Un adage semble encore très présent « Supprimer » des seniors, il y aura plus de place pour les jeunes ?

Avant 1980, presque tous les pays avaient des départs en retraite à 65 ans, la France s’est distinguée en 1982 en passant à 60 ans. Cet écart de 5 années a été un frein considérable lorsqu’il a fallu prévoir de remonter l’âge de départ suite au coût du vieillissement des populations.

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Par Daniel Moinier Publié le 17 janvier 2023 à 5h20
Reforme Des Retraites Age Depart Greve Syndicats
Un adage semble encore très présent « Supprimer » des seniors, il y aura plus de place pour les jeunes ? - © Economie Matin
93%93% des actifs ne veulent pas du report de l'âge de la retraite.

Il faut rappeler que depuis 1945, la durée de vie a augmenté de plus de 23 années, soit 7 heures de plus par jour. Suite aux diminutions des horaires de travail en 1982 : retraite à 60 ans, 5ème semaine de congés, 40 heures passées à 39 heures par semaine, 8 mai redevenu férié, la France s’est trouvée en récession. Il y a eu changement de 1er ministre pour placer un gestionnaire. C’est après cette période que le franc s’est écroulé : deux dévaluations alors que le marc allemand s’envolait, il était même 4,5 fois supérieur lors de la venue de l’euro et surtout l’arrivée d’une forte baisse du niveau de vie !

C’est aussi après cette période que sont apparu les préretraites ou accords de fin d’emploi avec même des départs spéciaux à partir de 50 ans ! C’est suite à la montée d’un fort taux de chômage que l’on a commencé à pratiquer les préretraites, puis les retraites anticipées pour handicap, travaux pénibles et plus tard pour carrières longues. Conditions : Avoir commencé à travailler à partir de 14 ans, puis 16 ans et ensuite 18 ans sous François Hollande. Cette dernière mesure a toujours un coût annuel de 11,5 milliards d’euros.

Le taux d’emploi des jeunes a explosé proportionnellement à ces départs anticipés.

Le Monde titrait : l’âge d’or de la préretraite.

Symbole du traitement social du chômage, la préretraite a été la mesure-phare des années 80. La plus facile, aussi. Plutôt que de se poser la douloureuse question des compétences ou celle, tout aussi épineuse, du remodelage de la main-d’œuvre à l'heure de la restructuration, on a fait tomber le couperet de l'âge avec d'autant moins de mauvaise conscience que les conditions financières de la cessation anticipée d'activité, comme on dit pudiquement, ont longtemps été alléchantes. Une part d’avant préretraite était payée par l’employeur, le reste par l’état. Les plus précoces ont arrêté de travailler à 50 ans, 10 ans avant la vraie retraite.

Comment voulez-vous que nos concitoyens aient sur la fin d’activité le goût du travail. L’image était ainsi insufflée à toute la population, aux enfants, ados, surtout ceux de la famille concernée. Sachant que plus de 20% des jeunes de 18/24 ans se trouvent au chômage parfois plusieurs années.

Un sondage réalisé dernièrement découvrait que 35% des Français.es avaient la « flemme » !

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Une des plus grave erreur du siècle

C’est l’adage catastrophique entendu pendant des dizaines d’années et qui s’est répandu dans toutes les instances dirigeantes et toute la population :

« Plus on mettra les seniors tôt en retraite, plus il y aura de travail pour les jeunes »

Après la très grave erreur d’avoir diminué les temps de travail et d’activité en 1982, c’est cette deuxième erreur qui a mis la France à terre et continuer d’être en déficit permanent.

Car plus on a sorti tôt les seniors de l’emploi, plus le taux des jeunes a augmenté. C’était même proportionnel et cela reste toujours vrai.

Explication : En termes financiers, un senior vaut près de 4 jeunes embauchés, c’est-à-dire que chaque salarié qui part trop tôt en retraite ou sans emploi, empêche l’embauche de 3 à 4 jeunes : Cause du chômage élevé des jeunes.

