Rien ne se perd, tout se transforme: fabriquer un terreau respectueux de l’environnement à partir de déchets alimentaires

Des chercheurs financés par l’UE valorisent les déchets issus de l’industrie alimentaire pour en faire une ressource précieuse, en fabriquant des engrais naturels à partir des biomatériaux éliminés.

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Par Horizon Publié le 1 janvier 2025 à 9h30
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Rien ne se perd, tout se transforme: fabriquer un terreau respectueux de l’environnement à partir de déchets alimentaires - © Economie Matin
10,8%Seulement 10,8% des terres cultivées sont destinées à l'agriculture biologique.

La Catalogne compte 7,7 millions d’habitants et environ 7,9 millions de porcs. Cela fait plus d’un porc par personne. 

L’élevage porcin intensif a provoqué une accumulation excessive d’azote dans le sol, un problème qui se retrouve dans de nombreuses régions d’Europe. À seulement quelques kilomètres de Barcelone, une petite révolution est en marche pour convertir ces déchets en une précieuse ressource.

Plutôt que d’épandre du fumier brut sur les terres agricoles, les chercheurs récupèrent l’azote contenu dans les déchets agro-industriels locaux pour le transformer en sulfate d’ammonium. Plus stable et plus efficace, cet engrais limite les effets néfastes du ruissellement. 

Réduction chimique

Les chercheurs dont il est question participent à un projet de quatre ans intitulé Waste4Soil et financé par l’UE. Ils étudient des moyens innovants de convertir les déchets issus de l’industrie alimentaire en amendements de sol produits localement. Le but est ainsi de résoudre simultanément deux problèmes majeurs auxquels l’UE est confrontée: le gaspillage alimentaire et la santé des sols.

En Catalogne, les chercheurs utilisent un processus appelé «digestion anaérobie», dans lequel les bactéries décomposent les déchets pour produire du biogaz ainsi qu’un résidu humide riche en nutriments appelé «digestat».

«Cette technologie est déjà largement utilisée, avec plus de 15 000 installations agro-industrielles de méthanisation dans toute l’UE», a déclaré le docteur Victor Riau, chercheur à l’Institut catalan de recherche et de technologie agroalimentaires.

En recyclant les résidus de déchets alimentaires de cette manière, les chercheurs estiment pouvoir réduire la dépendance aux engrais chimiques de près de 80 %. 

Grâce à leur collaboration avec des acteurs privés et publics du secteur alimentaire, les communautés locales pourront bénéficier rapidement des résultats de ces recherches.

«Nous espérons que cette approche circulaire aura un effet positif sur l’économie locale, en réduisant les coûts de gestion des déchets et en favorisant l’utilisation de ressources renouvelables plus abordables», a déclaré M. Riau.

Moins de déchets, plus de nutrition

L’équipe de recherche du projet Waste4Soil a créé des Living Labs (des environnements de test en conditions réelles) dans sept pays européens: Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne et Slovénie. 

L’objectif est de tester un éventail de solutions innovantes permettant de transformer les déchets issus de différentes filières agroalimentaires en amendements locaux et biosourcés pour les sols.

Outre les élevages porcins, le projet cible d’autres industries alimentaires locales, comme la production d’huile d’olive et de bière, qui génèrent des volumes considérables de déchets biologiques. 

«Chaque année, un milliard de tonnes de denrées alimentaires sont gaspillées dans le monde, dont 38 % proviennent des résidus de l’industrie alimentaire», a indiqué le docteur Kyriakos Panopoulos du Centre de recherche et de technologie Hellas de Thessalonique, en Grèce, qui assure la coordination de l’ensemble des recherches. 

Face à cette immense quantité de déchets, l’UE a annoncé l’année dernière son intention d’établir des objectifs juridiquement contraignants pour réduire le gaspillage alimentaire d’ici 2030.

Parallèlement, M. Panopoulos a rappelé que 60 à 70 % des sols européens souffrent actuellement d’un appauvrissement sévère en nutriments, un constat alarmant. 

