Augmenter le SMIC à 1600 euros : une aubaine ou un risque pour l’emploi ?

Augmenter le SMIC à 1600 euros est une proposition phare du Nouveau Front populaire (NFP), visant à soutenir le pouvoir d’achat des Français. Toutefois, cette mesure suscite de vifs débats quant à ses impacts sur l’économie et l’emploi.

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Par Léopold Aubin Publié le 14 juillet 2024 à 11h00
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Les enjeux économiques de la revalorisation du SMIC

Depuis 2012, le SMIC n'a augmenté qu'en rapport avec l'inflation. Pour Clément Carbonnier, professeur d'économie à l'Université Paris 8, cette revalorisation est justifiée pour soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs les moins bien payés. Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, a promis une augmentation immédiate du SMIC à 1600 euros nets. Selon Clément Carbonnier, « Il paraît donc logique de prévoir un tel rattrapage pour vraiment soutenir le pouvoir d’achat des Français ».

Des critiques sévères sur les impacts économiques

Les critiques de cette mesure sont nombreuses. Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, et Michel Picon, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), ont exprimé leurs préoccupations. Selon eux, une telle augmentation pourrait entraîner des licenciements massifs, notamment dans les petites entreprises qui ne pourraient pas supporter une hausse aussi importante du coût du travail. Bertrand Martinot, économiste à l'Institut Montaigne, estime que cette revalorisation pourrait conduire à un "gigantesque tassement de la distribution des salaires", augmentant le nombre de smicards de 17 % à près de 30 %. Il précise que « si on passe le Smic net de 1 400 à 1 600 euros net par mois, mécaniquement, du jour au lendemain, on aura entre 25% et 30% de smicards ».

Les effets potentiels sur l'emploi

Une étude de l'Institut Montaigne prévoit que cette mesure pourrait entraîner entre 230 000 et 380 000 pertes d'emplois. Bertrand Martinot souligne que l'augmentation du salaire minimum augmenterait le coût du travail, particulièrement sensible aux bas salaires, et pourrait inciter les entreprises à supprimer des postes ou à ne pas en créer de nouveaux. Clément Carbonnier conteste cette vision, la qualifiant de théorique et difficile à observer dans les données empiriques. Selon Bertrand Martinot, revaloriser immédiatement le SMIC de 14% conduirait à « un gigantesque tassement de la distribution des salaires ». De plus, il ajoute que cela augmenterait mécaniquement le nombre de smicards de « 17% à près de 30% ».

Des compensations possibles pour les petites entreprises

Pour atténuer les effets négatifs, le NFP propose des aides spécifiques pour les petites entreprises, comme des crédits à taux nul et des facilités de trésorerie. Ces dispositifs pourraient permettre de compenser partiellement l'augmentation du coût du travail et de limiter les destructions d'emplois. Cependant, ces mesures d'accompagnement restent floues et nécessitent une mise en œuvre concrète et efficace.

Une mesure socialement équitable ?

Gilbert Cette, professeur à Neoma Business School, met en garde contre une "smicardisation" accrue de la France. Une telle revalorisation pourrait concentrer les salaires autour du salaire minimum, limitant ainsi les perspectives d'évolution pour les salariés légèrement mieux rémunérés. Cette situation pourrait provoquer des frustrations parmi les travailleurs et nuire à la mobilité sur le marché du travail. Selon Bertrand Martinot, « l’effet rattrapage en cas de revalorisation du Smic, c’est une réalité. Mais rappelons qu’en termes absolus, les salariés concernés n’y perdent pas. Il s’agit seulement d’un sentiment et d’une impression de rattrapage par le Smic mais dans les faits, leur salaire ne baisse pas ».

Des solutions alternatives à envisager

Plutôt que d'augmenter le salaire  de manière drastique, certains économistes, comme Bertrand Martinot, suggèrent de revoir les mécanismes de fixation des salaires minimaux. Une approche consistant à ajuster les premiers niveaux de grilles salariales dans diverses branches professionnelles pourrait être plus efficace pour "désmicardiser" la France sans les effets négatifs d'une augmentation généralisée du salaire minimum. Pour Bertrand Martinot, une autre solution pour « désmicardiser la France » serait plutôt, comme le préconise le groupe d’experts sur le SMIC, de « remplacer le salaire minimum légal national, dont le montant est fixé selon une formule mathématiques bien connue, par la moyenne pondérée de la revalorisation des premiers niveaux de grille salariale d’une dizaine de branches professionnelles donnant le ton pour l’économie ».

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