Le contexte des années 80/90 était celui décrit ci-dessous :

Combien sont-ils de seniors à l'instar de cet employé à être pointés du doigt parce que trop vieux ? A être poussés vers la porte de sortie plus tôt que prévu ? Difficile de le dire précisément. Mais il n'y a qu'à passer au crible les plans de départs des entreprises en négociation actuellement ou signés, pour se rendre compte que la plupart encourageaient les plus de 55 ans à envisager de quitter prématurément l'entreprise.

Orange, Renault, Thales, Total, Sanofi, Michelin, HSBC... Tous font la part belle à ce que les responsables des ressources humaines appelaient pudiquement « les mesures d'âge », ces dispositifs qui s'apparentaient souvent à des préretraites déguisées.

Pis, ce réflexe est encouragé par des dispositifs mis en place par le gouvernement. Ainsi, les ordonnances Travail de 2017 ont encore étendu les systèmes de congés de fin de carrières, qui permettaient aux plus âgés qui le souhaitent de quitter l'entreprise en douceur, en passant à temps partiel. Chez Arcelor Mittal, par exemple, les syndicats ont négocié des systèmes de baisse d'activité où le salarié proche de la retraite pouvait prendre un temps partiel à 80 % - payé 95% - la première année, puis passer à 20 % payés 80% la seconde... avant de partir définitivement.

Jérémie Younes d’Alternatives Economiques s’est aussi posé la même question :

Le report de l'âge légal de départ en retraite crée-t-il du chômage chez les jeunes ? Si les départs en retraite sont plus tardifs, le maintien en emploi, voire le recrutement, des 55-64 ans ne risque-t-il pas de compliquer l'entrée sur le marché du travail des moins de 25 ans ? En clair, y a-t-il un lien entre taux d'emploi des seniors et chômage des jeunes ?

Un rapide coup d’œil aux courbes des taux d'emploi en France de l'une et de l'autre catégorie depuis 40 ans pourrait le laisser penser. Le taux d'emploi des moins de 25 ans chute depuis les années 1980, tandis que le taux d'emploi des 50-64 ans ne fait qu'augmenter sur la même période. Y a-t-il un lien de cause à effet.

Autre personne qui se pose la question : Anne Jolivet chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail du Cnam, spécialiste de la gestion des âges en entreprise et sur le marché du travail annonce que les salariés jeunes et plus âgés ne sont pas substituables.

Les départs anticipés de salariés seniors que l'on remplacerait par de jeunes recrues, c'est une vue de l'esprit. Jeunes et plus âgés ne sont pas substituables. Cela ne fonctionne pas ainsi dans les entreprises, et l'expérience des préretraites entre les années 1980 et 2010 l'a bien montré. D'abord parce que le plus souvent, les emplois occupés par des seniors ne sont pas des postes débutants peu qualifiés, et un jeune sorti de formation ne peut pas remplacer un profil avec trente ans d'expérience !

Bien sûr, il pourrait exister un glissement des postes au sein de l'entreprise, avec un salarié déjà en poste qui prendrait la place du senior. Cependant, les employeurs qui mettent en place des départs anticipés le font parce qu'ils rencontrent des difficultés économiques, ils ne pensent pas recruter au même moment.

Cela s’est vu dans l'aéronautique, où les départs non contraints n'avaient pas vocation à être remplacés par des jeunes dès la rentrée. Ces plans de départs s'inscrivaient dans une logique de réduction des effectifs pour s'ajuster à la forte baisse de l'activité.

De la même façon, baisser le coût du travail pour favoriser l'insertion professionnelle peut aider mais je ne suis pas sûre que ce soit ce dont les entreprises ont vraiment besoin dans les années à venir. Si vous n'avez pas de commande, pas d'activité, vous n'embaucherez pas même avec des exonérations de cotisations sociales.

Autre spécialiste qui reste dans la même optique :

Stéphane Carcillo, chef de la division "emploi" et spécialiste de l’insertion professionnelle à l’OCDE 

L'emploi n'est pas un gâteau que l'on partage. Le meilleur moyen de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, c'est simplement de créer des emplois, pas de mettre les seniors à la retraite en espérant qu'ils soient remplacés. Il vaut donc mieux soutenir les entreprises dynamiques, porteuses de croissance, que d'essayer de récupérer des postes par un jeu de chaises musicales.

