Depuis 2011, la loi n°2011-850 du 20 juillet permet aux maisons de vente aux enchères de recourir à des ventes de gré à gré. Si le projet n’était pas accueilli à bras ouvert par les autres marchands d’art, les maisons de ventes se sont adonnées à cette pratique dans des cas très particuliers qui, aujourd’hui, se font de plus en plus nombreux.
Second marché de l’art : la vente de gré à gré gagne du terrain
La vente de gré à gré ou « vente privée »
La vente de gré à gré, ou “vente privée”, consiste à vendre les biens provenant de la collection d’un particulier à un autre particulier. Dans ce cas, la maison de ventes se fait intermédiaire de la vente et propose le bien à des clients ciblés ; contrairement aux enchères qui sont ouvertes au public.
Souvent, les maisons ont recours à une telle vente dans le cas de biens exceptionnels et requérant d’agir en toute discrétion. Nous remarquons cependant que cette solution se fait de plus en plus fréquente, puisqu’elle permet aux maisons de vente d’œuvrer directement pour le compte d’un client et d’instaurer ainsi avec lui une relation d’advisor.
Une pratique en pleine croissance
D’après des chiffres publiés par le Conseil des Ventes, les ventes de gré à gré ont plus que doublé entre 2021 et 2022. En effet, le montant de ces ventes en 2021 atteignait un total de 167 millions d’euros (soit 67% supérieur au montant atteint en 2020), contre 350 millions d’euros en 2022. De la même manière, 84 maisons de vente ont admis recourir à ce type de vente en 2022 contre 65 en 2021. Ainsi, nous remarquons qu’aujourd’hui, les ventes de gré à gré comptent pour 20% du chiffre d’affaires annuel des maisons de vente.
Il convient néanmoins de remarquer que ces chiffres, bien que significatifs, ne sont pas indicatifs de la croissance du nombre de ventes de gré à gré. En effet, ces ventes ayant lieu de manière privée, les sommes relevées sont les sommes que les maisons de ventes ont accepté de partager, si elles ont accepté de le faire. Il est donc facile d’imaginer que la popularité de la vente de gré à gré est encore plus importante que nous l’imaginons, l’opacité du marché faisant frein à l’obtention de statistiques précises.
Les limites du modèle
Malgré sa nouvelle popularité, et la nouvelle loi de mars 2022 afin d’en faciliter les démarches en supprimant l’obligation de dresser un procès-verbal parmi les formalités de mandat, la vente privée possède encore quelques limites liées au marché de l’art actuel. En effet, la maison de ventes encadre la vente du début à la fin, et prend pour cela des commissions qui, bien que non communiquées, sont souvent inférieures à celles prises lors d’une vente aux enchères (tout en demeurant assez élevées).
De plus, l’acheteur demeure complètement anonyme et le revendeur peut parfois se retrouver face à de mauvaises surprises. Ce cas de figure est notamment arrivé en 2015, lors de la vente d’un tableau d’Albert Gleize à une galerie d’art, qui comptait la revendre à plus de 80% de sa valeur. Le revendeur avait essayé de s'opposer à cette vente, mais sa plainte avait été rejetée puisque l'interdiction de vente à un professionnel n'avait pas été formulée par écrit, laissant libre cours à la maison de ventes.
Afin d’éviter ces types de désagrément tout en profitant de cette nouvelle tendance, le marché de l’art voit apparaître de nouveaux acteurs de la vente de gré à gré. C’est le cas notamment d’Artransfer, plateforme de revente d’œuvres d’art uniquement entre particuliers et à la commission la plus basse du marché (6% prise à l’acheteur et 6% prise au vendeur), qui a pour objectif de désopacifier le marché et de le rendre plus accessible grâce à son application mobile gratuitement disponible sur les stores iOS et Android.
Pierre-H. Way pour Artransfer