Le vin boit la tasse : crise mondiale dans les vignobles

Depuis les collines italiennes jusqu’aux plaines californiennes, le vin n’a jamais cessé de couler. Pourtant un effondrement discret se dessine. Un effritement lent, mais constant, qui ne fait pas sourire les vignerons.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 16 avril 2025 10h15
vin casiers automatiques
Voici une nouvelle façon d'acheter son vin. - © Economie Matin
30%L’OIV estime que le prix moyen payé par le consommateur a bondi de 30 % par rapport à la période 2019-2020.

Une consommation de vin en berne : l'alerte de l'OIV

L’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a publié, mardi 15 avril 2025, un constat que peu dans la filière osaient encore formuler à voix haute : la consommation mondiale de vin est tombée à son plus bas niveau depuis 1961. Le chiffre est sans appel : 214,2 millions d’hectolitres ont été achetés en 2024, ce qui représente un recul de 3,3 % par rapport à l’année précédente. L’effondrement est général, structuré, globalisé, silencieux.

Selon le rapport annuel de l’OIV, ce recul « est le plus faible volume enregistré depuis 1961 ». En clair : en six décennies, jamais l’appétit mondial pour le vin n’a été aussi maigre.

La France, pilier historique du secteur, n’échappe pas à cette spirale descendante. Sa consommation a encore fléchi de 3,6 % en 2024. Les États-Unis, premier marché mondial en volume, ont vu leur demande se contracter de 5,8 %. Même la Chine, un temps présentée comme l’Eldorado œnologique, n’échappe plus au reflux.

Quand le prix de la bouteille devient un luxe

Mais si la soif s’éteint, c’est aussi parce que le vin coûte plus cher. L’OIV estime que le prix moyen payé par le consommateur a bondi de 30 % par rapport à la période 2019-2020. L’inflation générale, la flambée des coûts logistiques, l’énergie, les matières premières et l’irrégularité climatique se conjuguent pour alourdir la facture.

La production elle-même est en chute libre. En 2024, seuls 225,8 millions d’hectolitres ont été produits dans le monde, un recul de 4,8 % sur un an, qui représente le volume le plus faible depuis plus de 60 ans. En cause : des conditions climatiques extrêmes, allant des pluies excessives à des épisodes de sécheresse accablants. L’Europe, pourtant berceau du vin, a enregistré la récolte la plus faible de ce siècle.

Le bilan français est brutal : -23 % de production par rapport à 2023, soit le plus faible niveau depuis 1957, selon l’OIV. L’Espagne n’est pas épargnée, les États-Unis non plus. Seule l’Italie tire son épingle du jeu, devenant de nouveau le premier producteur mondial avec 44 millions d’hectolitres.

Vin : crise passagère ou déclin structurel ?

« Il importe de prendre en compte les facteurs structurels de long terme qui contribuent au déclin observé de la consommation », rappelle sobrement l’OIV. En d’autres termes : ce n’est pas qu’une crise passagère, c’est une mutation profonde.

Moins de jeunes boivent du vin. Et ceux qui le font privilégient qualité, modération, sobriété. Le caviste Nicolas, interrogé par France Bleu, ne mâche pas ses mots : « Les jeunes consomment moins que leurs parents. » Finie la bouteille quotidienne à table, bonjour la santé.

Le choc commercial : exportations en chute, prix sous pression

Sur les marchés internationaux, la dégringolade se fait sentir : les exportations mondiales de vin sont tombées à 99,8 millions d’hectolitres, en baisse de 6,3 %. En valeur, elles se maintiennent à 35,9 milliards d’euros, uniquement grâce à la montée en gamme. Car le vin haut de gamme amortit la chute, en conservant ses marges malgré des volumes moindres.

Les États-Unis, toujours premier importateur mondial, ont réduit leurs achats à 6,3 milliards d’euros, tandis que l’Allemagne et le Royaume-Uni poursuivent leur décroissance. Le modèle économique hérité des années 1990, basé sur des volumes massifs et des circuits longs, semble définitivement à bout de souffle.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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