Est-il (encore) nécessaire de travailler dans notre société ?

A l’heure où est débattu l’allongement de la durée du travail en France. A l’heure où la quête de sens est dans la plupart des esprits. A l’heure de la (presque) grande démission, le rapport au travail occupe une place essentielle dans nos sociétés, même par son absence. Aliette Trocheris, cofondatrice de Même Pas Cap! questionne alors la nécessité de travailler dans notre société, ou plutôt la nécessité de questionner le sens et l’importance donnée au travail.

Trocheris
Par Aliette Trocheris Publié le 4 mars 2023 à 11h08
Medecine Travail Etat Lieux 2022
2,8 millions de travailleurs indépendants et chefs d’entreprise ne bénéficient pas d'un suivi en santé au travail. - © Economie Matin
1709,28 EUROSLe SMIC mensuel brut en 2023 est de 1.709,28 euros.

D’un côté, 36% des actifs de moins de 35 ans sont insatisfaits au travail alors qu’ils connaîtront en moyenne 8 à 10 transitions professionnelles au cours de leur vie. De l’autre, on allonge la durée de vie professionnelle alors que le chômage touche sévèrement les séniors. Et au milieu se trouve une génération qui n’a de cesse de se questionner quant au sens à donner à son engagement professionnel. Cependant, une même question les anime : est-il (encore) nécessaire de travailler dans notre société ?

Si la question est légitime, le questionnement reste bancal. Parce qu’il est urgent, non pas de reléguer le travail aux oubliettes, mais d'inverser le questionnement : qu’est-ce que je souhaite réaliser dans ma vie maintenant et comment le travail peut-il le permettre ? Comment puis-je devenir l’artisan de mon propre modèle de vie ? Finalement le sujet n’est pas tant le travail que l’alignement.

Si on a mieux à faire, il ne faut pas travailler

Le bonheur n’est pas en lien avec le niveau de rémunération. Si c’est facile à dire, désolidariser le travail de la rémunération financière est complexe à “désancrer”. Soyons clair, gagner de l’argent n’est pas uniquement lié au fait de travailler. Vous pouvez vivre sans revenu financier traditionnel comme gagner aux jeux de grattage, vivre de vos rentes, d’un héritage, de subventions, de troc,… Si ces exemples peuvent heurter la sensibilité de certains, ils permettent de repenser la question du travail indépendamment du sujet économique.

La question devient alors : qu’est-ce qui est prioritaire pour moi ? Qu’est-ce qui fait que mon travail va me donner le sentiment d’être utile et ancré dans ma vie et augmenter mon bonheur collectif ? Qu’est-ce qui fait que je suis en phase avec le fait de laisser mes enfants (ou mes parents âgés) pour aller au travail ? Les réponses à cette question et les motivations au bonheur sont aussi nombreuses et louables qu’il y a d’actifs sur Terre !
Alors, si faire le tour du monde en kitesurf, s’occuper de ses parents ou embrasser son rôle d’aidant procure plus de bonheur que d’aller au travail, ne travaillez pas !

De l’urgence de questionner le sens …

Qu'est-ce qui est prioritaire et fait sens selon moi ? Questionner le sens c’est tout d’abord identifier ce que l’on fait naturellement, sans effort. Ensuite, c’est choisir un “travail” pour lequel on pourrait être payé pour l’effectuer. Et ce n’est en rien choisir la facilité mais l’alignement.
Pour questionner le sens, un travail sur sa personnalité est un préalable indispensable pour faire ressortir ce qui est “naturel”et essentiel. C’est la mission d’un bilan de compétences.

Il est urgent de questionner le sens et ce, dès le plus jeune âge. Cependant en France, le modèle est davantage de pousser à l'excellence depuis le plus jeune âge, plutôt que de questionner l’alignement. Identifier ce que l’on fait naturellement très tôt permettrait pourtant de développer l’excellence personnelle, de mettre le doigt sur ses appétences ; plutôt que ce sur quoi il faudrait progresser, à la sueur de son front et au détriment de sa confiance en soi. Et ce, tout en développant la complémentarité de chacun au service du collectif.

Embrasser le sens, c’est évidemment prendre un risque. Celui d’être en dehors des codes, des clous ou même de ne pas y arriver. Les écrivains, peintres ou influenceurs, n’étaient-ils pas en dehors des clous avant de devenir des références métier ? N’ont-ils pas pris le risque de suivre leur sens, leur envie, leur intuition ? Questionner son sens et embrasser un risque peut cependant être maîtrisé. En aménagement par exemple son temps de travail pour essayer quelque chose de nouveau, qui fasse écho à ce qui est en phase avec son propre ADN.

… tous les 5 ans

Si un cycle professionnel dure en moyenne 5 ans, le sens que l’on donne au travail ne peut pas être linéaire. Porter une nouvelle réflexion tous les 5 ans, c’est s’assurer de son alignement sur le long terme en intégrant le fait que de nouvelles bonnes raisons peuvent justifier un changement et redessiner la place que l’on souhaite donner au travail dans sa vie.

Cette démarche honnête demande cependant de casser un certain nombre de codes imposés depuis notre tendre enfance. Oui, il est possible de ne pas travailler. Oui il est possible de faire un travail qui nous donne l’impression de ne pas travailler. Oui, il est possible de devenir artiste ou artisan de sa propre vie, notamment en :
• définissant la place et le temps que l’on souhaite accorder au travail
• intégrant que le CDI de 35 heures dans un bureau n’est plus la seule norme
• embrassant un nouveau rapport au temps de travail
• ouvrant le champs des possibles, comme avec le temps partagé en entreprise
• choisissant de suivre ses propres règles du jeux et d'inventer son propre modèle

On a longtemps fait croire que c’était à l’entreprise de définir le format ou le cadre, d’en être la seule garante. Si ces croyances limitantes sont encore trop présentes, les règles ont changé et il appartient à présent à tout un chacun de décider de la place du temps et du lieu dans lequel il souhaite évoluer.
Bien sûr, il est également du devoir des entreprises de proposer un nouveau cadre, en lien avec le sens recherché par une grande majorité des actifs. Par exemple permettre à chaque salarié de travailler d’où il le souhaite ou encore proposer des congés illimités. Il est une certitude : offrir ou tester des formats plus libres qui reposent sur une relation de confiance amène plus de productivité au sein de l’entreprise.

Est-il venu le temps d’être aligné dans sa vie et son travail ? Oui, parce qu’aujourd’hui, il est possible de rendre compatibles ses centres d'intérêt, ses appétences et ses compétences, sans pour autant renoncer à gagner sa vie. Comme le disait récemment Patrick Besson : “Un monde où personne ne voudrait partir à la retraite serait un monde heureux”. En attendant que ce monde arrive, pourquoi ne pas travailler uniquement les 25 meilleures années qui comptent pour le calcul de sa retraite ?

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Trocheris

cofondatrice de Même Pas Cap!

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