Les salariés en arrêt de travail pendant un mois chaque année

Les arrêts de travail s’allongent et les absences se multiplient. Un phénomène en progression constante, qui interroge les ressorts profonds de l’organisation du travail en France.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 10 avril 2025 9h23
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59 %59 % des moins de 25 ans déclarent avoir déjà utilisé un arrêt de travail sans réel problème de santé.

Le 9 avril 2025, plusieurs études convergentes ont mis en évidence une évolution marquante du paysage social français : la durée moyenne des arrêts maladie atteint désormais 21,5 jours. Ce chiffre, publié notamment par L’Argus de l’assurance, marque une progression nette par rapport à 2022, où elle s’établissait à 18,4 jours. Plus de la moitié des arrêts concernent désormais des périodes longues, excédant 90 jours.

Cette dynamique s’installe durablement dans les pratiques, au point de devenir une tendance structurelle. Les experts parlent d’une « normalisation de l’absence », tant dans les entreprises que dans les administrations. Et les conséquences ne se limitent pas à la seule sphère financière.

« Nous avons un vrai sujet sur l’augmentation des arrêts longs, qui représentent désormais plus de la moitié de l’absentéisme total […] Ce sont eux qui coûtent le plus cher à la collectivité ainsi qu’aux organismes de prévoyance », prévient Sabeiha Bouchakour dans L’Argus de l’assurance, le 9 avril 2025.

Un faisceau de causes derrière l’extension des arrêts de travail

L’allongement des arrêts ne s’explique pas par une cause unique, mais par une combinaison de facteurs médicaux, sociaux et comportementaux. La maladie ordinaire (grippe, bronchite, virus) reste la cause principale, avec 54 % des cas. À cela s’ajoutent les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux.

Un chiffre retient particulièrement l’attention : 37 % des arrêts sont directement motivés par la fatigue. Ce motif, longtemps relégué au second plan, devient une justification pleinement assumée. Il reflète un climat général de surcharge mentale et de désengagement croissant.

L’évolution est également générationnelle. Les salariés de moins de 34 ans sont trois fois plus nombreux à recourir à des absences courtes que leurs aînés. Plus frappant encore : 59 % des moins de 25 ans déclarent avoir déjà utilisé un arrêt de travail sans réel problème de santé. Cette tendance, confirmée par les assureurs, traduit une relation distendue au cadre hiérarchique et à l’engagement professionnel.

Les femmes, quant à elles, restent majoritairement touchées par l’absentéisme, dans un contexte de surcharge domestique et de fatigue chronique souvent sous-estimée.

L’assurance maladie serre la vis face aux arrêts prolongés

Face à cette hausse des durées et des coûts, la Sécurité sociale durcit les règles. Depuis le 1ᵉʳ avril 2025, le plafond des indemnités journalières a été abaissé : il passe de 1,8 à 1,4 fois le SMIC. Cette mesure réduit l’indemnité maximale de 53,31 euros à 41,47 euros brut par jour.

L’objectif est clair : contenir les dépenses croissantes liées aux arrêts longs. Selon une étude conjointe de la Drees et de la Cnam, les indemnités versées ont augmenté de 5,4 % entre 2022 et 2023, sous l’effet conjugué du vieillissement de la population et de la revalorisation des salaires.

Les arrêts des salariés de plus de 50 ans, bien qu’ils ne représentent que 29 % du volume total, concentrent 42 % des montants versés. Ce déséquilibre structurel incite l’assurance maladie à renforcer ses contrôles. Des campagnes de vérification plus strictes sont en cours, avec en ligne de mire les prescripteurs jugés trop complaisants.

Le télétravail, amortisseur social… mais pas universel

Toutes les catégories de salariés ne sont pas égales face aux arrêts. Pour ceux qui peuvent télétravailler, l'absence peut être évitée dans 67 % des cas. Une solution qui permet d’alléger la pression sur les régimes de prévoyance, mais qui reste inaccessible à une large partie de la population active.

Les travailleurs précaires, intérimaires, aides à domicile, employés de petites structures, sont particulièrement vulnérables. Souvent privés de couverture complémentaire, ils ne peuvent compter que sur les indemnités journalières de base.

Les employeurs, de leur côté, voient leur responsabilité s’accroître. La loi les oblige à maintenir partiellement le salaire pendant une période variable selon l’ancienneté du salarié.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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