Tim Gurner : le PDG qui veut faire « souffrir » les salariés

Le magnat de l’immobilier australien Tim Gurner refait surface avec des déclarations qui ont suscité la polémique et l’indignation bien au-delà de l’Australie. Si la forme est clairement absente de ses propos, ceux-ci soulèvent une question prégnante : faut-il que nous repensions notre rapport au travail ?

Axelle Ker
Par Axelle Ker Modifié le 14 septembre 2023 à 12h50
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Tim Gurner : le PDG qui veut faire « souffrir » les salariés - © Economie Matin
50 % Selon les déclarations de Tim Gurner, il faudrait faire bondir le chômage de 50 %

Tim Gurner et "l'arrogance des salariés"

Le millionnaire et promoteur immobilier australien, Tim Gurner, n'en est pas à son premier coup d'essai. Il aime être à contre-courant et n'hésite pas à bousculer la société par des propos sulfureux. En 2017, le magnat de l'immobilier australien avait pointé du doigt les « millennials », qui préféraient selon lui, payer 15 euros pour un avocado-toast plutôt que d'économiser pour s'acheter une maison. Déjà à l'époque, ses propos avaient suscité l'indignation. Avait-il vraiment tort pour autant ? Il ne faisait que répéter l'aphorisme suivant : « donnez un million d'euros à une personne et voyez ce qu'elle en fait…»

Une fois encore, Tim Gurner n’a pas mâché ses mots. Mardi 12 septembre, lors d’une conférence sur l’immobilier de l’Australian Financial Review, le promoteur s’en est ouvertement pris aux salariés qui selon lui sont devenus « arrogants » depuis la crise du Covid-19 : « Les gens ont décidé qu’ils ne voulaient plus vraiment travailler autant à cause du Covid et cela a eu d’énormes répercussions sur la productivité. Les métiers ont définitivement perdu en productivité ». Pour lui, « ces travailleurs ont été grassement payés ces dernières années pour ne pas trop en faire ». Pour pallier cela, il faudrait selon lui « augmenter de 40 à 50 % le taux de chômage », de manière à « rappeler aux gens qu’ils travaillent pour leurs employeurs, et non l’inverse ». Pour Tim Gurner, il faut « casser cette attitude ». Il ajoute, pour essayer d'apporter un peu de nuance dans ses propos, qu'il est tout de même important de parler de « souffrance au travail ».

Ses propos ont vite fait le tour du monde et ils n’ont clairement pas été bien accueillis. La réaction de la démocrate américaine Alexandria Ocasio-Cortez est un exemple parmi d'autres : « Souvenons-nous que les grands dirigeants ont tellement augmenté leur propre salaire que le ratio entre la rémunération des dirigeants et celle des travailleurs se situe désormais à l'un des niveaux les plus élevés jamais enregistrés », a-t-elle écrit sur X (anciennement Twitter). Pour Keith Wolahan, député libéral et membre de la Chambre des représentants australienne, au sujet de la déclaration de Tim Gurner sur l’augmentation du taux de chômage « ne pouvait être plus déconnectée de la réalité », ajoutant « la perte d’un emploi n’est pas un chiffre. Il y a des gens qui vivent à la rue et tout autant de dépendants des aides alimentaires ».

On peut tout à fait comprendre les indignations qu’a soulevées la rudesse des propos de Tim Gurner. Mais ces indignations semblent s’être arrêtées davantage sur la forme plutôt que le fond… En effet, Tim Gurner, par ses déclarations choc, voulait avant tout pointer du doigt le changement de rapport entre le salarié et son employeur. « Les gens ont décidé qu'ils ne voulaient plus vraiment travailler autant à cause du Covid et cela a eu d’énormes répercussions sur la productivité. Les métiers ont définitivement perdu en productivité », regrette-il.

Changement du rapport entre salarié et entreprise : l'exemple de la France

D’après l'étude de l'Institut de sondage Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès qui analyse le nouveau rapport des Français au travail depuis la pandémie de Covid-19 : un salarié sur cinq estime aujourd'hui que le travail est « très important » contre 60 % en 1990. Un autre chiffre va dans ce sens : il y a quinze ans, près de deux Français sur trois acceptaient d'avoir moins de temps libre. En 2022, les Français sont deux fois plus nombreux à privilégier leur temps libre à leur rémunération. Et un Français sur cinq déclare faire ce qui est attendu de lui sans surinvestissement. La balance semble donc bien s'être inversée depuis la crise du Covid-19. L'étude de la Fondation Jean-Jaurès conclut : « Il y a une désacralisation de l'idéal de réussite et de la méritocratie ».

Aujourd'hui,  le travail s'adapte aux personnes et non le contraire. Si les propos de Tim Gurner frappent par leur rudesse, ils mettent en exergue une réalité : les salariés ne sont plus autant attachés à leur travail qu'auparavant et cela a, de facto, une répercussion sur la productivité des entreprises. On peut être ou non d'accord avec lui tant sur la forme que sur le fond. Mais la réalité est que si les employés sont effectivement les acteurs du développement d'une entreprise, l'entreprise, elle, créée de l'emploi et de la richesse. L'un ne peut aller sans l'autre ; la réciprocité entre les deux parties est essentielle pour le développement de la Société.

On peut ajouter à cela la quête de sens au travail qui se fait plus pressante et interpelle tant les employeurs que les employés. Tout cela montre la nécessité d'instaurer un nouveau contrat social, plus humain et respectueux des aspirations individuelles, tant de l'entreprise que celles de ses employés.

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Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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