En matière de finance durable, les acteurs financiers ont aujourd’hui une double responsabilité : celle de leur propre plan de transition trajectoire net-zéro et celle d’infléchir l’impact des organisations qu’elles financent. Si tous les acteurs sont confrontés à cette double obligation, le régulateur européen est particulièrement strict et la pression des agences de notation extra-financières augmente.
Soutenabilité du secteur financier : un enjeu de gouvernance et d’attractivité
S’ajoute en France l’exigence de soutien à la réindustrialisation, enjeu de souveraineté. Le secteur est donc soumis à une injonction quasi contradictoire : accompagner la réindustrialisation tout en intégrant des critères de soutenabilité, une équation complexe et un risque de greenwashing jamais très loin. Faut-il tirer une croix sur les secteurs carbonés alors qu’ils jouent un rôle crucial dans l’indépendance économique de notre pays ? Ou aider ceux qui visent la décarbonation à se transformer ?
Assumer le virage du triptyque « risque-rentabilité-soutenabilité » grâce à un leadership courageux
Pour faire face, les dirigeants doivent prendre le sujet à bras le corps et faire preuve de discernement et de courage, d’innovation et d’authenticité. C’est aussi à ces conditions qu’ils attireront de jeunes talents. L’établissement financier trouvera sa voie si la direction assume ses choix, use de pédagogie et s’assure que l’impact de sa stratégie environnementale est validé objectivement par des initiatives indépendantes comme SBT (Science Based Targets). Ou encore en évitant de se déclarer fonds « supervert » quand il finance des entreprises polluantes. En jeu : sa réputation, même si la marge de manœuvre est étroite, comme le montre BNP Paribas, mise en cause par des ONG alors qu’elle défend son soutien aux acteurs de l’énergie en transition.
Pour autant, le secteur financier doit-il stopper tout soutien à impact négatif au risque de plomber des pans entiers de l’industrie européenne et laisser la place à des acteurs d’autres continents moins vertueux ?
S’appuyer sur une gouvernance experte et convaincue
Cette question traduit la complexité que les dirigeants bancaires doivent adresser et mesurer l’équilibre « risque-rentabilité-durabilité » passe par la mise en place d’une gouvernance énergique, au rôle essentiel. A commencer par le recrutement de leaders prêts à porter la question de la durabilité plus loin. Car un dirigeant à convictions pourra positionner les sujets RSE au plus haut dans les organigrammes ; aider la finance positive à s’étendre ; contribuer au développement de comités RSE au sein des conseils d’administration pour faire grimper les objectifs extra-financiers représentant 32,5% des critères d’attribution de la rémunération variable annuelle des PDG.
Sans compter que le risque pesant sur la réputation s’étant accru, il devient une priorité des dirigeants et des CA. Un comité des risques peut alors inciter à instaurer des indicateurs.
Verdir : un argument majeur d’attractivité des jeunes talents et de performance
Tenir compte des indicateurs ESG n’est plus une option quand on sait que 2 candidats sur 3 renoncent à rejoindre une entreprise si elle n’est pas active sur le plan de la RSE (1). L’alignement entre les valeurs promues par l’entreprise et les actions concrètes est scruté par les jeunes collaborateurs. Face à la pénurie de talents, le secteur financier prend un risque s’il n’évolue pas vite et fort. Certains acteurs - secteur mutualiste en tête - l’ont compris, à l’instar de la Maif et du Crédit Mutuel qui viennent d’annoncer la création d’un dividende sociétal et écologique.
Le secteur financier n’a d’autre choix que de prendre le virage de la durabilité, avec une certitude : discours et réalité doivent s’accorder pour prévenir toute équivoque dommageable. Le succès de ce tournant repose sur une gouvernance déterminée, s’assurant que l’établissement financier ne tombe pas dans les travers du greenwashing. Il y va de son attractivité et de sa compétitivité.
1) Étude européenne 2023 PageGroup