Les signaux étaient visibles à l’horizon, les annonces sont désormais officielles. Une contraction brutale du réseau Ryanair en France s’amorce. Les vols ne seront plus aussi fréquents, certaines pistes resteront silencieuses. Que cache cette réduction d’envergure du géant du low-cost sur le territoire français ? Une simple opération stratégique ou un avertissement fiscal déguisé ?
Bordeaux abandonnée, Vatry rayée : Ryanair claque la porte
Ryanair coupe dans le vif du ciel français
Le 27 mars 2025, la compagnie Ryanair a confirmé ce que plusieurs aéroports redoutaient depuis des semaines : la réduction de ses opérations sur le territoire français. Cette décision, selon les mots de son directeur général, Michael O'Leary, résulte d’un environnement devenu « non compétitif » pour le transport aérien. « Non, non, non. Nous allons toujours voler vers la France, mais simplement avec des capacités plus faibles », a-t-il déclaré.
En cause ? La hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, inscrite dans le Budget 2025, passée de 2,63 euros à 7,40 euros pour les vols intra-européens. La compagnie prévoit ainsi de réduire son trafic de 12 à 11 millions de passagers en France, soit une contraction de 4 à 5% de ses capacités nationales. Pour l'opérateur irlandais, ce chiffre est loin d'être anodin. Ce n'est pas une simple baisse saisonnière, mais bien une réorientation stratégique assumée.
Base fermée à Bordeaux, abandon confirmé à Vatry : Ryanair vide ses hangars
Les premières victimes de cette cure d'austérité ? Deux plateformes régionales qui dépendaient largement du transporteur low-cost.
À Bordeaux, Ryanair ferme purement et simplement sa base. Bien que certains vols continueront à y transiter, l’arrêt des opérations permanentes marque la fin d’une ère pour cet aéroport qui avait bâti une partie de sa croissance sur le low-cost irlandais.
À Vatry, la compagnie met fin à ses deux principales liaisons : Porto et Marrakech, à partir du 29 mars 2025. Ces deux destinations représentaient 85% du trafic passagers annuel de l’aéroport marnais. La perte directe est estimée à 500.000 euros, une hémorragie économique pour une plateforme dont Ryanair était l’épine dorsale. « Nos activités dans les aéroports français comme Vatry vont être transférées dans des aéroports concurrents dans des pays moins chers », précisait la compagnie dans une lettre adressée aux autorités.
Menace écartée pour dix aéroports, mais vigilance maintenue
Initialement, Ryanair avait laissé entendre que dix plateformes régionales françaises pourraient être abandonnées. La rumeur enflait autour de noms comme Limoges, Perpignan, Béziers, Nîmes, Carcassonne, Beauvais, et d’autres infrastructures moyennes et peu subventionnées. Mais, pour l’instant, le couperet est suspendu.
Michael O'Leary l’a confirmé dans les colonnes de BFMTV : les dessertes dans ces dix aéroports seront maintenues, même si leur fréquentation pourrait être réduite. « Nous ne fermerons pas ces lignes, mais nous allons réduire notre activité sur le territoire. »
En clair, la menace est toujours sur la table. Rien ne garantit que les rotations actuelles seront conservées à moyen terme. Ce sont des destinations que Ryanair peut désengager en quelques semaines. Les élus locaux, eux, s'inquiètent en silence.
Derrière le sabrage, une stratégie politique ?
Sous des airs de reconfiguration logistique, cette réduction ressemble à une opération de pression politique. Michael O’Leary n’a jamais caché son hostilité aux fiscalités nationales qu’il juge punitives. En ciblant la France — où la taxe sur les billets d’avion a triplé — Ryanair envoie un message clair à l’exécutif : sans compétitivité fiscale, pas d’investissement.
Mais la stratégie est double. D’un côté, Ryanair se désengage partiellement d’un marché jugé trop contraignant. De l’autre, elle redéploie ses capacités vers des pays aux coûts moindres (Espagne, Pologne, Maroc), jouant à fond la carte de la mobilité intra-européenne pour maximiser sa rentabilité.
Et si Bordeaux et Vatry trinquent les premiers, ils pourraient n’être que les précurseurs d’un mouvement plus large si Paris ne revoit pas sa copie fiscale.
À qui profite le vide ?
La rétraction de Ryanair en France ouvre un boulevard à d’autres opérateurs. Des compagnies comme Volotea, easyJet ou Transavia pourraient reprendre des parts de marché sur certaines lignes abandonnées, mais sans garantie de tarifs aussi bas ni de fréquence équivalente.
Les aéroports touchés, eux, cherchent à éviter l’asphyxie. À Vatry, la direction tente de diversifier ses partenaires, mais le poids du vide laissé par Ryanair pourrait être difficile à combler à court terme.
En refusant de plier face à la fiscalité française, Ryanair semble préférer replier ses ailes. Derrière ce repli se dessine une réalité plus brutale : la dépendance des territoires au low-cost est une fragilité économique que la politique fiscale pourrait précipiter. Les prochaines semaines diront si cette réduction est un simple ajustement ou le début d’un désengagement plus profond.