Le constructeur automobile Stellantis a mis fin à l’assemblage de son modèle électrique Leapmotor T03 en Pologne. Cette décision soulève de nombreuses interrogations sur les choix industriels opérés pour contourner les règles d’attribution du bonus écologique en France.
Stellantis retire ses billes de Pologne : l’échec d’un contournement légal

Le 31 mars 2025 marque la fin d’un épisode dans la trajectoire de Stellantis. Le géant franco-italo-américain a cessé l’assemblage de la voiture électrique Leapmotor T03 dans son usine de Tychy, en Pologne. L’objectif était limpide : contourner la réglementation française sur le bonus écologique. Mais entre un gouvernement déterminé à filtrer l’origine réelle des véhicules et un contexte géopolitique glissant, le groupe a dû remballer ses ambitions.
Stellantis : fin de partie pour l’assemblage en Pologne
Dès le 31 mars, les chaînes de l’usine de Tychy ont cessé d’assembler la Leapmotor T03. Un arrêt qui n’a surpris que ceux qui croyaient encore à l’efficacité de la manœuvre. Le groupe avait misé sur une astuce bien rodée : importer des kits semi-finis de Chine et les assembler en Europe pour bénéficier des aides françaises à l’achat de véhicules électriques. Le gouvernement français l'a bien compris.
Dans un communiqué, Stellantis indique : « le groupe n'assemble plus le modèle T03 de Leapmotor à l'usine de Tychy, en Pologne, depuis le 30 mars ». L’entreprise affirme rester engagée sur la marque Leapmotor, mais reconnaît désormais « évaluer d'autres options de production ».
Stellantis, la Chine et la France : une stratégie entre lignes rouges
Pourquoi Stellantis a-t-il tenté cette opération depuis la Pologne ? Pour comprendre, il faut revenir au cœur du débat : le bonus écologique français, réformé au Journal Officiel en janvier 2025. Ce dernier impose désormais un éco-score environnemental basé sur l’ensemble du cycle de production du véhicule. Le simple fait d’assembler des pièces chinoises en Europe ne suffit plus à faire passer la voiture pour « européenne ».
Le projet de Stellantis était pourtant clair : faire assembler la T03 à Tychy pour lui donner une « couleur européenne » et ainsi décrocher le précieux bonus. « En important la T03 sous forme de kits, Stellantis pensait contourner les obstacles posés par les règles européennes et nationales », explique Auto Plus.
Mais l’administration française a revu sa copie. L'arrêté de janvier exige désormais une fabrication réelle, incluant des étapes lourdes comme la tôlerie ou l’emboutissage. Or à Tychy, on vissait, on clipsait, mais on ne fabriquait pas.
Le coût du réalisme : taxes, réglementation et rétropédalage
Le bilan économique de cette opération ? Un gouffre. D’un côté, 21 % de droits de douane européens s’appliquent depuis l’été 2024 sur les véhicules Leapmotor importés. De l’autre, l’absence de bonus prive Stellantis de l’argument tarifaire. Résultat : la T03 vendue à 14 900 euros n’a plus de levier compétitif. Stellantis a tenté une dernière parade avec une remise commerciale équivalente, mais sans effet.
En coulisses, d’autres facteurs ont précipité la fin du projet. Le gouvernement chinois aurait demandé à ses industriels de suspendre leurs investissements dans les pays favorables aux sanctions douanières européennes. Or la Pologne a soutenu ces mesures. L’Espagne, plus neutre, devient désormais le nouveau terrain de jeu envisagé pour le SUV Leapmotor B10.
Et maintenant ? Stellantis prépare la relève… ailleurs
Si la T03 s’éteint en Europe, Stellantis n’abandonne pas pour autant l’aventure Leapmotor. Le constructeur détient 51 % de la coentreprise Leapmotor International, lui conférant l’exclusivité de l’exportation, de la vente et de la production hors Chine. La stratégie pourrait désormais passer par des modèles « série A », produits en dehors de l’Empire du Milieu dès 2026.
D’ici là, Stellantis doit trouver un équilibre entre ses engagements environnementaux, les injonctions géopolitiques et la compétitivité tarifaire. Une équation rendue explosive par les incertitudes réglementaires qui traversent l’Union européenne, où chaque pays adapte les règles du jeu à sa sauce.
Stellantis, acteur majeur de la transition électrique en Europe, s’est heurté de plein fouet à une volonté politique : celle de refuser le dumping déguisé sous des vis autotaraudeuses.