L’État perd 100 euros par seconde d’impôt sur les transactions financières

La Taxe sur les Transactions Financières (TTF), souvent surnommée « taxe Robin des Bois », est censée prélever 0,3% des transactions financières pour contribuer aux recettes de l’État. Pourtant, un nouveau rapport d’Oxfam France et de plusieurs ONG met en lumière des failles majeures dans son recouvrement, entraînant des pertes annuelles évaluées entre 1 et 3 milliards d’euros.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 25 juin 2024 à 8h30
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2 MILLIARDS €La TTF rapporte 2 milliards d'euros par an à l'Etat français.

Alors que les méthodes opaques de collecte et les exclusions injustifiées se multiplient, l'État semble accepter de sacrifier des milliards de recettes potentielles. Le tout pour faire plaisir aux entreprises qui s’en mettent plein les poches

Impôts : l'échec du recouvrement de la TTF

Oxfam France et plusieurs ONG révèlent ce 25 juin 2024 que seulement 15% des transactions financières sont effectivement taxées. Euroclear, l'entreprise privée chargée de la collecte de cet impôt, opère dans une opacité totale, refusant de communiquer les données anonymisées des transactions taxées. Ce manque de transparence empêche l'État et les citoyens de savoir ce qui est réellement taxé. De plus, près d'un quart des transactions non taxées restent inexpliquées, soulignant un laxisme gouvernemental préoccupant.

Certaines opérations échappent à la TTF en raison des exemptions prévues par la loi, mais d'autres exclusions, notamment les transactions intra-journalières, sont plus controversées. Bien que ces transactions soient parmi les plus spéculatives, elles ne sont pas taxées en raison de l'absence de solutions techniques lors de l'instauration de la taxe. Or, depuis 2018, l'Autorité des Marchés Financiers dispose des données nécessaires pour les inclure dans l'assiette fiscale, rendant l'exclusion actuelle injustifiable. « Chaque seconde, c'est 100 euros de taxe sur les transactions financières qui échappent à l'État. »

Près de trois fois plus de transactions réellement taxables

Les ONG estiment que l'amélioration du recouvrement de la TTF pourrait quasiment tripler l’assiette des transactions taxables actuelle, passant de 630 milliards d'euros à 1 720 milliards d'euros, générant ainsi entre 1 et 3 milliards d'euros supplémentaires chaque année par rapport aux deux milliards actuels. Une perte de recettes particulièrement inquiétante dans le contexte actuel où l'Aide Publique au Développement (APD), financée en partie par la TTF, est en baisse. « La TTF prélève 0,3% des transactions financières. Un taux indolore pour le monde de la finance et qui n’a jamais eu d’impact sur l’attractivité des marchés mais qui rapporte près de 2 milliards d’euros par an à l’Etat Français », souligne Oxfam dans son communiqué

Près de 30% des recettes de la TTF sont directement affectées à l'APD, soutenant les populations les plus vulnérables face à la pauvreté et aux changements climatiques. Toutefois, le laxisme autour de la collecte de cette taxe et les coupes budgétaires récentes mettent en péril ces financements essentiels. L'APD française a baissé de 11% entre 2022 et 2023, avec une coupe budgétaire prévue de 742 millions d'euros pour 2024, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les bénéficiaires de ces aides.

Améliorer la transparence de la TTF

Pour optimiser la TTF, il faut exiger une transparence totale de la part d'Euroclear. L'État doit être capable de vérifier ce qui est réellement taxé et d'améliorer le recouvrement des transactions actuellement exclues. « Suite à la révision de la directive européenne sur les marchés financiers de 2018, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) dispose désormais d’une base de données exhaustive détaillant toutes ces informations. Tous les obstacles techniques ayant été levés, la France n’a plus aucune excuse pour ne pas agir aujourd’hui et doit taxer ces transactions intra-journalières », rappelle l’ONG.

Il est également nécessaire de renforcer la surveillance des acteurs financiers et de mettre en place des sanctions dissuasives pour ceux qui tentent de minimiser les montants dus. Un système de vérification indépendant pourrait être instauré pour garantir l'exactitude des déclarations des acteurs financiers.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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