Sortie de route pour Tesla : 13 % de ventes en moins, l’empire Musk vacille

Alors que le géant californien des voitures électriques enchaînait les succès depuis une décennie, un vent contraire s’est levé. À première vue, ce n’est qu’un recul trimestriel. Mais c’est potentiellement un véritable basculement qui se dessine pour Tesla.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 3 avril 2025 à 6h14
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elon musk, tesla, perte, licenciement, milliardaire, voiture électrique - © Economie Matin
32%32 % des acheteurs potentiels aux États-Unis refuseraient d’acheter une Tesla

Le 2 avril 2025, Tesla a dévoilé ses chiffres de livraisons pour le premier trimestre. Le résultat est sans appel : la firme d’Elon Musk affiche une baisse inédite de ses ventes mondiales. Jamais dans son histoire la société n’avait encaissé un tel recul en l’espace de trois mois. La nouvelle a aussitôt secoué les marchés financiers, entraînant une réaction boursière immédiate.

Tesla en chute libre : des ventes en recul, une image écornée

Au cours du premier trimestre 2025, Tesla a livré 336 681 véhicules électriques à travers le monde, soit près de 50 000 de moins que l’année précédente à la même période, d’après les chiffres publiés par le constructeur. Cela représente une baisse de 13 %, la plus forte jamais enregistrée par l’entreprise sur un trimestre, selon CNN Business.

Ce repli s’inscrit dans un contexte d’érosion continue du soutien populaire à la marque, notamment sur ses marchés historiques. La clientèle progressiste américaine, autrefois cœur de cible de Tesla, prend désormais ses distances. Les sondages révèlent que 32 % des acheteurs potentiels aux États-Unis refuseraient d’acheter une Tesla, contre 27 % un an plus tôt.

L’analyste Dan Ives (Wedbush Securities), pourtant connu pour son optimisme sur le titre, résume la situation dans une note adressée aux investisseurs citée par la chaîne américaine : « Ce trimestre illustre les dégâts que Musk inflige à Tesla. C’est un moment de vérité pour lui, dans cette crise de marque qui s’apparente à une tornade ».

Un empire fragilisé : Elon Musk va-t-il causer la fin de sa propre entreprise ?

Le désamour s’étend au-delà de l’Atlantique. En Europe, les chiffres sont encore plus alarmants : les ventes de Tesla ont chuté de 49 % sur les deux premiers mois de l’année, et même de 56 % au Danemark, 63,9 % en Suède, et 36,8 % en France.

Les explications sont multiples. En tête, l’image d’Elon Musk, désormais ministre de l’administration Trump, responsable du « Department of Government Efficiency » (Doge), où il a supprimé plus de 100 000 postes fédéraux. À cela s’ajoute son soutien explicite à plusieurs partis d’extrême droite européens et son salut nazi, ce qui a profondément irrité une partie de sa clientèle, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.

Résultat : manifestations devant les magasins, vandalismes de bornes de recharge, appels au boycott... Autant de signaux qui annoncent une rupture entre le constructeur et certains segments sociopolitiques clés. Tesla n’a pas évoqué ces protestations dans son communiqué, mais a reconnu des « arrêts temporaires de production pour la mise à jour du Model Y ».

Compétition agressive et ralentissement industriel : le modèle Tesla à bout de souffle ?

À ces troubles politiques s’ajoute un environnement industriel moins favorable. La production a chuté elle aussi, passant de 433 371 unités à 362 615 véhicules. La gamme, longtemps en avance technologique, accuse le poids des années. Le Cybertruck, censé redynamiser les ventes, déçoit : seulement 46 000 unités auraient été mises en circulation depuis son lancement.

En face, les rivaux s’activent. En Chine, BYD (Build Your Dreams) ne se contente plus de talonner Tesla : avec 416 000 véhicules vendus au premier trimestre, le constructeur chinois repasse devant. Mieux encore, il promet désormais 250 miles d’autonomie avec seulement cinq minutes de recharge, un bond technologique qui relègue Tesla au second plan.

La firme californienne, autrefois synonyme d’avant-garde, semble désormais enchaîner les réactions défensives. En Bourse, l’action TSLA a plongé de 44 % depuis son sommet de décembre, malgré un rebond spéculatif le 2 avril 2025 lié à une rumeur de retrait d’Elon Musk de l’administration Trump dans les prochaines semaines. Ce qui permettrait, en théorie, à Elon Musk de reprendre les rênes de son entreprise… mais pas d’améliorer son image.

Tesla face à sa plus grave crise d’identité

Ce que révèle cette chute, c’est bien plus qu’un accident trimestriel. C’est une crise existentielle, un effondrement d’un narratif soigneusement construit pendant quinze ans. Tesla ne vendait pas que des voitures : elle vendait une promesse. Mais aujourd’hui, cette promesse se fissure. La fidélité des clients américains se rétracte, avec une baisse de la part de propriétaires de Tesla prêts à racheter un modèle de la marque dans les « blue states », passant de 72 % à 65 % en un an. Une alerte rouge.

Le 2 avril 2025 marquera une date charnière dans l’histoire de Tesla. Derrière la chute de 13 % des ventes, c’est tout un modèle qui se retrouve remis en cause. Entre les choix personnels d’Elon Musk, l’obsolescence partielle de l’offre, et une concurrence plus agressive que jamais, l’entreprise entre dans une zone de turbulence prolongée.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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