Et si le cours de l’or ressemblait à notre grand-père ? Celui qu’on oublie quand tout va bien dans notre vie, mais vers qui on se précipite pour prendre conseil lorsque tout part en cacahuète…
Sagesse et records du cours de l’or
Le seul homme rassurant de la famille, tranquillement lové dans son fauteuil, sourire en coin, imperturbable alors que tout le monde s’agite autour de lui. Increvable, parce qu’il en a vu d’autres, le vieux ! Oui, le cours de l’or est le seul capable de prendre un peu de hauteur lorsque tout dévisse. Et tout au long de l’année 2023, il est monté très haut, enchainant les nouveaux records dans différentes devises. Un signe de l’incertitude des temps qui courent…
Comme papy, le cours de l’or fait de la résistance
Pas rassasié d’avoir déjà touché une première fois son plus haut en euros début octobre (1903 €), le cours de l’or a littéralement explosé son record et ses résistances dans la nuit du lundi 4 décembre 2023. En séance, l’once en dollars a fait un bond spectaculaire de quelques minutes lors de l’ouverture des marchés asiatiques à 2135 $, ce qui signe un nouveau plus haut historique au niveau mondial. Idem en euros, le prix de l’once affichant au même moment les 1977 € pendant quelques secondes, explosant son précédent record dans la devise européenne. Le tout avant de corriger et de retrouver un rythme de croisière élevé du moment. Un pic vertigineux qui nous montre que tout le monde sent que ça pue et qu’il est donc l’heure d’aller réclamer des étrennes à pépé !
Quand les taux se resserrent
Le coup de gâchette de ce nouveau record de début décembre est venu de Jérôme Powell, patron de la FED pas vraiment à la fête, dans l’après-midi du vendredi 1er décembre. Coincé entre une économie américaine au ralenti et une forte inflation qu’il a lui-même en partie créée, Jérôme Powell et son institution ne savent plus sur quel pied danser. Rappelons que les revirements de politique monétaire de la Fed, tant à la hausse qu’à la baisse, ont été le point de départ d’une hausse du cours du métal jaune il y a quelques années. Vendredi dernier, Jérôme Powell lâchait à demi-mot que sa politique d’augmentation des taux d’intérêt était à bout de souffle : « Les taux ont atteint un niveau suffisamment restrictif ». Pour les investisseurs qui avaient déjà anticipé une fin de la hausse des taux, il n’en fallait pas plus pour valider leurs options. Résultat : une petite claque pour le dollar et les bons du trésor, de fait moins rémunérateurs, et une belle poussée pour le métal jaune. Même refrain pour l’euro, plombé par cette fin probable de la politique de resserrement monétaire et les perspectives de récession à venir.
Gold en stocks
Papy a aussi ce luxe d’avoir connu la guerre, et il sait par bon sens que dans ces contextes instables et précaires, il faut tenir le plus longtemps possible et donc toujours garder quelques conserves à la cave le temps que les nuages s’éloignent… C’est ce qu’ont parfaitement compris les banques centrales des pays orientaux, au premier rang desquelles la Chine, qui n’ont eu de cesse de renforcer leurs stocks du métal précieux depuis près de deux ans et le déclenchement de la guerre en Ukraine. En 2022, avec 1136 tonnes, les banques centrales avaient acheté plus d’or que cela n’avait jamais été le cas auparavant. À fin septembre 2023, les grands argentiers avaient en effet accumulé autour de 800 tonnes de métal supplémentaires, renforçant encore un peu plus le vent dans le dos du cours de l’or. « La hausse des achats d’or par les banques centrales est actuellement le thème le plus important du marché de l’or. Et cela pourrait avoir des implications au-delà du marché de l’or », soulignait John Read, analyste financier pour le World Gold Council, le 31 octobre dernier. Si les banques centrales accumulent plus de 260 tonnes d’or au cours du 4e trimestre, alors le record historique de 2022 sera battu.
L’impact Gaza
Si la perspective d’arrêt de la hausse des taux sur fond de ralentissement économique constitue la pointe de l’iceberg, les deux records d’octobre et décembre 2023 ont pour terreau commun le retour fracassant du conflit israélo-palestinien. A la veille de l’attaque du Hamas, qui a tout relancé, le 7 octobre dernier, le cours de l’or poursuivait une tendance baissière depuis plusieurs semaines. La soudaineté de cette reprise, sa violence, et les perspectives d’escalade du conflit ont dopé le cours. En euros, le cours prenait 10% en un peu plus de trois semaines, atteignant une première fois son record le 29 octobre (1903 €). Bis repetita le vendredi 1er décembre, jour où le cours de l’or amorçait sa plus forte ascension, à la suite de l’échec des négociations visant à prolonger la trêve avec le Hamas, l’armée israélienne reprenait ses assauts sur Gaza. Un signe, s’il en fallait un autre, de la solidité du cours en temps de guerre, de sa nature contracyclique et de sa capacité d’absorber les tensions en endossant son costume de valeur refuge dans un contexte de forte crise internationale. Indécrottable boussole indiquant le Nord alors que le monde extérieur a perdu le sens de l’orientation, le cours de l’or pourrait de nouveau battre des records dans un avenir proche. Restant un référant sans faille pour les investisseurs, il rappelle à tout un chacun que l’or millénaire est un actif plus qu’actuel ! Eh oui, on ne laisse pas tomber papy dans les orties, il se pourrait même que l‘ancien nous enterre tous…