L’Europe s’intéresse aux usines virtuelles pour une nouvelle révolution industrielle

Les entreprises du secteur européen de la fabrication ont de plus en plus recours aux technologies numériques pour gagner en agilité.

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Par Horizon Publié le 6 août 2023 à 9h00
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L’Europe s’intéresse aux usines virtuelles pour une nouvelle révolution industrielle - © Economie Matin
30%les usines recourant à la 5G pourraient enregistrer des gains de productivité de 20 à 30%.

Une usine de rasoirs électriques située à Drachten, dans le nord des Pays-Bas, se prépare à lancer un test qui devrait aider l’industrie européenne à obtenir des résultats sur des marchés internationaux de plus en plus concurrentiels.

L’usine de Philips, la société d’électronique grand public, participe à un projet de recherche soutenu par l’UE qui a pour but d’inciter les acteurs du secteur industriel à utiliser des «jumeaux numériques», c’est-à-dire des usines virtuelles créées à l’aide de technologies qui pourraient aider à rationaliser la production réelle.

Virtuel et réel

L’idée est d’exploiter des techniques telles que le cloud computing, l’intelligence artificielle, la robotique et la blockchain pour créer des modèles de processus de fabrication complets et identifier les améliorations possibles. 

«L’industrie est dans une phase de transition dans laquelle les technologies numériques ont un rôle à jouer», a déclaré le Dr Cécile Girardot, coordinatrice de l’initiative DIMOFAC, qui s’achèvera en mars 2024. «Avec l’aide de jumeaux numériques, les données en temps réel peuvent montrer dans le monde virtuel quelles sont les performances des machines dans le monde réel.»

L’industrie de transformation européenne pèse 5 milliards EUR et comprend des géants mondiaux dans des secteurs allant de l’aviation et de l’acier à l’automobile et aux produits chimiques. Elle est en concurrence avec des exportateurs étrangers et doit se conformer sur son sol à des réglementations environnementales plus strictes.

À ces deux difficultés sous-jacentes sont venues s’ajouter la flambée des prix de l’énergie due à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 et des problèmes de chaîne d’approvisionnement provoqués par la pandémie de Covid-19, il y a deux ans.

L’UE a établi un partenariat entre public et privé d’un montant de 1,15 milliard EUR, intitulé Usines du futur, qui a pour but de faire progresser la recherche et l’innovation dans le secteur de la transformation. Il montre l’importance que revêt cette question dans la politique européenne.

L’enjeu est le suivant: faire en sorte que les entreprises européennes parviennent à gérer ce que l’on appelle communément la Quatrième révolution industrielle, ou «industrie 4.0», une ère marquée par l’automatisation et la connectivité.

La notion d’usine virtuelle gagne du terrain en Europe. Des fabricants allant d’Airbus à Schneider Electric, étudient les concepts de jumeau numérique et créent des ateliers de fabrication virtuels.

Brancher et produire

Le projet DIMOFAC, qui a débuté fin 2019, a développé un système visant à rendre la fabrication plus agile.

Baptisé «Plug and Produce», il facilite la reconfiguration des lignes de production en associant de vraies machines à des jumeaux numériques.

Grâce à ce système, un fabricant a pu simuler virtuellement une nouvelle configuration et résoudre les problèmes rencontrés en ligne avant d’installer l’équipement dans l’usine physique.

Des problèmes de production peuvent survenir, par exemple lorsque l’on utilise des matières premières recyclées car leurs propriétés ne sont pas toujours identiques, explique Mme Girardot, coordinatrice de projets européens dans les matériaux avancés et la fabrication à l’institut de recherche français CEA-Liten.

«Dans ce cas, il est nécessaire d’adapter la production», a-t-elle déclaré. «Plus vite vous le faites, mieux cela vaut. L’objectif principal est de réduire les temps de reconfiguration.»

Le système «Plug and Produce» du projet sera testé en production dans cinq installations à travers l’Europe. Outre l’usine de rasoirs électriques située aux Pays-Bas, citons aussi les exemples des composants aérospatiaux fabriqués par Éirecomposites en Irlande et des écrans interactifs produits par Schaltag en Suisse.

La technologie est mise en place sur les cinq sites et des résultats sont attendus au premier trimestre 2024.

Le projet DIMOFAC a pu bénéficier des connaissances d’un large éventail d’experts du secteur industriel, par le biais de 30 partenaires, parmi lesquels figurent aussi Siemens Industry Software (France), la société d’ingénierie mécanique FILL en Autriche et EXOM Engineering en Espagne.

Une collaboration plus étroite

FIRST, un autre projet financé par l’UE pour mieux exploiter les perspectives offertes par les usines numériques, a étudié comment les mettre à profit pour améliorer l’efficacité de différents sites de production.

Les conceptions et processus inédits développés par FIRST faciliteront la collaboration, d’après Lai Xu, qui a assuré la coordination de l’initiative qui s’est achevée en décembre 2022 au terme de six années de travaux.

«Traditionnellement, les sites de fabrication peuvent être relativement isolés», a déclaré Mme Xu, professeure agrégée à l’Université de Bournemouth, au Royaume-Uni, spécialisée dans les processus collaboratifs d’entreprise et les entreprises virtuelles.

D’après Mme Xu, le projet FIRST s’est attaché à identifier les difficultés et les obstacles à l’utilisation des technologies d’usine virtuelle et de développer des moyens de les surmonter.

Parmi les partenaires du projet, au nombre de sept, figuraient des fabricants, des éditeurs de logiciels et des universités de différents pays, dont l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Chine.

Mme Xu est optimiste quant à ce que les jumeaux numériques peuvent offrir au secteur industriel tant sur le plan commercial qu’environnemental.

À titre d’exemple, en utilisant un modèle numérique de l’ensemble du processus de production, une entreprise du secteur de la mode pourrait concevoir une paire de chaussures à Paris ou à Milan et coordonner leur fabrication et leur vente dans le monde.

Un réseau informatique relierait tous les partenaires (magasins, concepteurs, logistique et fabricants) et enverrait des informations sur ce dont on a besoin à un endroit et à un moment donnés grâce à la blockchain.

«La chaussure personnalisée peut être conçue ailleurs mais fabriquée au niveau local, ce qui permet de bénéficier d’un processus de fabrication plus efficace, plus souple et ayant moins d’impact sur l’environnement», a ajouté Mme Xu.

À la carte

Avec les technologies d’usine virtuelle, c’en est fini du «tout ou rien». Les fabricants peuvent valider des éléments pour améliorer les processus sans s’engager sur l’ensemble, d’après Mme Xu.

Ce facteur pourrait être important pour les nombreuses petites et moyennes entreprises du secteur européen de la transformation qui peuvent manquer de ressources lorsqu’ils s’agit de moderniser leurs systèmes de A à Z.

Les technologies d’usine virtuelle peuvent également aider les entreprises à gérer plus efficacement la maintenance des machines complexes, et donc réduire leurs coûts.

«Les capteurs installés autour de la machine recueillent des données qui vous permettent de programmer le moment auquel dépêcher un technicien de maintenance sur site», a ajouté Mme Xu. 

Signe que les technologies de fabrication virtuelle sont appelées à se généraliser, elle a déclaré que le consortium FIRST recherche activement de nouveaux financements européens et nationaux pour continuer à progresser dans ce domaine.

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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