Santé : CBD et médicaments ne font pas bon ménage

Plébiscité pour ses vertus supposées relaxantes, le CBD est en vente libre depuis 2015. Mais derrière cette popularité croissante se cachent des risques insoupçonnés. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) tire la sonnette d’alarme : mélanger CBD et médicaments pourrait avoir des conséquences graves sur la santé.

Jade Blachier
By Jade Blachier Last modified on 12 mars 2025 11h06
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10%En 2022, 10 % des français ont consommé au moins une fois du CBD dans l'année.

Le 11 mars 2025, l’ANSM a publié un communiqué officiel alertant sur les dangers potentiels du CBD lorsqu’il est consommé en parallèle d’un traitement médicamenteux. L’agence sanitaire met en garde contre les interactions médicamenteuses avérées et souligne que les effets du CBD peuvent modifier l’efficacité des traitements. Alors qu'il est largement perçu comme un produit naturel et sans danger, il convient de s’interroger sur les risques réels liés à son usage en contexte médical.

CBD et médicaments : un cocktail potentiellement risqué

Le CBD n’est pas un médicament. Pourtant, il est souvent utilisé par des consommateurs qui recherchent un effet relaxant ou un soutien contre certaines douleurs chroniques. Son interaction avec de nombreux traitements médicaux pourrait cependant en réduire l’efficacité ou, au contraire, en renforcer les effets indésirables.

L’ANSM a recensé 58 cas d’interactions signalés aux centres antipoison entre 2017 et 2023, dont quatre cas graves identifiés par la pharmacovigilance entre 2021 et 2022. L’agence considère ces chiffres comme probablement sous-estimés, soulignant ainsi l’urgence d’une meilleure information des patients et des professionnels de santé.

Parmi les traitements concernés, l’ANSM identifie notamment les analgésiques, les anticoagulants, les antidiabétiques, les antibiotiques, les antifongiques, les antidépresseurs, les antiépileptiques, les antipsychotiques, les hypnotiques, les benzodiazépines et la méthadone. Pour ces médicaments, la consommation de CBD peut soit atténuer leur efficacité, soit en accentuer les effets secondaires, ce qui représente un danger pour les patients sous traitement. L’agence précise également que d’autres interactions médicamenteuses pourraient exister mais ne sont pas encore identifiées.

Que faire si l’on en consomme en étant sous traitement ?

L’ANSM recommande aux patients prenant des médicaments et souhaitant consommer du CBD d’en parler impérativement à leur médecin. Ce dernier pourra évaluer les risques potentiels et adapter la prescription en conséquence. L’agence invite également les consommateurs à être attentifs aux éventuels effets indésirables pouvant survenir après l’ingestion de CBD, tels que des nausées, des diarrhées, des vertiges, une somnolence excessive, une fatigue intense, des maux de tête ou encore des idées suicidaires. Si de tels symptômes apparaissent, il est impératif d’arrêter immédiatement la prise de cette substance et de consulter un professionnel de santé.

Les interactions médicamenteuses avec le CBD peuvent être particulièrement insidieuses, car elles ne se manifestent pas forcément immédiatement. Elles peuvent survenir après quelques heures, mais aussi après plusieurs semaines ou mois d’usage régulier. Il est donc essentiel de surveiller l’évolution des traitements et d’être vigilant face à tout changement dans leur efficacité.

Pourquoi le CBD agit-il sur les médicaments ?

Le CBD est un inhibiteur enzymatique, ce qui signifie qu’il interfère avec certaines enzymes du foie responsables de la métabolisation des médicaments. Concrètement, il peut ralentir l’élimination de certains médicaments, augmentant ainsi leur concentration dans l’organisme et, par conséquent, leurs effets secondaires. À l’inverse, il peut aussi perturber l’absorption d’autres traitements, réduisant ainsi leur efficacité et compromettant la bonne prise en charge du patient.

Cette interférence avec le métabolisme des médicaments explique pourquoi l’ANSM recommande une prudence accrue aux personnes suivant un traitement médical. Les effets du CBD sur l’organisme ne sont pas anodins et nécessitent une prise de conscience accrue des consommateurs.

Un produit "naturel" sans danger ?

Le CBD bénéficie d’une image positive, souvent perçu comme une alternative douce aux traitements médicaux conventionnels. Son accessibilité et la diversité des formats dans lesquels il est disponible, comme les huiles sublinguales, les bonbons, les infusions ou encore les cosmétiques, renforcent cette perception. Pourtant, le fait qu’un produit soit d’origine naturelle ne signifie pas qu’il est dénué de risques.

L’ANSM rappelle que le CBD n’est pas un médicament et que sa consommation, notamment en parallèle d’un traitement, doit être envisagée avec précaution. La réglementation actuelle n’impose aucune mention obligatoire sur les interactions médicamenteuses potentielles, ce qui peut induire les consommateurs en erreur quant à la réelle innocuité du produit.

Faut-il interdire le CBD pour les personnes sous traitement ?

L’ANSM ne demande pas l’interdiction du CBD pour les personnes sous traitement, mais plaide pour une meilleure information des consommateurs. Actuellement, aucun cadre strict n’oblige les fabricants et distributeurs de CBD à alerter sur les risques d’interactions médicamenteuses.

Plusieurs pistes sont envisagées pour renforcer la sécurité des consommateurs. L’ANSM suggère notamment l’instauration d’un étiquetage plus explicite sur les produits à base de CBD, permettant aux acheteurs d’être informés des risques potentiels en cas de traitement médicamenteux. L’agence appelle également à une meilleure formation des professionnels de santé, afin que les médecins et pharmaciens puissent conseiller efficacement les patients sur la compatibilité du CBD avec leurs traitements.

Enfin, l’ANSM recommande de faciliter le signalement des effets indésirables liés à la consommation de CBD. Actuellement, de nombreux patients ne pensent pas à déclarer ces incidents aux autorités de pharmacovigilance, ce qui complique l’évaluation réelle des risques. Une meilleure communication sur cette possibilité permettrait d’améliorer le suivi des interactions médicamenteuses et d’ajuster les recommandations sanitaires en conséquence.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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