Services publics en ligne : qui paye ?

En matière de transformation numérique, sommes-nous à la hauteur des enjeux ? La Défenseure des droits vient d’alerter à nouveau sur “l’éloignement des services publics dû à la dématérialisation”. À l’heure où 16 millions de Français sont en difficulté face au monde numérique, la fracture numérique est loin d’être résorbée.

François Lecouturier (1)
Par François Lecouturier Publié le 29 mai 2023 à 5h30
Services Publics En Ligne Prix
Services publics en ligne : qui paye ? - © Economie Matin

En 2021, l’Etat a financé le recrutement de 4.000 Conseillers Numériques France Services (CNFS) répartis sur tout le territoire, pour accompagner les publics en difficulté avec le numérique à l’utilisation des outils et des services en ligne (via des accompagnements individuels, l’animation d’ateliers collectifs, de l’accompagnement à distance…), avec pour objectif que chaque usager puisse gagner en autonomie face au numérique. Mais sur le terrain, les conseillers sont surtout mobilisés pour débloquer des situations d’urgence de l'ordre de l'aide administrative et l’accès aux droits. Submergés par ces demandes primordiales qui constituent la majeure partie de leur quotidien (et pour lesquelles ils ne peuvent pas toujours intervenir, faute de contact avec les institutions), les CNFS n’ont pas les moyens adéquats pour accompagner les particuliers dans une véritable appropriation : leur mission de service public est indispensable, mais elle ne garantit pas l’autonomie de l’accès au numérique.

Limitations des Services Publics numériques

Compte-tenu de la relative nouveauté de cette problématique, le législateur ne s’est pas manifesté pour indiquer que la puissance publique doit se saisir de cette question ni définir qui en a la responsabilité, et donc qui doit en assumer la charge. Conséquence : un manque de financement qui met en péril la continuité de cette mission de service public. En décembre dernier, l’Etat a décidé de prolonger le dispositif, mais avec un soutien financier aux employeurs des CNFS désormais dégressif sur 3 ans. Les travaux récents dans le cadre du Conseil National de la Refondation, évoquent simplement, à ce stade, la nécessité de définir sur chaque territoire une institution chef de file et renvoient la question des moyens à d’hypothétiques “contrats locaux d’inclusion numérique” qui ne disent rien des ressources à allouer à cette politique.

Vers une Meilleure Autonomie Numérique : Solutions et Perspectives

La difficulté d'accès aux droits n'est pas un sujet émergent. Mais pour beaucoup, la dématérialisation des services publics constitue un nouvel obstacle à surmonter. Nos travaux montrent bien que la maîtrise du numérique n’est pas une question de génération : être en difficulté avec le numérique ne signifie pas être déconnecté. Les jeunes sont habitués aux réseaux sociaux sur les smartphones, pour autant ce n’est pas la même chose que de remplir un formulaire administratif sur un ordinateur. C’est avant tout un problème de capital culturel. On ne peut pas revenir en arrière sur la politique de dématérialisation, mais il est indispensable de garantir l’accès à des vraies personnes, en chair et en os, pour les publics en difficulté.

En ce sens, le rôle des CNFS est crucial, mais leurs moyens sont trop limités. Leurs conditions d’exercice, assez précaires alors qu’il s’agit de personnels fortement qualifiés, laissent penser - à tort - qu’ils répondent à un besoin qui ne va pas perdurer. A-t-on vraiment pris la mesure de la situation actuelle ? Il faut une autre ambition. L’inclusion numérique ne peut pas se limiter à l’urgence des déblocages administratifs. Il est important de pouvoir mettre réellement en place une offre d’ateliers pour les publics qui souhaitent gagner en autonomie, afin d’avancer sur les deux fronts.

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François Lecouturier (1)

Diplômé en sociologie puis en management, il a impulsé la création d’Itinere Conseil en 2011. Ce cabinet d’étude et de conseil, basé à Lyon, conduit des missions d’appui et d'évaluation dans différents domaines de l’action publique, pour le compte de services de l’Etat, de collectivités, d’organismes paritaires et d’associations.

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