Viol : que change la nouvelle loi sur le consentement ?

Un changement important a été voté à l’Assemblée nationale concernant la définition du viol. Ce texte, centré sur la question du consentement, suscite autant d’adhésion que d’inquiétudes dans l’hémicycle et au sein de la société civile.

Jade Blachier
Par Jade Blachier Publié le 2 avril 2025 à 11h30
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161 voix contre 56La proposition de loi a été adoptée par 161 voix contre 56.

Le 1er avril 2025, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol. Une avancée législative qui modifie profondément le cadre juridique actuel, et qui s’inscrit dans un contexte politique et sociétal marqué par de nombreuses mobilisations en faveur des droits des victimes.

Consentement : une révolution sémantique et judiciaire

Le texte voté redéfinit désormais le viol comme « tout acte sexuel non consenti ». Ce changement met fin à une définition exclusivement fondée sur la notion de contrainte, en y intégrant une approche centrée sur la volonté libre de la personne concernée. Le consentement est défini comme étant « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable », écartant toute interprétation possible d’un accord implicite par le silence ou l’absence de résistance.

L’objectif est de mettre fin à une lacune juridique pointée par de nombreux acteurs judiciaires : certaines situations comme la sidération, l’emprise psychologique ou la surprise restaient jusqu’à présent difficilement qualifiables juridiquement. Cette réforme vise ainsi à rendre la loi plus conforme à la jurisprudence existante, et plus protectrice pour les victimes. Toutes les formulations du texte ont été validées par le Conseil d’État, qui y voit un moyen de « consolider (…) les avancées de la jurisprudence ».

L’Assemblée nationale entre fracture politique et bascule idéologique

La proposition de loi a été adoptée par 161 voix contre 56. Si le soutien gouvernemental et celui d’une majorité transpartisane ont permis son adoption, plusieurs groupes ont exprimé de fortes réserves. Le Rassemblement national (RN), l’Union des démocrates pour la République (UDR) et une partie du Parti socialiste s’y sont opposés.

Sophie Vaginay-Ricourt (UDR) a ainsi déclaré que le droit pénal « n’a pas vocation à s’aligner sur l’opinion ou la douleur, aussi légitimes soient-elles ». Du côté du PS, la députée Céline Thiébault-Martinez s’est inquiétée que la réforme ne pénalise « encore plus les victimes, qui se trouveront interrogées d’abord et avant tout sur leur consentement ».

En revanche, les défenseurs du texte, comme Marie-Charlotte Garin (écologiste, co-rapporteure), ont salué une avancée majeure : « Je crois que ce soir, collectivement, nous avons acté que nous passions de la culture du viol à la culture du consentement ».

Une transformation portée par les mobilisations féministes et les procès emblématiques

L’adoption de ce texte s’inscrit dans un contexte marqué par une forte visibilité des questions de violences sexuelles, notamment à travers les suites du procès des viols de Mazan. Plusieurs associations féministes ont manifesté aux abords de l’Assemblée nationale pour exprimer leur soutien au texte.

Sarah Durocher, présidente du Planning familial, a évoqué « un changement de mentalité », soulignant l’importance pour les militantes « d’être avec les parlementaires ». Pour la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, l’enjeu est clair : « Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’agresseur croit, c’est ce que la victime veut ».

Le texte propose par ailleurs une inversion de perspective dans l’enquête : c’est désormais à l’auteur présumé de démontrer, à travers des actes, qu’il s’est assuré du consentement. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a précisé que cette exigence ne s’apparente toutefois pas à une obligation de preuve formelle : « Le texte n’impose pas d’obligation de preuve positive, comme on signerait un contrat ».

Prochaine étape au Sénat : vers une confirmation ou une inflexion ?

Avant de devenir loi, le texte devra être examiné au Sénat, où les équilibres politiques diffèrent. Le débat s’annonce plus technique et potentiellement plus clivant. Certains élus pourraient chercher à amender la rédaction jugée trop ambitieuse ou difficilement applicable en pratique.

L’introduction explicite du consentement dans la loi française s’inscrit dans une tendance européenne, avec des exemples récents en Espagne, en Suède ou encore au Danemark. Mais sa mise en œuvre concrète dépendra désormais de son adoption définitive et de l’interprétation qu’en feront les magistrats et enquêteurs.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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