« Il faudrait construire les villes à la campagne, l’air y est plus sain », disait Alphonse Allais, du moins lui attribue-t-on cette phrase célèbre. Et si on y mettait des startups ? Avec le numérique, la décentralisation de l’innovation dans les territoires, cette vieille lune, devient vraiment possible.
Et si on mettait les startups à la campagne ?
Des usines en ruine, des zones entières d’activité dont il ne reste que quelques friches... Aux yeux des esthètes, les structures métalliques, les immeubles industriels, les entrepôts que l’on voit fréquemment rénovés en bureaux high-tech à Paris, à Francfort ou à Berlin s’apparentent à des œuvres d’art et à tout le moins font partie du patrimoine. Hors des grandes métropoles, ils parsèment nos territoires, et peuvent être le creuset de nouvelles activités, digitales en particulier. Quant aux zones rurales, souvent désertifiées, elles peuvent aussi accueillir des entreprises technologiques innovantes liées à l’agriculture ou l’environnement.
En lien avec le cœur d’activité d’une région
Car si de 1970 à 2020, la France a été le pays le plus désindustrialisé d’Europe (pas moins de 2,5 millions d'emplois industriels perdus depuis 1974), il n’y a plus de fatalité. Non seulement la réindustrialisation est à l’ordre du jour, mais nous sommes l’un des pays les plus dynamiques en matière de création d’entreprises et en particulier de startups, la digitalisation des territoires apparait comme une priorité et la crise sanitaire a rebattu en grande partie les cartes de la territorialisation.
De là à installer de façon volontariste des startups à la campagne, des incubateurs et toutes sortes de mini-French Tech du cru en lien direct avec les activités légitimes ou historiques d’une région, il n’y a qu’un pas. Qui revient à créer des complexes consacrés aux technologies, applications et usages numériques en phase avec un cœur d’activité local (comme l’agro), ou sur l’emplacement d’une friche industrielle. Des initiatives existent, comme le Champ des Possibles, cette véritable couveuse et coopérative d’activités agricoles et alimentaires qui soutient des projets en régions et dans lesquelles sont embarquées des banques.
Comment procéder ? Quelques idées. L’initiative peut être portée par un acteur privé et soutenue par les collectivités concernées, constituant alors un outil de relance et de développement et un trait d’union entre par exemple passé industriel et futur digital. Un incubateur de startups peut être focalisé sur l’Agritech, la Foodtech ou la Greentech. Un campus numérique avec un pôle de formation, de stages, de séminaires et un coworking, sera un bon complément pour irriguer la création d’entreprises en local.
Il s’agit de faire un pont entre hier et demain, d’exploiter l’existant tout en créant du symbole, de participer à la redynamisation d’une zone en lançant des activités nouvelles insérées dans le tissu initial et en accord avec le territoire.
Certes ces activités (pépinières, incubateurs, campus numériques...) se trouvent en général dans des centres urbains importants. L’une des originalités de ce type de projet local tient à la décentralisation de l’innovation : l’émergence du travail hybride et du full remote, les technologies de communication collaborative, pallient l’enclavement relatif d’une aire territoriale. Par ailleurs, et plus encore depuis la crise sanitaire, de nombreuses études tendancielles montrent la volonté des jeunes entrant dans la vie professionnelle et d’autres déjà installés, d’accorder une part importante à la qualité de vie, autant qu’aux perspectives professionnelles. Il est possible d’attirer les talents.
Enfin, en rapport avec la décentralisation de l’innovation, une autre tendance montre l’importance, dans de nombreux domaines, du principe de « small grid », l’adaptation de la granularité des services, moyens et infrastructures à la territorialisation. Quant au maillage universitaire et technologique, il est dense et de qualité en régions.
La décentralisation de l’innovation en région, c’est donc plus que jamais possible. Grâce au numérique.