Au-delà des débats actuels autour des retraites, il convient de redonner une véritable place aux seniors dans le monde du travail avec une feuille de route réaliste pour engager un vrai tournant.
Travail : Six propositions pour redonner leur place aux seniors
A l’heure où les débats sur la réforme des retraites font la une de tous les journaux d’information en France, il est intéressant d’aborder le sujet de l’emploi des seniors. Si l’on se projette à l’horizon 2030, donc dans quelques années à peine, plus de 5 millions de seniors (personnes âgées de 50 ans et plus) seront disponibles sur le marché du travail. Selon les chiffres de l’INSEE, le taux d'activité des seniors en France est l'un des plus faibles d’Europe. En 2020, seulement 60,5 % des personnes âgées de 55 à 64 ans étaient actives en France, contre une moyenne européenne de 66,7 %. Les plus de 55 ans ou plus sont également moins représentés dans les emplois à haute responsabilité, avec en 2020, seulement 14 % des cadres.
Ces chiffres interpellent. D’autant plus que les seniors permettent d’apprécier les situations humaines, managériales, ou organisationnelles plus posément, privilège de l’expérience. Ils sont, en ce sens, un véritable atout pour une entreprise.
Pour repenser la place des seniors dans le monde professionnel, six mesures peuvent être aisément mises en pratique en entreprise :
1- Comprendre les points bloquants et les besoins en ressources
Cela suppose d’observer les pratiques en ressources humaines mises en place, les aspirations, mais aussi la culture d’entreprise, le contexte économique ou encore l’histoire de l’organisation. Tout ceci va permettre d’identifier la matière vivante de l’organisation. Ce premier moment est décisif, car il doit permettre de saisir le lien de l’entreprise avec les compétences et ressources humaines, de manière générale et de manière plus précise, autour de la relation avec les seniors. L’approche va consister à organiser des entretiens individuels avec les acteurs représentatifs de l’entreprise, toutes fonctions confondues. Dans un second temps, on pourra mettre en scène des groupes de travail visant à alimenter la réflexion autour de sujets-clés comme les besoins en compétences, ou encore le regard porté sur l’autre. Tout ce travail sera alimenté par une analyse des données internes pour y voir plus clair dans les axes partagés.
2-Mettre en œuvre un programme de mobilisation interne et une task force
De cette étape d’écoute et de construction découle le temps de la restitution collective pour créer un lien avec l’ensemble des personnes mobilisées. Il sert à partager l’avancement et éviter l’effet tunnel (un moment long entre l’implication et les résultats visibles). Cette restitution va symboliquement donner des éléments pour partager un constat mais aussi commencer à dessiner les premiers éléments de trajectoire. A ce stade, il faudra bâtir un plan d’actions en fonction des axes prioritaires décidés et constituer une équipe de choc pour suivre, mettre en œuvre, relayer les actions visant à ouvrir l’entreprise aux seniors. Le choix de cette équipe devra respecter des critères de représentativité des métiers, des âges, et assurer un équilibre entre les convaincus et les plus neutres.
3-Expérimenter à partir d’un bilan de compétences collectif
A ce stade, il faudra mettre les mains dans le cambouis pour porter le vrai sujet différenciant : la compétence. C’est ainsi qu’un travail de cartographie des compétences existantes et de croisement avec les besoins en compétences sera accompli. Cette étape est clé car elle va permettre de faire émerger et démontrer de quelles compétences a besoin l’organisation. Enfin, viendra le moment où à partir de ces besoins pourra être dressé une synthèse des compétences-clés, dont certaines pourront être portées fièrement et légitimement par les seniors. C’est par un jeu de priorisation de critères que la démonstration et l’expérimentation pourront être réalisées : prioriser les critères et démontrer que certaines compétences sont avant tout maitrisées par des seniors.
4-Identifier les premiers éléments de retour d’expérience
Il s’agit ici d’une approche nouvelle concernant un sujet pas toujours mature : celui de l’acceptation des seniors dans le monde du travail. Pour cela, faire vivre une boucle de retour d’expérience en continu parait intéressant pour trouver la bonne approche et apprendre des erreurs passées. Suivre l’avancement de cette expérimentation au travers de critères acceptées par tous, instaurer des moments de communication interne pour faire émerger des retours, un alignement autour de ce sujet. Cette boucle d’expérience devra naturellement être soutenue par l’ensemble de la hiérarchie autour d’une communauté de relais.
5-Impliquer et faire vivre un écosystème complémentaire composés d’associations, d’entreprises et de l’Etat
A ce moment, il convient de sortir de l’entreprise pour faire vivre des synergies entre entreprise et structures associatives, ainsi qu’avec l’Etat et les collectivités locales. Un plan d’animation de cet écosystème pourrait permettre, sous l’égide des régions, et en supervision avec le ministère du Travail d’avancer plus vite et plus fort. En définitive, il s’agirait d’un plan « jeunes » pour les seniors !
6-Mobiliser durablement et savoir adapter sa démarche
Le jeu en vaut la chandelle. Ce sujet est trop important pour qu’il soit un simple effet de mode. Pour réussir ce pari, il faudra compter sur la contribution de tous. En clair, « mobilisons-nous » pour porter ce sujet haut et fort, et trouver ainsi les conditions pour que la place des seniors dans le monde du travail soit simplement durable.
Cette feuille de route pourra naturellement être adaptée à chaque organisation et doit être l’occasion d’avancer au niveau de chaque entreprise. A chacun de se saisir et d’évoquer le sujet de l’emploi des seniors avec ses pairs. Tout cela constitue une façon de réorienter la société et pourquoi pas de faire « de la politique réellement » autour de la valeur travail.