Sanofi : la vente du Doliprane inquiète

La décision de Sanofi de céder 50 % de sa filiale Opella, connue pour le Doliprane, à un fonds d’investissement américain soulève de nombreuses inquiétudes. Entre enjeux économiques et souveraineté sanitaire, cette transaction pourrait marquer un tournant pour l’industrie pharmaceutique en France.

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Par Rédacteur Publié le 18 octobre 2024 à 4h30
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Sanofi : la vente du Doliprane inquiète - © Economie Matin
65%Une boîte de Doliprane est remboursée à 65%.

Une transaction majeure dans le paysage pharmaceutique

Sanofi, géant français de la pharmacie, a officialisé la vente de sa filiale Opella à CD & R, un fonds d’investissement américain. Ce dernier s'apprête à débourser 15 milliards d'euros pour prendre le contrôle de cette branche qui génère un chiffre d'affaires annuel de 5,2 milliards d'euros. « Cette vente est le reflet d'une stratégie de Sanofi qui se concentre sur les médicaments innovants et les vaccins », a déclaré la société dans un communiqué. Opella, qui emploie plus de 11 000 personnes dans 100 pays, est célèbre pour ses médicaments en vente libre, notamment le Doliprane, mais aussi d'autres marques telles que Lysopaïne et Maalox.

Le choix d'un investisseur américain plutôt qu'un fonds français, comme PAI Partners – candidat au rachat –, a suscité des inquiétudes. « Le risque, c’est de voir la production de médicaments être délocalisée, et que la France perde encore de son autonomie sanitaire », pointe Samira Guennif, économiste de la santé à l'université Sorbonne Paris Nord. Cette inquiétude est d’autant plus vive que la crise du Covid-19 a mis en lumière la dépendance de la France vis-à-vis des chaînes d'approvisionnement internationales pour les médicaments.

Les chiffres avancés par Sanofi témoignent de la santé florissante d’Opella, qui affiche une croissance des ventes de 6,3 % en 2023 à taux de change constants. Pourtant, cette performance n’a pas empêché la direction de décider d’une séparation. La justification ? « Nous souhaitons permettre à Opella de poursuivre son développement en toute indépendance », a précisé Sanofi. Derrière cette belle rhétorique se cache une réalité plus complexe.

Les répercussions sur l’emploi et l’industrie

Cette transaction ne sera probablement pas sans conséquences pour les employés d’Opella. Avec environ 1 300 salariés basés en France, la CGT Sanofi a réagi vivement : « Ce matin, plus de 11 000 salariés dans le monde, dont 1 300 en France, se réveillent en découvrant qu’ils ont été vendus comme de simples marchandises à un fonds », a déploré le syndicat. Les craintes des salariés sont amplifiées par la menace de délocalisation et la potentielle restructuration de l’entreprise, courantes dans les transactions impliquant des fonds d’investissement.

Les ministres en charge de l'Économie tentent de rassurer en promettant des engagements du fonds à maintenir les sites de production en France. Cependant, pour Frédéric Bizard, économiste spécialisé dans les questions de santé, cette promesse n'est pas une garantie : « La question de la viabilité de la production en France se posera probablement dans trois à cinq ans », indique-t-il, craignant que, malgré les promesses, la réalité du marché pourrait conduire à une réduction de l’empreinte industrielle en France.

L’impact sur l’emploi ne se limite pas à des craintes sur la délocalisation. La nature des relations de travail pourrait changer. « Les fonds d’investissement tendent à chercher des rendements à court terme, ce qui peut avoir des effets dévastateurs sur la culture d’entreprise et les emplois à long terme », note un expert en économie du travail. Cela laisse de nombreux salariés dans l'incertitude quant à leur avenir.

La souveraineté sanitaire en question

Au-delà des enjeux économiques, cette vente questionne la souveraineté sanitaire de la France. « Si le gouvernement avait vraiment voulu éviter cette cession, il aurait pu agir différemment », soutient Frédéric Bizard. Des solutions innovantes, comme la création de sociétés à but non lucratif pour stabiliser le marché, auraient d’ailleurs pu être envisagées. Cependant, la réalité actuelle montre une tendance alarmante vers la désertification pharmaceutique.

L’absence de stratégies claires pour maintenir une industrie pharmaceutique vivace en France est préoccupante. « Les laboratoires quittent le pays parce qu’ils ne trouvent plus un environnement favorable », prévient Bizard. Des décisions politiques récentes, comme des réductions sur le prix des médicaments, ajoutent une pression supplémentaire sur les acteurs du secteur. Avec des médicaments souvent produits à l'étranger, la France semble perdre son statut de leader dans l'industrie pharmaceutique, un constat qui s’aggrave avec chaque nouvelle cession d’actifs.

Les promesses de rétablir une souveraineté sanitaire, nées des pénuries de médicaments essentiels pendant la crise du Covid-19, ne semblent pas avoir survécu à la froide réalité économique. La vente d’Opella et son médicament-symbole, le Doliprane, à un fonds américain le confirme, et suscite de légitime crainte pour l’avenir de la santé publique en France.

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