L’annonce du retrait définitif de TikTok Lite de l’Union européenne a fait l’effet d’une bombe. Cette décision, prise dans le cadre du Digital Services Act (DSA), reflète les préoccupations croissantes quant aux effets potentiellement néfastes des plateformes numériques sur leurs utilisateurs, notamment les plus jeunes.
TikTok Lite et son programme de récompenses bannis en Europe
Qu’est-ce que TikTok Lite et en quoi diffère-t-il de TikTok ?
TikTok Lite est une version allégée de l'application principale TikTok, développée par ByteDance, destinée à des régions où la connectivité internet est limitée. Lancée en Espagne et en France en avril 2024, cette application permettait aux utilisateurs de gagner des récompenses en échange de leur engagement sur la plateforme. Les utilisateurs pouvaient accumuler des points en regardant des vidéos, en aimant des contenus, en suivant des créateurs et en invitant des amis à rejoindre TikTok Lite. Ces points pouvaient ensuite être échangés contre des bons d'achat Amazon, des cartes-cadeaux PayPal ou des Pièces TikTok, une monnaie virtuelle utilisable sur l'application.
La principale différence entre TikTok et TikTok Lite réside dans ce système de récompenses incitatif. Alors que TikTok se concentre principalement sur la création et le partage de vidéos courtes, TikTok Lite cherchait à augmenter l'engagement des utilisateurs en offrant des incitations monétaires et virtuelles. « La Commission européenne craignait que le programme TikTok Lite Rewards ait été lancé sans évaluation préalable diligente des risques qu'il comporte, notamment en ce qui concerne l' effet de dépendance du programme Rewards, et sans prendre de mesures efficaces d'atténuation des risques », peut-on lire sur le communiqué de presse publié le 5 août 2024.
Les critiques et les raisons de la suppression de TikTok Lite
Depuis son lancement, TikTok Lite a fait l'objet de nombreuses critiques, principalement en raison de son potentiel addictif. La Commission européenne a ouvert une enquête en avril 2024 pour évaluer les risques associés à cette fonctionnalité. Selon les régulateurs, le programme de récompenses de TikTok Lite pouvait encourager des comportements compulsifs, en particulier chez les jeunes utilisateurs, et posait des risques graves pour la santé mentale.
Thierry Breton, commissaire européen au Numérique, a déclaré : « Le temps cérébral disponible des jeunes Européens n’est pas une monnaie pour les médias sociaux, et ce ne sera jamais le cas. Nous avons obtenu le retrait permanent du programme TikTok Lite Rewards, ce qui aurait pu avoir des conséquences très addictives. La législation sur les services numériques est en plein essor. » La Commission a également critiqué TikTok pour ne pas avoir fourni une évaluation préalable des risques associés au lancement de TikTok Lite, une exigence du DSA.
La décision de l’Union européenne : Tiktok Lite, c’est terminé
Le 5 août 2024, la Commission européenne a rendu contraignants les engagements pris par TikTok de retirer définitivement le programme TikTok Lite Rewards de l'Union européenne. Ces engagements incluent également l’interdiction de lancer d’autres programmes similaires susceptibles de contourner cette décision. « En vertu de la législation sur les services numériques, les très grandes plateformes en ligne sont tenues de procéder à une évaluation des risques et de présenter un rapport aux services de la Commission avant de lancer toute nouvelle fonctionnalité susceptible d'avoir une incidence critique sur les risques systémiques. Ils doivent également adopter des mesures d'atténuation efficaces pour faire face aux risques recensés », rappelle l’UE.
Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, a souligné que cette décision envoie un message fort à l’industrie des médias sociaux sur l’importance de concevoir des plateformes qui ne nuisent pas au bien-être des utilisateurs. Elle a déclaré : « La sécurité et le bien-être des utilisateurs des médias sociaux doivent être une priorité absolue. Les caractéristiques de conception sur les plateformes ayant des effets de dépendance mettent en péril le bien-être de leurs utilisateurs. C’est pourquoi nous avons rendu juridiquement contraignants les engagements de TikTok au titre de la législation sur les services numériques. »
Réactions des autorités et des parties prenantes
En France, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a salué cette décision, déclarant que le retrait de TikTok Lite démontre la capacité de la Commission européenne et des régulateurs nationaux à exiger des comportements plus responsables de la part des acteurs numériques. Arcom a ajouté que cette mesure est particulièrement importante pour protéger les mineurs des risques accrus de dépendance.
« À la suite de l’ouverture d’une enquête par la Commission européenne pour un éventuel manquement aux dispositions du règlement sur les services numériques, notamment les obligations imposant de réaliser des études d’impact préalablement au lancement d’un service, et l’obligation de protéger les mineurs en ligne, TikTok a annoncé une suspension provisoire de cette fonctionnalité en France et en Espagne », écrit l’Arcom.
Les implications pour l’avenir des réseaux sociaux
La suppression de TikTok Lite pourrait avoir des répercussions sur la manière dont les plateformes numériques conçoivent et déploient leurs fonctionnalités à l’avenir. Cette décision incite les entreprises de technologie à adopter une approche plus responsable en matière de conception de produits, en mettant l'accent sur la protection des utilisateurs contre les effets potentiellement nocifs des fonctionnalités addictives. La mise en œuvre du DSA pourrait également encourager d'autres plateformes à effectuer des évaluations rigoureuses des risques avant de lancer de nouvelles fonctionnalités.
« Des procédures formelles sont actuellement ouvertes au titre du règlement sur les services numériques à l'encontre de X (à partir de décembre 2023, pour laquelle des conclusions préliminaires ont été publiées le 12 juillet 2024), TikTok (février 2024), AliExpress (mars 2024) et Meta (avril et mai 2024) » rappelle par ailleurs la Commission européenne.