Face à l’urgence, l’équipe de recherche du projet Waste4Soil fait progresser les efforts à l’échelle européenne pour restaurer les sols dégradés du continent d’ici 2050, un des objectifs du Pacte vert pour l’Europe.

L’or liquide de Slovénie

En Slovénie, le réchauffement climatique crée des conditions propices aux oliveraies. Un producteur local d’huile d’olive qui débute dans ce secteur participe au Living Lab slovène.

Sur la péninsule adriatique du nord de l’Istrie, réputée pour son huile d’olive de grande qualité, des chercheurs recyclent les grignons d’olive (un sous-produit de la production d’huile d’olive, constitué de peaux, de noyaux et de pulpe) pour fabriquer des amendements pour le sol. 

Cette initiative contribue à enrichir le sol en carbone tout en réduisant l’impact environnemental lié à l’élimination des déchets.

«L’approche innovante développée en Slovénie pourrait inspirer d’autres régions productrices d’huile d’olive en Europe, notamment en Méditerranée, qui sont elles aussi confrontées à ces problématiques en matière de gestion des déchets», a déclaré le docteur Rok Mihelič du département d’agronomie de l’université de Ljubljana.

Une idée ingénieuse venue de Finlande

Chaque région d’Europe est confrontée à ses propres défis, et les chercheurs étudient différentes solutions pour réutiliser les déchets et enrichir les sols. Certaines d’entre elles sont assez originales… et viennent même de la mer.

Le Living Lab de Päijät-Häme, en Finlande, par exemple, s’intéresse à la pisciculture (l’une des principales industries alimentaires de la région) pour se procurer des déchets susceptibles d’être transformés en engrais riches en nutriments.

Anne-Marie Tuomala, maître de conférences à l’université des sciences appliquées LAB de Lahti, en Finlande, a expliqué que les résidus de poisson, riches en azote, en phosphore et en minéraux divers, se prêtent idéalement à la récupération des nutriments. 

Comme c’est le cas des déchets issus des élevages porcins, ces matériaux peuvent être traités par digestion anaérobie pour créer un résidu riche en nutriments.

Cependant, les retours des agriculteurs au cours des premiers mois du Living Lab ont mis en évidence un problème lié à l’odeur des résidus de poisson qui complique leur transport et leur stockage. Pour y remédier, il pourrait être nécessaire, d’après Mme Tuomala, de mettre en place des installations spécialisées équipées de systèmes de contrôle des odeurs.

Cette approche circulaire pourrait réduire les coûts pour les agriculteurs, en particulier avec la flambée des prix des engrais suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Bien que les prix se soient stabilisés, l’UE reste fortement dépendante des importations d’engrais russes.

Avantage concurrentiel 

En réduisant les importations, les engrais issus des Living Labs du projet Waste4Soil présentent aussi l’avantage d’être produits localement et de manière durable. 

«Les agriculteurs et les producteurs de denrées alimentaires qui adoptent ces méthodes durables pourraient obtenir un avantage concurrentiel sur des marchés qui privilégient de plus en plus les produits respectueux de l’environnement», a ajouté Mme Tuomala.

La collaboration est l’atout clé de l’initiative. Chercheurs, agriculteurs, acteurs de la société civile, industries et pouvoirs publics travaillent ensemble pour créer et tester ensemble des solutions en conditions réelles.

Pour M. Panopoulos, cette approche collaborative apportera des solutions au problème croissant posé par le gaspillage des déchets alimentaires.

«Chaque avancée, même modeste, compte, et le potentiel offert par ces pratiques pour instaurer une agriculture plus durable et respectueuse de l’environnement suscite de plus en plus d’enthousiasme», affirme-t-il. 

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

1 commentaire on «Rien ne se perd, tout se transforme: fabriquer un terreau respectueux de l’environnement à partir de déchets alimentaires»

  • CSNM

    La digestion anaérobie comme retour d’engrais au sol ? Le lecteur devrait regarder cnvmch.fr, car les sols méritent mieux qu’un simple digestat ! Bravo aux slovènes qui eux ont tout compris !
    Le CSNM

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