Le thon en boîte, un aliment prisé par des millions d’Européens, est depuis ce 29 octobre 2024 au cœur d’une alerte sanitaire. Deux ONG, Bloom et Foodwatch, tirent la sonnette d’alarme : 100 % des échantillons testés présentent des traces de mercure, avec des concentrations parfois quatre fois supérieures aux normes européennes. Pourquoi ce taux est-il si élevé et quels sont les risques pour notre santé ?
ALERTE SANTÉ : du mercure dans les boîtes de thon ?
Les boîtes de thon : un danger invisible ?
Les résultats de la longue enquête de 18 mois menés par Bloom et Foodwatch et révélés le 29 octobre 2024 sont édifiants : 100 % des 148 boîtes de thon testées dans cinq pays européens (France, Allemagne, Angleterre, Espagne et Italie) contiennent du mercure. Dans certaines d’entre elles, les niveaux atteignent des seuils jusqu’à quatre fois supérieurs aux standards européens. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) qualifie même le mercure de "cancérogène possible". Il est donc extrêmement inquiétant de constater qu’un produit de consommation courante présente de telles concentrations de substances toxiques. Les tests menés révèlent que certaines marques de grande distribution, comme Petit Navire, affichent des taux record (une teneur record de 3,9 mg/kg pour une boîte de la marque Petit Navire, vendue dans un Carrefour City parisien).
Le mercure est un métal lourd qui, une fois ingéré, s’accumule dans le corps humain et se transforme en méthylmercure, un dérivé encore plus toxique. Ce composé est particulièrement nocif pour le système nerveux, avec des risques de troubles neurologiques sévères, surtout pour les jeunes enfants et les fœtus. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe d’ailleurs le méthylmercure parmi les dix substances les plus préoccupantes au monde. Ainsi, une consommation régulière de thon contaminé peut entraîner des troubles du développement neurologique, des malformations, et des atteintes cognitives, en particulier chez les enfants exposés in utero ou via l'allaitement.
Symptômes potentiels | Population à risque |
---|---|
Troubles neurologiques | Enfants et fœtus |
Malformations congénitales | Femmes enceintes |
Déficiences cognitives | Population générale |
Les limites de la réglementation européenne
La teneur maximale de mercure autorisée dans le thon est bien supérieure à celle fixée pour d'autres poissons, soit 1 mg/kg contre 0,3 mg/kg pour des espèces comme le lieu jaune. Pourquoi une telle différence ? Les ONG dénoncent un "tour de passe-passe" destiné à favoriser la vente de 95 % des produits thoniers sur le marché européen, au détriment des normes de santé publique. En effet, les normes actuelles se basent sur le taux de contamination constaté plutôt que sur les risques pour la santé humaine. Camille Dorioz, directeur des campagnes chez Foodwatch, réclame : « Nous exigeons que les pouvoirs publics renforcent la réglementation et, sans attendre, que les distributeurs ne commercialisent que des produits en dessous du seuil le plus protecteur », une mesure qui serait, selon lui, plus protectrice pour les consommateurs.
Face à cette cinglante révélation dans l'enquête, Bloom et Foodwatch ont lancé une pétition appelant les autorités à agir en urgence. Les ONG demandent l’interdiction de tout produit thonier dont le taux de mercure dépasse 0,3 mg/kg. Elles préconisent également l’arrêt de la promotion et de la publicité pour le thon, ainsi qu’un étiquetage visible informant les consommateurs des dangers liés à cette contamination. Cette mobilisation vise autant les pouvoirs publics que les enseignes de grande distribution, afin qu’ils mettent en place des contrôles plus rigoureux et protègent les consommateurs.
Quels réflexes à adopter ?
Comment les consommateurs peuvent-ils se protéger de cette contamination ? L’Anses recommande de limiter sa consommation de poisson à deux fois par semaine en variant les espèces et en évitant les poissons prédateurs, comme le thon, connus pour leur concentration en métaux lourds. Les femmes enceintes, en particulier, sont invitées à éviter le thon et d'autres poissons à risque. La liste des poissons à éviter comprend notamment la lotte, la dorade et la raie. Privilégier des sources de protéines variées permettrait de réduire l’exposition aux contaminants tout en conservant une alimentation équilibrée. Pour protéger les personnes les plus vulnérables, il est demandé aux cantines des crèches, écoles, maisons de retraite, maternités et hôpitaux d’arrêter de servir du thon.
Pour les deux ONG, il est urgent que les distributeurs et les industriels adoptent une attitude responsable face à cette crise sanitaire. Julie Guterman, chercheuse pour Bloom et principale autrice de l'enquête, déplore un « permis de contaminer » tacitement accordé par les autorités, rappelant l’absence de contrôles stricts sur les produits importés. Dans un marché de plus en plus globalisé, la sécurité alimentaire devrait primer sur les intérêts économiques, ce que réclame la société civile en multipliant les pétitions et actions de sensibilisation.
Liste des actions préconisées :
- Instauration d’une limite de mercure de 0,3 mg/kg pour tous les poissons.
- Contrôles systématiques des lots de thon importés.
- Étiquetage visible des produits à risque.
- Information renforcée pour les consommateurs, surtout pour les groupes à risque.