Le 27 novembre 2024, France Assos Santé a publié les résultats d’une enquête exclusive dévoilant l’ampleur des coûts cachés et réels supportés par les patients. Ces restes à charge invisibles (RACI), estimés à 1 557 euros par an en moyenne, révèlent une crise. Loin des chiffres officiels, ces dépenses s’accumulent en marge des remboursements de l’Assurance maladie et des complémentaires santé. Pour certains, elles atteignent même 8 200 euros, une somme qui compromet l’accès aux soins dans un pays qui se revendique pourtant protecteur.
Santé : le reste à charge réel est 5 fois plus élevé qu’estimé
Alors que l’indicateur officiel situe le reste à charge annuel moyen dans la santé à seulement 274 euros, les données de l’enquête, réalisée auprès de 3 100 participants, racontent une tout autre histoire. Elles révèlent que la quasi-totalité des patients – 88,6 % – sont concernés par ces frais non remboursés. Que ce soit pour des prothèses, des fauteuils roulants, des séances de psychologue ou encore des aménagements de domicile, ces dépenses s’amoncellent sans figurer dans les bases de données publiques.
Reste à charge : des frais cachés qui touchent les plus vulnérables
Les restes à charge invisibles sont une pression financière asphyxiante, particulièrement pour les populations les plus fragiles. Les personnes handicapées, qu’il s’agisse de troubles moteurs ou psychiques, supportent des frais annuels moyens de 2 535 euros et 1 999 euros respectivement. Pour les malades chroniques, ce montant atteint 1 972 euros, bien au-delà des ressources de nombreux ménages.
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Type de dépense Moyenne annuelle officielle (€) Réelle moyenne estimée (€) Remboursement Assurance maladie 274 1 557 Malades en ALD 840 1 623
Ces chiffres révèlent une sous-évaluation systématique par les indicateurs publics, qui ignore une réalité vécue par 88,6 % des patients interrogés.
À cela s’ajoutent les dépenses liées à des besoins essentiels que le système ne prend pas en charge. Le matériel médical, comme les lits médicalisés, les bandages ou encore les prothèses capillaires, figure parmi les dépenses les plus courantes et les plus coûteuses. Les soins complémentaires, comme les consultations chez un psychologue ou un ostéopathe, représentent également une part significative de ces coûts, atteignant en moyenne 310 euros par an. Ces soins restent un luxe pour une majorité d’entre eux.
Mais ces coûts ne s'arrêtent pas là. L'alimentation spécifique, comme les produits diététiques ou les compléments alimentaires, ainsi que l’activité physique adaptée pour prévenir l'aggravation de certaines pathologies, viennent alourdir la facture. Ces dépenses, invisibles dans les indicateurs publics, sont omniprésentes dans la vie des malades et de leurs familles. Elles sont d’autant plus insoutenables qu’elles sont souvent cumulées avec des frais de transport et des adaptations de domicile, nécessaires pour maintenir une qualité de vie minimale.
L’accès aux soins menacé : la moitié des patients a dû faire des choix
Les chiffres ne traduisent pas pleinement les sacrifices consentis par les patients. Plus de la moitié des répondants (53,2 %) déclarent avoir dû renoncer à des soins ou à des produits de santé non remboursés au cours des douze derniers mois, faute de moyens financiers.
Comment justifier qu’en 2024, dans l’un des pays les plus riches du monde, des malades soient contraints de choisir entre se nourrir et se soigner ? Ce dilemme, loin d’être isolé, reflète une défaillance structurelle. L’exclusion de ces coûts des politiques publiques et des bases de données officielles constitue une négation pure et simple de la réalité vécue par des millions de Français.
Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2025 : un poids supplémentaire
La situation, déjà critique, risque de se détériorer davantage avec les mesures prévues dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025. La hausse annoncée des tickets modérateurs sur les consultations médicales et les médicaments, combinée à une augmentation des cotisations pour les complémentaires santé, va inévitablement alourdir l’ardoise des ménages.
Cette logique comptable, dénoncée avec force par France Assos Santé, révèle une vision à court terme. En creusant les inégalités d’accès aux soins, elle risque de générer des coûts bien plus élevés à long terme, notamment en raison des pathologies non traitées ou aggravées. L’impact sera particulièrement sévère pour les malades chroniques, les personnes âgées et les foyers modestes, déjà au bord de l’asphyxie financière.
Les restes à charge invisibles, bien qu’exclus des rapports officiels, pèsent lourdement sur la santé publique et sur le tissu social. En négligeant ces coûts, les politiques publiques ne font qu’aggraver une fracture sanitaire déjà béante. Ce choix, motivé par des impératifs budgétaires, met en péril la cohésion sociale et le droit fondamental à la santé. France Assos Santé, qui regroupe près de 100 associations nationales, appelle à une réforme en profondeur. Plutôt que de pénaliser financièrement les malades, elle propose de revoir les politiques de remboursement pour inclure les frais actuellement exclus.