adopté une loi qui vise à mettre un terme définitif aux procédures jugées abusives. Explications.
Voisinage : les bruits de la campagne enfin protégés
Les troubles du voisinage à la campagne protégés
La loi, adoptée par les députés le 8 avril 2024, après être passée par le Sénat, va changer les choses entre les agriculteurs et les néo-ruraux. Initiée par Nicole Le Peih, députée Renaissance du Morbihan et elle-même agricultrice, la nouvelle législation vise à limiter ces conflits en insérant dans le Code civil le principe de responsabilité basée sur les « troubles anormaux de voisinage ».
Ce texte, salué par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti pour définir les contours du vivre-ensemble, établit une exception notable : aucune responsabilité ne peut être engagée pour des nuisances issues d'activités préexistantes à l'arrivée du plaignant. Et si ça concerne avant tout la campagne… ce n’est pas la seule conséquence de la loi.
Le bruit ne pourra plus être source de conflit
Cette mesure législative, largement soutenue par le monde agricole, entend codifier une pratique jurisprudentielle déjà existante sans pour autant offrir un chèque en blanc pour toutes nuisances. Le texte prévoit que le trouble anormal de voisinage ne sera pas caractérisé en cas de mise aux normes ou d'absence de changement substantiel dans la nature ou l'intensité des activités concernées. Objectif : éviter les actions judiciaires considérées comme de mauvaise foi ou intempestives.
« Si l'on choisit la campagne, on doit l'accepter telle qu'elle est », a déclaré le Garde des Sceaux qui précise que la loi s’étendra à « touts les relations de voisinage ». Donc, outre la campagne, la ville est également concernée. « Je pense, par exemple, à la pizzeria du rez-de-chaussée qui, certes, produit des odeurs et du bruit, mais qui était là avant que vous emménagiez au premier étage. »
Une future bombe à retardement ?
Reste que la nouvelle loi est loin de faire l’unanimité. Certains critiquent une loi vide de contenu, qui ne ferait que répéter le droit déjà applicable. Mais pour certains, notamment l’écologiste Jérémie Iordanoff, député de l’Isère, la loi « condamne de facto des habitants à vivre dans un environnement dégradé qui ne respecte ni leur santé ni leur équilibre écologique ». En particulier du moment où le changement de nature de l’exploitation risque de ne pas pouvoir être sanctionnée.
« Lorsqu'un éleveur de poules pondeuses est contraint de passer d'un élevage en batterie à un élevage en plein air, son activité doit évoluer de manière importante mais ne pourra pas constituer de trouble », a en effet précisé François Gatel, sénatrice d’Ille-et-Villaine, lors du passage du texte au Sénat.