L’hiver touche à sa fin, et la France fait face à une situation inédite : ses stocks de gaz atteignent des niveaux historiquement bas. Alors que la consommation nationale diminue, la question du réapprovisionnement se pose. Entre baisse des prix annoncée et incertitudes géopolitiques, quelles perspectives pour le gaz en France ?
Stocks de gaz en France : vers une crise hivernale en 2025 ?

La consommation de gaz en France connaît une baisse importante en 2024, mais paradoxalement, les stocks atteignent des niveaux préoccupants. Alors que le pays s’oriente progressivement vers des énergies alternatives, la dépendance aux importations de gaz naturel liquéfié (GNL) reste un enjeu stratégique.
Une consommation de gaz en recul : fin d’une époque ?
Une baisse de la demande portée par plusieurs facteurs
L’année 2024 confirme la tendance avec une nouvelle diminution de 5,5 % de la consommation de gaz en France, selon NaTran (ex-GRTgaz) relayé par Les Echos. Plusieurs raisons expliquent cette tendance :
- Un hiver doux, limitant les besoins en chauffage.
- Une augmentation de la production d’électricité nucléaire et renouvelable (+12 %), réduisant la consommation des centrales électriques à gaz, qui a chuté de 56 %.
- Des efforts de sobriété énergétique et une rénovation thermique accrue des logements.
En parallèle, les grands industriels connectés au réseau de NaTran enregistrent une stabilisation de leur consommation (+0,8 %), après une chute de 7,4 % en 2023. L’évolution du prix du gaz joue également un rôle majeur dans cette équation.
Des stocks de gaz au plus bas : une anomalie inquiétante
Un taux de remplissage historiquement bas
La France se retrouve avec des stocks de gaz remplis à seulement 22 %, soit un niveau moitié moins élevé qu’en 2023 à la même période. Bien que cette situation ne soit pas encore critique, elle reflète une consommation élevée des réserves cet hiver, notamment en raison des tensions sur le marché énergétique européen. À titre de comparaison :
- Allemagne : 34 % de remplissage
- Italie et Pologne : 50 %
- Espagne : 65 %
La France a donc puisé dans ses stocks bien plus que ses voisins européens, ce qui implique des achats massifs pour reconstituer ses réserves avant l’hiver 2025-2026.
Pourquoi les stocks sont-ils aussi bas ?
- Une réexportation massive du GNL français vers d’autres pays européens : 25 % du GNL importé en France repart vers l’Allemagne, la Suisse et la Belgique.
- Des incertitudes géopolitiques : bien que l’Europe ait réduit sa dépendance au gaz russe, 18 % des importations européennes proviennent encore de Russie, notamment sous forme de GNL transitant par la France.
- Une capacité de stockage limitée qui contraint la France à un arbitrage difficile entre sécurisation de l’approvisionnement national et ventes à l’export.
Le prix du gaz en baisse : une aubaine ou un piège ?
Après deux années de turbulences, le marché du gaz semble retrouver un certain équilibre. En 2024, le prix du gaz s’est stabilisé autour de 45 euros le mégawattheure (€/MWh), bien loin des sommets atteints après l’invasion de l’Ukraine. Mais selon les prévisions de NaTran, une nouvelle dynamique se profile.
Une baisse prévue à 27 €/MWh d’ici 2028
Avec l’arrivée de nouvelles capacités de liquéfaction aux États-Unis en 2025 et 2026, les experts anticipent une baisse des prix sous la barre des 30 €/MWh, avec un objectif à 27 €/MWh en 2028. Cette perspective pourrait favoriser la compétitivité industrielle, mais elle pose également la question de l’incitation à l’investissement dans les énergies alternatives.
Quid de la dépendance aux importations ?
Si la baisse des prix constitue une bonne nouvelle pour les consommateurs, elle ne règle pas la question de l’origine du gaz importé. La France se fournit actuellement en GNL principalement auprès de :
- La Norvège (44 % du gaz consommé)
- L’Algérie
- Les États-Unis
- La Russie, malgré les sanctions et les restrictions commerciales.
Le manque de transparence sur l’origine précise du GNL soulève des inquiétudes, notamment quant à l’efficacité des sanctions européennes contre Moscou.
L’avenir du gaz en France : quelles perspectives ?
Avec la baisse des stocks et une consommation toujours plus régulée, la France devra augmenter ses achats de gaz dès le printemps pour éviter une crise énergétique à l’hiver 2025-2026. Les stratégies à court et moyen terme devront s’articuler autour de plusieurs axes :
- Un renforcement des contrats d’importation hors Russie, avec une diversification accrue vers les États-Unis et l’Afrique.
- Une montée en puissance des énergies renouvelables, qui permettront de limiter la dépendance au gaz pour la production d’électricité.
- Une accélération de la rénovation énergétique, réduisant les besoins en chauffage et optimisant l’efficacité énergétique des bâtiments.
Vers une sortie progressive du gaz fossile ?
L’Europe s’est fixée comme objectif de sortir des importations de gaz russe d’ici 2027, dans le cadre du plan RepowerEU. La France suit cette trajectoire avec une consommation en baisse, mais la transition énergétique complète prendra du temps. Les industries lourdes et certains secteurs comme la chimie restent très dépendants du gaz, ce qui impose une planification à long terme.