Terres rares : la Chine bloque les exportations, les États-Unis à court de solutions

Des ports paralysés, des chaînes de production en apnée, et une industrie mondiale à genoux : derrière l’interruption chinoise des exportations de terres rares, c’est un jeu géopolitique bien plus inquiétant qui se joue.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Last modified on 14 avril 2025 7h49
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terres rares, europe, production, technologie, indépendance - © Economie Matin
15 MILLIARDS $Le marché des terres rares pourrait dépasser 15 milliards de dollars en 2032.

Mi-avril 2025, la Chine a pris une décision aussi brutale que stratégique : interrompre l’exportation de terres rares, déclenchant une onde de choc dans toutes les sphères industrielles occidentales. Dans un contexte de guerre commerciale croissante avec les États-Unis, cette annonce marque un tournant dans l’exploitation politique des ressources critiques. Alors que 90 % du raffinage mondial de ces métaux est contrôlé par Pékin, les conséquences s’annoncent titanesques.

Pékin verrouille ses terres rares : un choc pour l’industrie mondiale de l’énergie

La Chine n’a pas fait dans la dentelle. Dans sa riposte aux droits de douane portés à 125 % par Donald Trump, elle a lancé une suspension immédiate des exportations de terres rares, y compris des aimants permanents, composants vitaux pour les voitures électriques, missiles, satellites, drones et semi-conducteurs.

Comme l’a révélé The New York Times le 13 avril 2025, « les livraisons de ces aimants, essentiels pour assembler tout, des voitures aux drones en passant par les missiles, ont été interrompues dans de nombreux ports chinois pendant que le gouvernement élabore un nouveau système réglementaire ».

Ce n’est pas une simple mise en pause : les entreprises devront désormais obtenir des licences d’exportation spéciales, dont l’obtention reste floue, voire illusoire. Le système, encore inexistant sur le terrain, crée un goulot d’étranglement immédiat pour les industriels occidentaux. Les premiers à paniquer ? Les constructeurs automobiles de Détroit, qui craignent des ruptures de stock de moteurs électriques d’ici quelques semaines.

Selon NDTV, « sept catégories de terres rares moyennes et lourdes, dont le samarium, le gadolinium, le terbium et le dysprosium, ont été placées sur la liste des contrôles à l’exportation ».

Guerre commerciale : la Chine transforme les terres rares en armes économiques

Depuis le début de la guerre commerciale, Pékin a peu à peu militarisé sa position dominante sur les chaînes d’approvisionnement en matériaux critiques. Cette suspension va plus loin encore : elle ne se limite pas aux États-Unis, mais impacte tous les pays. Une manière de dire au monde : « Vous dépendez de nous ».

Et la dépendance est réelle. Comme le rappelle NDTV, « la Chine produit environ 90 % des terres rares du monde ». Quant aux États-Unis, ils ne disposent que d’une seule mine en activité, incapable de rivaliser. Même les alliés asiatiques de Pékin, comme le Myanmar et le Laos, sont fortement intégrés dans la chaîne logistique chinoise. Dans une déclaration relayée par Reuters, David Merriman, analyste chez Project Blue, a précisé : « Il n’existe actuellement qu’une seule exploitation dédiée aux terres rares lourdes en dehors de la Chine, au Myanmar et au Laos ».

Concrètement, cela signifie que la Chine peut geler l’approvisionnement mondial sans tirer une balle. En limitant délibérément les licences d’exportation, elle asphyxie les chaînes de production de Lockheed Martin, Apple, Tesla, et d’innombrables sous-traitants qui n’ont aucune alternative viable à court terme.

Conséquences industrielles : semi-conducteurs, batteries, défense... tout vacille

Dans cette offensive ciblée, c’est l’ensemble de l’économie technologique occidentale qui vacille. Les terres rares visées sont indispensables à la fabrication :

  • d’aimants pour moteurs électriques (voitures, drones, avions),
  • de composants pour intelligence artificielle (serveurs, condensateurs, circuits haute performance),
  • de systèmes militaires sensibles (guidage de missiles, radars, satellites),
  • de technologies spatiales (propulsion, robotique, optique de précision).

Sans oublier les composants plus discrets : capacités de calcul, puces, lasers, capteurs infrarouges, optiques de casque de combat, etc. Même l’éclairage LED et les batteries à haute densité sont impactés.

Le plus glaçant reste l’aveu implicite de la Maison-Blanche. D’après NDTV, « les États-Unis disposent de stocks de terres rares, mais pas suffisamment pour approvisionner durablement leurs sous-traitants de défense ». Le spectre d’un gel prolongé laisse présager un ralentissement, voire une paralysie partielle de certains secteurs d’ici fin mai.

Une manœuvre géopolitique... digne de Black Ops 2 ?

Cette stratégie chinoise évoque curieusement un scénario fictif qui prend soudain un relief troublant. Dans le jeu vidéo Black Ops 2, sorti en 2012, l’intrigue met en scène un effondrement global provoqué par un contrôle unilatéral des terres rares par la Chine, utilisée comme levier de domination géopolitique contre les États-Unis. Et le tout commencerait en… 2025 !

Le jeu prédisait une cyberguerre technologique et des affrontements indirects pour le contrôle des ressources critiques. Fantaisie d’un studio de jeux ? Peut-être. Mais quand la réalité dépasse la fiction, il est permis de frissonner.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

5 comments on «Terres rares : la Chine bloque les exportations, les États-Unis à court de solutions»

  • Jacques

    Quel couillon ce Trump

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  • Dilas

    Bravo !

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  • Suzanna

    Formidable , je les adores ces chinois. J’ose espérer qu’il n’y ait pas que cela pour mettre à genoux yankees, vonderleien et cie de savate en guerre. Ces toxiques usa et ue nèpe pensent même pas aux citoyens qui eux payent pour ces parasites. Faut pas oublier que c’est notre argent pas le vôtre

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  • Akkal Djamal

    Égoïsme sans secropule,selon ces dires ( Américain’s first) c’est ainsi,il a créé un désordre total.

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  • jean-Claude B.

    Oups! Trump n’y avait pas pensé.

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