Alors que la santé demeure la première préoccupation des Français, la Croix-Rouge française livre un rapport sévère sur les failles de notre système. Entre déserts médicaux, inégalités sociales et saturation des services, elle appelle à un sursaut collectif pour renforcer la résilience sanitaire du pays.
Un Français sur trois renonce aux soins : la Croix-Rouge sonne l’alerte
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Published on 11 avril 2025 11h48
Le 8 avril 2025, la Croix-Rouge française a présenté la troisième édition de son rapport sur la résilience de la société française, avec un accent particulier sur la santé. Intitulée « Notre santé menacée : comment la proximité peut tout changer », cette nouvelle livraison, fondée sur des données statistiques, des témoignages de terrain et un sondage OpinionWay, brosse un tableau préoccupant de l’état sanitaire du pays. L’objectif est clair : alerter, mais surtout proposer des pistes concrètes pour ne laisser personne sur le bord du chemin.
Santé : la première angoisse des Français
Selon un sondage Ipsos réalisé en octobre 2024, la santé est désormais la principale inquiétude des citoyens, reléguant le pouvoir d’achat au second plan. Ce basculement trouve un écho frappant dans les chiffres du rapport : un Français sur trois a renoncé à des soins en 2024. Les territoires ruraux et les quartiers populaires sont les plus touchés. 44 % des Français affirment vivre dans un désert médical, tandis que près d’un sur deux éprouve des difficultés à obtenir un rendez-vous médical en dehors des grandes agglomérations.
Le manque criant de professionnels aggrave la situation : on compte en moyenne 339 médecins pour 100 000 habitants, dont seulement 147 généralistes. Les métiers du soin ne sont pas épargnés, avec 30 000 postes d’infirmiers et d’aides-soignants vacants. Face à cette raréfaction, les urgences deviennent la seule porte d’entrée encore disponible pour de nombreux citoyens, au point que les prises en charge ont doublé en 25 ans, passant de 10 à 20 millions par an (DRESS, mai 2024).
La santé mentale, enjeu oublié du système
Le rapport alerte également sur la montée silencieuse des troubles psychiques. 28 % des Français estiment que leur santé mentale est moyenne ou mauvaise. Ce mal-être croissant se heurte à une offre de soins insuffisante, tant en structure qu’en personnel formé. Et pourtant, 9 millions de personnes ont chaque année recours au système de santé pour un problème de santé mentale.
Face à ce constat, la Croix-Rouge appelle à un investissement massif dans la prévention, l’accompagnement des jeunes et la généralisation du soutien psychologique lors des crises. « Nous appelons à concentrer nos efforts sur la proximité et l’aide aux plus vulnérables [...] Quant à la santé mentale, elle doit figurer parmi nos priorités », déclare Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française.
Cinq leviers pour rebâtir un système plus juste
Le rapport ne se contente pas de dresser un état des lieux. Il avance cinq propositions concrètes, destinées à reconstruire un système plus équitable. Premièrement, garantir un accès effectif à la santé dès le premier kilomètre, grâce à des unités mobiles, une politique de prévention et une médiation de proximité. Deuxièmement, faire de la santé mentale une grande cause nationale, à travers des formations accessibles à tous.
Troisième priorité : renforcer la capacité de réponse aux crises sanitaires. Aujourd’hui, 62 % des Français estiment que le pays ne serait pas prêt à affronter une nouvelle pandémie d’ampleur. Pour y remédier, la Croix-Rouge propose de renforcer les stocks stratégiques, d’améliorer la coordination avec les associations agréées de sécurité civile et de faciliter la mobilisation de personnel volontaire.
Le quatrième axe concerne le secteur privé non lucratif, jugé indispensable à une offre de soins solidaire et durable. L’organisation demande une reconnaissance institutionnelle, un soutien financier stable et une convention collective unique pour les métiers du soin.
Enfin, le cinquième levier vise à former 80 % de la population aux gestes qui sauvent, notamment grâce à l’utilisation du compte personnel de formation. L’enjeu est de faire de chaque citoyen un acteur potentiel de la chaîne de secours, partout sur le territoire.
Inégalités structurelles, fractures sanitaires
Le rapport de la Croix-Rouge souligne l’injustice structurelle d’un système qui accroît les écarts. En France, un homme parmi les 5 % les plus riches vit treize ans de plus qu’un homme parmi les 5 % les plus pauvres. Ces disparités se manifestent dans l’accès aux soins, mais aussi dans les effets à long terme sur la santé mentale, l’espérance de vie, et la capacité à faire face à une crise.
Cette situation ne se résume plus à des dysfonctionnements ponctuels. Elle traduit un glissement vers un modèle de santé à deux vitesses. Et c’est précisément ce que le rapport entend empêcher : une société dans laquelle les plus fragiles n’ont plus accès au soin, ni à la protection.