Sécurité sociale de l’alimentation : vers une bureaucratie de la fourchette ?

Et si votre carte Vitale servait aussi à payer vos courses ? C’est l’idée derrière la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA), une proposition défendue par les écologistes et en débat ce jeudi 20 février 2025 à l’Assemblée nationale.

Ade Costume Droit
Par Adélaïde Motte Publié le 20 février 2025 à 12h30
Alimentation
Sécurité sociale de l’alimentation : vers une bureaucratie de la fourchette ? - © Economie Matin

Ce jeudi 20 février 2025, l’Assemblée nationale examine une proposition de loi défendue par le député Boris Tavernier et le groupe écologiste. Le concept ? Créer une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) sur le modèle de la Sécurité sociale classique. Chaque citoyen recevrait un crédit mensuel de 150 euros destiné à acheter des produits alimentaires conventionnés.

Un modèle inspiré des caisses locales

L’idée ne sort pas de nulle part : une quarantaine d’initiatives locales fonctionnent déjà sur ce principe, comme à Montpellier, où une caisse alimentaire expérimente depuis deux ans un système de cotisations solidaires. Chaque foyer reçoit 100 euros par mois, financés à moitié par des contributions volontaires, à moitié par des subventions publiques et privées.

Le dispositif national proposé fonctionnerait de manière similaire, avec trois principes fondamentaux :

  1. Universalité : tout le monde y aurait droit, sans condition de ressources.
  2. Cotisation solidaire : chaque citoyen contribuerait au financement via un prélèvement obligatoire.
  3. Conventionnement démocratique : les bénéficiaires décideraient des producteurs et distributeurs agréés

Les objectifs sont ambitieux : améliorer l’alimentation des Français et soutenir les agriculteurs engagés dans des pratiques durables. Mais ce projet pose une question centrale : qui paie ?

Un nouveau gouffre financier à la charge des contribuables ?

Dans un pays où la dépense publique représente 57 % du PIB, la question du financement d’une telle mesure ne peut être éludée. Un fonds national de 30 millions d’euros serait créé pour financer l’expérimentation. Si généralisé, le coût pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros par an. L’article 5 de la proposition de loi prévoit ainsi une augmentation des taxes sur le tabac pour financer la SSA. Une logique contestable : après tout, pourquoi faire peser le coût de l’alimentation sur les fumeurs plutôt que sur les consommateurs eux-mêmes ?

Mais au-delà des taxes, c'est un principe économique fondamental qui est oublié : si l'État prélevait moins d'impôts et de charges sur les ménages et les entreprises, les Français auraient plus d’argent pour mieux se nourrir sans intervention publique. Avec une fiscalité qui grève déjà plus de la moitié des ressources de chaque contribuable, la France est championne d’Europe en matière d’imposition. Ajouter une cotisation supplémentaire reviendrait à ponctionner davantage un pouvoir d’achat déjà fragile.

Moins d’État, plus de liberté ?

Les bénéficiaires de la SSA ne pourraient utiliser leurs 150 euros que chez des distributeurs et producteurs agréés. En clair, l’État choisirait pour vous où et quoi acheter. Loin d’un simple chèque alimentaire, il s’agirait d’un marché administré, où certaines grandes enseignes pourraient être exclues au profit de réseaux militants ou de labels jugés « vertueux ».

Ce dirigisme alimentaire pourrait aussi pénaliser les consommateurs modestes. Manger sain coûte cher, et les circuits courts ou bios sont souvent inaccessibles aux familles précaires. Une liberté de choix réduite et une possible hausse des prix : voilà qui rappelle les dérives des aides publiques mal calibrées.

Une vraie solution ou un mirage étatique ?

La Sécurité sociale de l’alimentation part d’un constat réel : en France, près de 8 millions de personnes sont en situation de précarité alimentaire. Mais est-ce en créant une nouvelle couche bureaucratique que l’on va résoudre le problème ? D'autant que la création de la SSA impliquerait de nouveaux postes de fonctionnaires pour gérer ce système, donc des salaires, des bureaux, du matériel... bref, les dépenses seraient loin de se limiter aux fonds alloués à chaque Français.

D’autres solutions existent : réduire la TVA, baisser les charges et les taxes pour augmenter le pouvoir d'achat des Français... Avec plus de 400 taxes et impôts divers, le chantier est important et les idées nombreuses. En fin de compte, la SSA ne s’attaque pas aux causes profondes de la précarité alimentaire. En taxant encore plus pour redistribuer, elle alimente le cercle vicieux de la dépense publique. Une idée généreuse sur le papier, mais qui risque bien de rendre les Français plus pauvres qu'ils ne le sont déjà.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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