Sanctions RSA : jusqu’à 100 % d’allocation coupée, le couperet tombe

Une idée traverse les discours politiques : la précarité ne serait plus une fatalité, mais un manquement. Et si le RSA devenait conditionnel au mérite individuel ? La nouvelle doctrine en gestation trace une ligne de fracture.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 21 mars 2025 à 9h37
RSA : nouvelles mesures pour faciliter l'accès aux aides
Sanctions RSA : jusqu’à 100 % d’allocation coupée, le couperet tombe - © Economie Matin
30%Pour un premier manquement, une suspension de 30 % à 100 % pour une durée d’un à deux mois est possible.

Depuis le 18 décembre 2023, date d’adoption de la loi sur le plein emploi, le Revenu de solidarité active (RSA) est engagé dans une métamorphose inédite. Le 20 mars 2025, plusieurs médias révèlent les contours du futur barème de sanctions prévu par le ministère du Travail, transformant l’allocation en levier disciplinaire. Objectif affiché : activer l’accompagnement des bénéficiaires. Conséquence directe : ceux qui ne respecteraient pas leur contrat d’engagement risquent une suspension partielle ou totale de leurs droits. Le RSA, filet de sécurité pour plus de 2 millions de foyers, entre ainsi dans une ère de conditionnalité punitive.

Le RSA sous pression : le spectre d'une suspension totale

Le RSA revient en force dans les textes réglementaires comme dans les discours ministériels. L’État prévoit désormais de suspendre les versements de 30 % à 100 % en cas de manquement au fameux contrat d’engagement réciproque, ce document censé lier les obligations du bénéficiaire et les promesses d’accompagnement de France Travail (ex-Pôle Emploi).

Pour un premier manquement, une suspension de 30 % à 100 % pour une durée d’un à deux mois est possible. Pour un second, les sanctions peuvent s’étaler sur quatre mois, voire déboucher sur une suppression définitive de l’allocation. Et attention, cela ne concerne pas seulement ceux qui fraudent ou mentent. Le simple défaut de réponse à un conseiller, l’oubli d’un rendez-vous ou le refus d’une activité dite d’insertion pourraient suffire.

Comme le précise le site Franceinfo dans son article du 20 mars 2025, « si la personne se remobilise, les montants peuvent être reversés ; dans le cas contraire, ils sont perdus ». Et voilà comment une protection sociale devient une menace suspendue au comportement de ceux qui vivent avec moins de 700 euros par mois.

Qui juge le manquement ? La mécanique trouble de la sanction RSA

L’institution chargée de trancher ? Le conseil départemental, ou, dans certaines situations, France Travail. C’est donc au niveau local que le couperet tombera. L’évaluation reposera sur un « faisceau d’indices ». Pas de faute clairement définie, pas de seuil objectif : on parle d’appréciation au cas par cas. Le caractère flou du dispositif inquiète, et pour cause. Le décret d’application, annoncé pour juin 2025, devrait fixer les modalités précises. En attendant, les allocataires sont placés en apnée, pris entre obligation d’activité (minimum 15 heures par semaine), pressions administratives et incertitude juridique.

L’ironie de cette réforme ? Elle arrive dans un contexte où les structures d’accompagnement sont déjà saturées. Comme le déplore Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, dans Franceinfo le 21 mars 2025 : « Le gouvernement a peut-être mieux à faire que d’aller chercher des gens qui survivent avec 640 euros par mois. » Un aveu glaçant : derrière le mot remobilisation, c’est l’éloignement des droits qui se profile.

Une réponse politique sous couvert d’efficacité : pauvreté sanctionnée, société fragmentée

Le RSA, à l’origine pensé comme un outil de solidarité, est en passe de devenir un dispositif de tri social. Et les familles ne sont pas épargnées : si le foyer comprend plusieurs membres, la suspension maximale est limitée à 50 %, mais reste tout aussi violente.

Le gouvernement justifie ces mesures par une volonté d’accompagnement renforcé et de lutte contre l’inactivité. Mais la réalité statistique est moins glorieuse. Selon les documents officiels du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, consultés via l’Assemblée nationale, le taux de non-recours au RSA reste stable autour de 30 %. Autrement dit, des centaines de milliers de personnes éligibles ne demandent même pas cette aide. Et à ceux qui la reçoivent, l’État répond par la menace de suppression.

Face à cette logique, les associations dénoncent un glissement idéologique : le bénéficiaire du RSA n’est plus vu comme un citoyen à accompagner, mais comme un suspect à surveiller. « Ces mesures auront des conséquences dramatiques sur les personnes les plus éloignées de l’emploi », alerte la Fédération des acteurs de la solidarité, toujours dans Franceinfo le 21 mars 2025.

La promesse d’accompagnement, noyée dans les sanctions

La loi du 18 décembre 2023, votée sous prétexte de garantir le plein emploi, aura surtout marqué un tournant dans la gestion de la précarité. Elle prévoit une montée en charge progressive du nouveau dispositif, avec déploiement national au second semestre 2025. En parallèle, France Travail n’a pas encore été doté des moyens humains suffisants pour accompagner tous les bénéficiaires du RSA. Un paradoxe flagrant : comment sanctionner ceux qu’on prétend vouloir aider, sans même leur offrir les conditions de cet accompagnement ?

Le RSA, dernier rempart avant la misère absolue pour des millions de Français, est désormais soumis à une logique conditionnelle et répressive. Le gouvernement prétend vouloir responsabiliser. Mais en pratique, il culpabilise, stigmatise et fragilise encore davantage ceux qui survivent déjà dans l’ombre. Et quand l’insertion devient injonction, la solidarité se transforme en injure.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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