Le gouvernement avait discrètement voté une baisse drastique du seuil de franchise de TVA à 25.000 euros dans la loi de finances 2025. Après une levée de boucliers des micro-entrepreneurs et un tollé au sein même de l’Assemblée nationale, Bercy fait marche arrière. Le ministère de l’Économie semble s’orienter vers un compromis.
TVA et micro-entreprises : le gouvernement aurait une proposition

La réforme de la TVA pour les micro-entrepreneurs devait entrer en vigueur le 1er mars 2025 et imposer un seuil unique de 25 000 euros de chiffre d'affaires avant de devoir facturer la taxe. Cette disposition, adoptée en catimini dans le Budget 2025 grâce à l’article 49.3, devait mettre fin à la franchise de TVA actuelle de 37 500 euros pour les services et 85 000 euros pour le commerce. Mais face à une fronde généralisée des fédérations d’auto-entrepreneurs et d’une opposition quasi unanime à l’Assemblée nationale, Bercy revoit sa copie.
Le ministère de l’Économie abandonne l’idée d’un abaissement général du seuil et propose désormais de maintenir la franchise à 37 500 euros, sauf pour les entrepreneurs du bâtiment qui devront bien s'acquitter de la TVA dès 25 000 euros de chiffre d’affaires.
Baisse des seuils d’exonération de TVA : Un projet qui a provoqué un tollé
Lors de l’examen du Budget 2025, la disposition abaissant la franchise de TVA à 25 000 euros pour tous les micro-entrepreneurs n’a pas fait l’objet de débats approfondis, passant sous les radars médiatiques. Ce n’est qu’après son adoption que les fédérations professionnelles ont sonné l’alarme. La Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) et l’Union des Auto-Entrepreneurs (UAE) ont dénoncé une réforme brutale, imposée sans concertation, et qui risquait d'étrangler des milliers de petits indépendants.
L’application soudaine de la TVA aurait contraint 250 000 micro-entrepreneurs à majorer leurs tarifs, alors qu’ils attirent aujourd’hui une clientèle grâce à des prix plus accessibles. Le passage forcé à la TVA impliquait une hausse immédiate de 20 % des tarifs facturés, un changement que beaucoup d’indépendants auraient dû absorber eux-mêmes, faute de pouvoir le répercuter sur leurs clients.
La grogne montant, Bercy tenterait d’éteindre l’incendie en modifiant son projet. Selon les informations de BFM Business, le gouvernement s’oriente désormais vers un maintien du seuil actuel de 37 500 euros pour la plupart des activités, mais conserve la baisse à 25 000 euros pour les entrepreneurs du bâtiment. Un choix qui ne met pas fin à la polémique et risque encore de diviser.
Tva et micro-entreprise : Pourquoi le bâtiment est-il ciblé par la réforme ?
La principale justification avancée par le ministère est la distorsion de concurrence entre les micro-entrepreneurs du bâtiment et les artisans traditionnels. Selon la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB), les auto-entrepreneurs bénéficieraient d’un avantage fiscal injuste, leur permettant de proposer des tarifs plus bas que ceux des entreprises classiques soumises à la TVA.
D’après ces organisations professionnelles, le régime de micro-entrepreneur favoriserait un contournement de la TVA, encourageant certains artisans à exercer sous ce statut pour éviter d’y être soumis. L’objectif du gouvernement en maintenant la baisse du seuil à 25 000 euros dans le bâtiment est donc de rééquilibrer la concurrence, en forçant ces entrepreneurs à facturer la TVA à leurs clients.
Mais cette analyse est contestée par les fédérations de micro-entrepreneurs, qui dénoncent un préjugé erroné. Pour Grégoire Leclercq, président de la FNAE, le chiffre d'affaires moyen d’un micro-entrepreneur dans le bâtiment est bien en dessous de celui d’un artisan classique et n’atteint que 15 000 à 20 000 euros annuels. Selon lui, les auto-entrepreneurs ne menacent en rien les entreprises du secteur, qui disposent de structures bien plus solides.
Un passage en force du gouvernement ?
La modification de la réforme ne met pas fin au débat. L’Assemblée nationale doit encore valider le changement de seuil, car la loi de finances votée impose toujours les 25 000 euros pour tous. Or, les députés sont majoritairement opposés à cette baisse du seuil de TVA. Quatre propositions de lois ont déjà été déposées par les socialistes, Horizons, Les Républicains et La France Insoumise pour annuler totalement la réforme et revenir aux règles actuelles.
Le gouvernement espère trouver un compromis, mais il devra justifier pourquoi un traitement différencié entre les artisans et les autres micro-entrepreneurs serait justifié juridiquement. Bercy assure qu’il y aura une phase de transition, avec une entrée en vigueur repoussée au 1er janvier 2026, au lieu de mars 2025, afin d’amortir le choc pour les professionnels concernés.
Les conséquences pour les micro-entrepreneurs
Si le compromis proposé par le gouvernement venait à être validé, les commerçants et les prestataires de services conserveraient leur régime fiscal actuel, ce qui éviterait une flambée soudaine des prix dans ces secteurs. En revanche, les micro-entrepreneurs du bâtiment devront désormais intégrer la TVA dans leurs prix, ce qui pourrait entraîner des difficultés de trésorerie, voire des cessations d’activité pour ceux dont le volume d’affaires est trop faible pour absorber cette nouvelle contrainte.
La question se pose aussi de la lisibilité du régime fiscal. De nombreux indépendants peinent déjà à respecter les centaines d’obligations comptables et fiscales. Cette réforme risque d’ajouter une nouvelle couche de complexité, en fonction du secteur d’activité exercé avec l’obligation de faire appel, pour certains, à un expert-comptable.