Des solutions d’énergie propre illuminent l’avenir des petits pays insulaires

Malte et Chypre collaborent avec des pays européens de plus grande envergure pour augmenter leur capacité en énergie propre.

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Par Horizon Publié le 26 octobre 2024 à 9h30
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23%Chypre ambitionne d'atteindre 23 % de sources renouvelables d'ici 2030

Beaucoup d'Européens voient en Chypre et Malte de lointains paradis méditerranéens. Cependant, malgré leur climat ensoleillé, ces deux pays sont moins bien lotis qu'il n’y paraît pour exploiter leur important ensoleillement et produire de l'énergie propre. 

Ces petits États insulaires ont décidé de s'associer à des partenaires de recherche spécialisés de pays de l'UE de taille plus importante et qui ont bien plus d'avance qu'eux dans leur transition vers une économie à faible émission de carbone et une mobilité propre.

Depuis 2016, le professeur George Georghiou et son équipe du Centre de recherche FOSS pour l'énergie durable de l'Université de Chypre collaborent avec des chercheurs de l'Institut autrichien de technologie (AIT) et de l'Université technique du Danemark (DTU), deux établissements spécialisés dans le domaine de l'énergie photovoltaïque et des réseaux énergétiques intelligents. Cette collaboration s'inscrit dans le cadre d'un projet de recherche intitulé TwinPV, financé par l'UE.

Leur but commun était d'étudier comment Chypre pourrait mieux utiliser l'énergie photovoltaïque pour satisfaire ses besoins croissants en électricité et pour encourager la recherche et l'innovation autour de cette source d'énergie renouvelable.

Les partenaires de recherche ont réalisé plusieurs études de cas sur l'ensemble du cycle de l'énergie solaire, allant des cellules photovoltaïques et du stockage de l'énergie jusqu'aux réseaux électriques intelligents et aux prévisions énergétiques. L'objectif était de découvrir des moyens d'accroître l'utilisation des énergies renouvelables sur Chypre et de remédier à la dépendance de l’île au pétrole brut. Pour cela, il fallait surmonter les difficultés spécifiques rencontrées par les petits pays insulaires tels que Chypre.

La puissance du soleil 

Avec plus de 3 300 heures d'ensoleillement par an, Chypre semble être le lieu idéal pour exploiter l'énergie solaire. Malgré tout, l'île continue d'importer la majeure partie de son énergie sous forme de combustibles fossiles. En 2019, seulement 13,8 % de l'énergie de Chypre provenait du solaire et de l'éolien, un taux bien inférieur à la moyenne européenne de 19,7 % d'après Eurostat. La question qui vient naturellement est: pourquoi?

Le problème vient du fait que les énergies renouvelables, dont fait partie l'énergie solaire, sont imprévisibles et ne permettent pas au pays de faire face efficacement aux variations de ses besoins énergétiques. Chaque année, environ quatre millions de touristes visitent Chypre, leurs séjours étant concentrés sur quelques mois seulement. Les besoins énergétiques de l'île passent alors de 300 mégawatts au printemps à 1 200 mégawatts.

La complexité et le coût élevé des méthodes de stockage des énergies renouvelables rendent difficile leur utilisation en tant que source d'énergie principale. De ce fait, une grande partie de l'énergie excédentaire n'est pas stockée en vue d'une utilisation future et est perdue. De plus, l'absence de raccordement aux réseaux électriques du continent européen complique l'exportation du surplus d'énergie.

«Dans le reste de l'Europe, si vous produisez une grande quantité d'électricité, vous pouvez la vendre à un pays voisin, mais Chypre, en tant qu'île, n'est pas raccordée au marché européen de l'énergie», explique M. Georghiou. «Nous ne pouvons ni transférer notre énergie ni la stocker efficacement, car cela coûte trop cher.» 

Par conséquent, Chypre dépend principalement de trois centrales au fioul, et le prix de l'électricité continue d'augmenter dans le pays, mettant une grande partie de la population en situation de précarité énergétique.

«Chypre étant un réseau isolé, il lui est difficile de dépendre uniquement de l'énergie solaire», a ajouté M. Georghiou. 

Renforcement de capacité

L'aide apportée par des partenaires plus expérimentés a été essentielle et M. Georghiou admet que la collaboration avec TwinPV a contribué de façon notable à renforcer la capacité de recherche de Chypre. 

«Nous avons beaucoup appris et amélioré notre expertise auprès de partenaires plus expérimentés. Ce projet nous a permis de développer nos capacités et de mener des recherches pertinentes sur l'énergie solaire, les réseaux intelligents et l'intégration des sources d’énergie renouvelable.»

Un changement majeur pour Chypre a été l'évolution, dès 2024, du Centre de recherche FOSS en PHAETHON, un Centre d'excellence (CoE) pour la recherche et l'innovation dédié à la recherche de solutions énergétiques intelligentes, efficaces et durables. Cette évolution, soutenue par l'UE, conduira à la création d'un nouveau Centre d’excellence régional sur l'énergie durable. 

