Pourquoi le soja est désormais indésirable dans les cantines françaises

On croyait bien faire en remplaçant la viande par du tofu. En privilégiant les protéines végétales. En vantant les mérites d’un soja soi-disant miraculeux. Mais une autorité française tire aujourd’hui le signal d’alarme, chiffres à l’appui, et remet en cause ce qui semblait être un pilier de l’alimentation végétale moderne.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 24 mars 2025 à 13h33
Steak Soja Vegan
@shutter - © Economie Matin
3%Un apport de plus de 40 mg d’isoflavones par jour réduirait la fertilité de 3 %

Le 24 mars 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié une recommandation officielle remettant en cause la place du soja dans la restauration collective. Motif : la présence excessive d’isoflavones, des molécules végétales aux effets comparables à ceux des œstrogènes.

Aliments à base de soja : pourquoi l’Anses tire la sonnette d’alarme ?

La consommation de soja, omniprésente dans les cantines scolaires, les hôpitaux ou les restaurants d’entreprise, est aujourd’hui dans le collimateur des autorités sanitaires. En cause : les isoflavones, des substances naturellement présentes dans certains végétaux, mais en quantité bien plus élevée dans les produits transformés à base de soja.

Selon Aymeric Dopter, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses interrogé par BFMTV, « les isoflavones peuvent interférer avec le fonctionnement hormonal physiologique, et donc conduire à des effets indésirables pour le système reproducteur ». L’agence souligne que ces molécules, dites phytoœstrogènes, peuvent mimer l’action des hormones féminines et ainsi perturber l’équilibre hormonal, notamment chez les populations les plus sensibles.

En analysant les données des études INCA3, EAT2 et EATi, l’Anses a mis en évidence une exposition excessive à ces substances dans plusieurs tranches de la population. Parmi les chiffres les plus alarmants :

  • 76 % des enfants âgés de 3 à 5 ans consommant du soja dépassent la dose journalière tolérable.
  • 53 % des adolescentes de 11 à 17 ans sont également au-delà du seuil.
  • 47 % des femmes de 18 à 50 ans et des hommes adultes affichent une exposition préoccupante .

Soja en restauration collective : l'interdiction recommandée

Face à ce constat, la recommandation de l’Anses est sans appel : plus aucun aliment à base de soja ne doit être servi dans la restauration collective, quelle que soit la catégorie d’âge concernée. Cela inclut les crèches, écoles, collèges, lycées, restaurants d’entreprise, hôpitaux, Ehpad et cliniques.

« Le soja étant la principale source d'isoflavones, l'Anses recommande de ne pas servir d'aliments à base de soja en restauration collective pour éviter une surconsommation », résume Aymeric Dopter. Loin de diaboliser le soja en lui-même, l’agence cible avant tout les teneurs actuelles en isoflavones, jugées trop élevées dans de nombreux produits disponibles sur le marché.

Des produits à revoir : appel aux industriels du soja

L’Anses pointe une variabilité importante des concentrations en isoflavones selon les produits et les méthodes de fabrication. Les biscuits apéritifs au soja, par exemple, peuvent contenir jusqu’à 100 fois plus d’isoflavones que la sauce soja, plus diluée ou cuite. Un même dessert au soja peut voir sa teneur varier du simple au double, selon les marques et les procédés.

« Dans la préparation des produits du soja, que ce soit par lavage, trempage, toute une série d'opérations, des techniques traditionnelles en Asie permettent de réduire les teneurs de ces isoflavones », explique Perrine Nadaud, adjointe d’Aymeric Dopter. Elle évoque également l’importance du choix des variétés, du degré de maturation et de la localisation des cultures.

L’Anses invite donc les producteurs à revoir leurs techniques agronomiques et leurs processus industriels afin de mieux maîtriser ces concentrations. Objectif : permettre à l’avenir une consommation de soja compatible avec les seuils sanitaires.

Soja : vers une disparition de la restauration collective ?

L’avis de l’Anses ne s’arrête pas là. Il sera transmis à ses homologues européens, dans l’optique d’une harmonisation réglementaire des seuils toxicologiques. Il contribuera également à la révision de l’arrêté de 2011 encadrant la qualité nutritionnelle des repas en restauration scolaire. Une réforme attendue de longue date.

Cette recommandation ne surgit pas de nulle part. Depuis plusieurs années, des chercheurs alertent sur les effets hormonaux potentiels d’une consommation excessive de phytoœstrogènes. Une étude de 2014 menée sur 12 000 femmes a ainsi montré qu’un apport de plus de 40 mg d’isoflavones par jour réduisait la fertilité de 3 %. Des chiffres certes modestes, mais révélateurs d’un déséquilibre insidieux.

Plutôt que de bannir le soja, l’Anses propose une diversification des sources végétales : lentilles, haricots, pois chiches… Autant de légumineuses qui, elles, affichent une teneur bien moindre en isoflavones, tout en offrant un bon apport nutritionnel. À charge pour les industriels, les restaurations collectives et les consommateurs de faire les bons choix.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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