Transition écologique : la loi interdit les tracts ? La Poste en fait la pub !

Alors que la France s’engage fermement dans la lutte contre le gaspillage avec des lois récentes comme la loi AGEC et la loi Climat, entrées en vigueur en 2020 et 2021, un acteur inattendu semble jouer à contre-courant : La Poste ! Malgré des lois restreignant de plus en plus l’utilisation des prospectus publicitaires, la filiale Médiapost de l’entreprise publique continue de promouvoir activement, à contre-courant, la distribution de tracts publicitaires… Le slogan de Mediapost est édifiant « L’imprimé publicitaire : l’allié de votre pouvoir d’achat » ! Et la transition écologique alors ?

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 9 novembre 2023 à 21h03
Prospectus, tract, la poste
Transition écologique : la loi interdit les tracts ? La Poste en fait la pub ! - © Economie Matin
12 000Médiapost, filiale de La Poste, emploie 12 000 personnes en France.

Alors que la France s'engage fermement dans la lutte contre le gaspillage avec des lois récentes comme la loi AGEC et la loi Climat, entrées en vigueur en 2020 et 2021, un acteur inattendu semble jouer à contre-courant : La Poste ! Malgré des lois restreignant de plus en plus l’utilisation des prospectus publicitaires, la filiale Médiapost de l'entreprise publique continue de promouvoir activement, à contre-courant, la distribution de tracts publicitaires... Le slogan de Mediapost est édifiant « L’imprimé publicitaire : l’allié de votre pouvoir d’achat » ! Et la transition écologique alors ?

Voilà un tract publicitaire trouvé dans une boîte aux lettres que l’on n’est pas prêt d’oublier. intitulé « le saviez-vous », ce tract, curieusement imprimé seulement du seul côté verso, fait tout simplement la pub... de « l’imprimé publicitaire », autrement appelé tract !

Une transition écologique à géométrie variable

Pourtant, la loi AGEC de février 2020 et la loi Climat d'août 2021, défendant la transition écologique, sont passés par là. Elles représentent les derniers efforts en date de la France pour encourager une économie circulaire et réduire les déchets issus des supports publicitaires jetables. Ces lois imposent des restrictions significatives à la diffusion des prospectus, tracts, imprimés publicitaires : depuis le 1er janvier 2021, il est par exemple interdit de déposer des publicités sur les véhicules ou dans les boîtes aux lettres qui refusent explicitement ces démarches marketing. Les contrevenants s'exposent à des amendes conséquentes. À partir de 2023, de nouvelles règles entreront en vigueur, exigeant que les prospectus soient imprimés sur du papier recyclé ou issu de forêts durablement gérées. Mieux encore : dans plusieurs régions, le dépôt de tracts publicitaires en boîte aux lettres est conditionné à la présence d’un autocollant « Oui Pub ».

Autant dire que l’initiative de Mediapost va totalement à contre-courant de la démarché  du législateur, du gouvernement, et plus largement, de la transition écologique !

Médiapost, une filiale à 400 millions d’euros et 12 000 salariés

Cependant, La Poste, via Médiapost, semble défier ces tendances avec son activité de distribution de prospectus. Avec un chiffre d'affaires de 416,4 millions d'euros en 2021,  et 12 000 salariés, Médiapost est un poids lourd de la publicité physique française !  Cette situation est paradoxale : d'une part, l'État français légifère pour réduire l'empreinte environnementale des prospectus publicitaires, et de l'autre, une entreprise publique fait la promotion des mêmes prospectus publicitaires. Impossible n’est pas français !

Dans le tract diffusé en boîte, La Poste, pardon, Médiapost, argumente en faveur des tracts publicitaires, prétendant qu'ils sont un moyen pour les consommateurs de réaliser des économies substantielles, tout en étant plus respectueux de l'environnement que les alternatives numériques. Selon une étude commanditée par La Poste elle-même en 2020, l'impact environnemental des prospectus serait moindre sur 15 indicateurs par rapport aux solutions digitales ! De plus, La Poste met en avant que 95% des imprimés sont fabriqués à partir de fibres recyclées ou issues de forêts gérées durablement. Autant dire directement que les règles qui régissent la transition écologique sont biaisées ! 

Les arguments imparables de Médiapost en faveur du prospectus

Ces arguments de Médiapost qui sont d’ailleurs sans doute parfaitement vérifiables et avérés n’en sont pas moins déconcertants, quand on voit les efforts déployés par le législateur, et les autorités, pour faire la chasse aux prospectus... Les militants écologistes pointent du doigt depuis longtemps l'énergie consommée et les déchets générés par la production et la distribution des tracts, sans compter le calcul récurrent des millions d’arbres abattus, pour fabriquer prospectus, tracts et catalogues. Ils remettent également en question la validité des comparaisons avec le numérique, arguant que le calcul du coût environnemental doit être évalué sur l'ensemble du cycle de vie des produits.

Il n’empêche : l'ironie de la situation n'échappe à personne : alors que la France se positionne comme leader dans la lutte contre le gaspillage et en faveur de la transition écologique, l'un de ses services publics semble agir en contradiction avec ces objectifs ! La question reste ouverte : La Poste ajustera-t-elle sa stratégie marketing pour s'aligner avec les ambitions environnementales du pays, ou continuera-t-elle à défendre les intérêts de sa fililale, Médiapost, et de ses 12 000 salariés ? Ou bien, troisième possibilité : la lutte contre la vie chère, la bataille en faveur du pouvoir d’achat, la probable pertinence des arguments de Médiapost, auront-ils raison de la mise à mort du flyer, du tract, du prospectus, de la brochure publicitaire, du catalogue ?

Laposte Publicite Prospectus
Le texte in extenso du tract de MédiaPost :

LE SAVIEZ-VOUS ? 

 L'imprimé publicitaire vous apporte, chaque semaine, directement chez vous les promotions de vos commerçants. Le prospectus permet d'améliorer votre pouvoir d'achat en vous faisant faire des économies sur votre liste de courses. Ces économies représentent en moyenne 150€ (et jusqu'à 200€) par an et par personne.

L'imprimé publicitaire est plus vertueux pour la planète que le numérique.
Selon une étude (Quantis-La Poste 2020), 15 indicateurs environnementaux sont plus favorables par rapport à des solutions digitales équivalentes. Le prospectus participe à la gestion durable des forêts. 95% des imprimés publicitaires sont fabriqués à partir de fibres recyclées ou issues de forêts gérées durablement.

L'IMPRIMÉ PUBLICITAIRE : L'allié de votre pouvoir d’achat !

52% des Français pensent que le prospectus papier est la meilleure source d'information pour connaître les promotions 64% des Français ont mis en place des changements dans leur vie quotidienne pour faire face à la hausse des prix
Source: Etude BVA-MEDIAPOST 2022 

Le papier est issu d'une ressource naturelle et renouvelable.
Il se recycle entre 5 et 7 fois : adoptez le geste des tris.

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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