M. Georghiou a précisé que ces efforts ont aussi conduit à la mise en place d'initiatives ayant pour but de rendre le campus de l'Université de Chypre totalement respectueux de l'environnement. Une vaste centrale photovoltaïque équipée d'un système de stockage sur batterie est en construction et devrait satisfaire une part importante des besoins de l'Université en électricité.

Globalement, l'adoption des énergies renouvelables distribuées progresse à Chypre qui ambitionne d'atteindre 23 % de sources renouvelables d'ici 2030, conformément à son Plan national pour l'énergie et le climat. Le fait que le nombre d'installations photovoltaïques à Chypre ait augmenté de 66 % en 2023 est tout à fait prometteur, et cette tendance devrait se confirmer.

Même si le projet TwinPV s'est achevé en décembre 2018, tous les chercheurs impliqués ont poursuivi leur collaboration. 

«Nous avons mis en place des partenariats stratégiques et abouti à une situation avantageuse pour tous les membres», a expliqué M. Georghiou. 

Électromobilité

Toujours en Méditerranée mais plus à l'ouest, Brian Azzopardi, maître de conférences au Malta College for Arts, Science and Technology (MCAST) et président fondateur du Groupe de recherche sur l'énergie du MCAST, tiens le même type de discours. 

Dans le cadre du projet de jumelage NEEMO de l'UE, qui a duré quatre ans avant de s’achever en 2023, Malte a considérablement renforcé ses activités de recherche sur l’électromobilité et les énergies propres. 

Dans le cadre de cette coopération, le MCAST a aussi collaboré avec l'Institut autrichien de technologie (AIT), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en France et l'Agence de développement de Nicosie (ANEL) à Chypre.

«L'objectif était de développer et de renforcer les capacités de recherche en matière d'électromobilité (e-mobilité) et d'intensifier les activités du MCAST à Malte», a déclaré M. Azzopardi, coordinateur du projet. 

Les experts du projet NEEMO se sont penchés sur les problèmes d'électromobilité particuliers rencontrés à Malte, notamment ses limites géographiques. L'île mesurant seulement 27 kilomètres de long, la plupart des déplacements sont courts et le nombre de bornes de recharge de véhicules électrique était insuffisant, surtout en période touristique.

Le travail réalisé dans le cadre du projet NEEMO en matière de solutions de micromobilité avait pour but d'améliorer l'accès aux transports pour tous les citoyens, y compris ceux à mobilité réduite ou ayant un accès limité aux transports publics.

«Nous n'avons pas pu résoudre tous les problèmes d'e-mobilité, mais nous avons apporté d'importantes contributions aux recherches en cours», a expliqué M. Azzopardi. 

L'équipe du projet a notamment étudié le «flux de charge bidirectionnel». Celui-ci permet à la charge de s’effectuer dans les deux sens: avant tout vers le véhicule, mais aussi en permettant à l'électricité stockée dans la batterie du véhicule électrique d'être réinjectée dans le domicile ou dans le réseau électrique. Cette fonction peut aider à stabiliser les réseaux, notamment lorsqu'ils redémarrent après une coupure de courant.

«Ce système est avantageux pour nos résidents car il contribue à améliorer l'électromobilité, qui a de plus en plus de succès ici à Malte», a-t-il précisé.

Parallèlement au travail des chercheurs du projet NEEMO sur l'e-mobilité, le gouvernement maltais a profité des aides de l'UE pour proposer de nouvelles subventions pour l’achat d’un véhicule électrique. En août dernier, les autorités de transport de l'île ont fait état d'une augmentation significative des ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables.

Fondation pour la recherche

Comme avec le projet TwinPV, la collaboration internationale mise en place par NEEMO a permis de faire progresser de manière significative les capacités de recherche et d'innovation de l'île. La création de la Foundation for Innovation and Research Malta (FiR.mt), qui a aidé à combler le fossé entre l'industrie, la recherche et le secteur universitaire y est pour beaucoup, a expliqué M. Azzopardi. 

«Jusqu'à ce que la FiR soit créée, nous n'avions aucun centre de recherche à Malte», a indiqué M. Azzopardi. «C'est une réussite indéniable, notamment en matière de renforcement des capacités de recherche.» 

M. Azzopardi attribue aussi au projet NEEMO le mérite d'avoir facilité l'admission du MCAST de Malte au sein de l'Association européenne des partenaires de la recherche automobile (EARPA), qui regroupe les principaux fournisseurs indépendants de R&D du secteur automobile en Europe. 

«NEEMO nous a laissé tout cela en héritage. Cette coopération a servi de déclencheur à une multitude d'initiatives», a-t-il ajouté. Il est également convaincu qu'en retour Malte offre des opportunités uniques aux pays de l'UE de plus grande taille. 

«Malte est à la fois facile à gérer et accessible. Son environnement se prête bien à des expérimentations de recherche à l'échelle nationale qui pourront, par la suite, être déployées sur le continent européen». 

MM. Georghiou et M. Azzopardi s'accordent à dire que ces partenariats internationaux, essentiels pour combler le déficit de recherche par rapport aux pays plus avancés dans ce domaine, auraient difficilement pu être mis en place sans les financements et le soutien de l'UE. 

«Nos pays regorgent de talents, mais ils ont parfois besoin d'un coup de pouce», a précisé M. Georghiou. 

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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