Les Français étaient très partisans de la préretraite puisque lors d’un sondage (hors fonctionnaires) de BFM ils étaient 6 sur 10 à vouloir partir en préretraite à 55 ans. Résultat surprenant pour un pays qui dispose déjà de l'âge légal de départ à la retraite le plus bas du monde, depuis son recul à 60 ans.

Ci-dessous un tableau qui vous indique le nombre préretraités qui est monté jusqu’à 232.637 en 1996

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En 1997, Jacques Chirac s’est exprimé par trois fois avec une certaine virulence et s’est cru obligé de charger sabre au clair contre ce slogan moulin à vent.

« Il ne faut pas oublier les réalités économiques et démographiques du monde actuel . C'est un message de bon sens que tout Français peut comprendre. Dans les pays de l'OCDE, un " baby-boomer " passe le cap de la cinquantaine toutes les minutes, et dans dix ans c'est la soixantaine que cette génération franchira. Depuis 1981, les retraités augmentent en France plus vite que toute autre catégorie socioprofessionnelle. En 2025, plus d'un quart de la population française aura dépassé l'âge actuel de la retraite et à peine un quart aura moins de 20 ans. Actuellement deux actifs et demi financent un retraité. Mais il faudrait allonger la durée de la vie active jusqu'à 69 ans en 2015 pour réussir à stabiliser ce rapport ».

Toutes ces données sont connues depuis la publication d'un livre blanc par le gouvernement de Michel Rocard. Elles ont justifié la réforme adoptée par Edouard Balladur dès sa nomination à Matignon, en 1993. D'ici quelques années, le dispositif balladurien aura pourtant pour conséquence de reculer mécaniquement l'âge auquel les salariés du privé pourront partir à la retraite avec la plénitude de leurs droits. Après 2005, quand la réalité démographique brandie par l'Elysée sera passée par là. En 1970, 75 % des 55-64 ans travaillaient ; ce chiffre est tombé à 38,7 % en 1995.

Pour compléter, un rapport de l’OCDE en 2012 nous indiquait qu’en France la vie professionnelle tendait de plus en plus à s'arrêter dès 55 ans : huit Français sur dix sont actifs avant cet âge, moins de six sur dix le restent encore après. Entre 1981 et 1995, les plus de 60 ans ont augmenté de 25 % alors que le nombre des retraités bondissait de 45 %. Prendre sa retraite à l'âge légal commençait à relever de l'exploit : tous les liquidateurs de pensions savaient que près de deux sur trois des nouveaux retraités n'exerçaient plus aucune activité lorsqu'ils font valoir leurs droits à 60 ans.

Et en plus pour noircir le tableau, il y avait 441 000 retraités " précoces " issus du secteur public.

Les finances ne sont pas extensibles et aucun déficit positif ne pourra être réalisé sans augmentation des temps de travail et d’activité. Cela fait déjà 48 années de déficit continu avec une dette qui a dépassé les 3000 milliards d’euros !

Le vise Président du Cercle des économistes a lancé fin décembre 2022 : La France, le pays où l’on travaille le moins. Avant Covid un peu plus de 41 milliards d’heures travaillées en France soit 610 heures par habitant ou 3 mois et 16 jours par an. Belgique 625 h, Italie 670, Danemark 684, Norvège, Allemagne, Espagne + de 700 h, Pays-Bas, Grèce, Finlande, Autriche près de 750 h et plus loin, Suède, Irlande Portugal et la Suisse où l’on travaille entre 800 et 900 heures par an. La France est vraiment en queue de peloton.

En plus de cela, il y a 52% de salariés qui partent avant 60 ans, ce qui grève fortement les finances des caisses

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Et en plus de tout cela, la durée de vie pousse à la roue, 7h de plus chaque jour :

100 centenaires en 1900, 23.000 aujourd’hui et 270.000 prévus en 2070. Ils seront pour certains plus longtemps en retraite qu’au travail !!!

Qui va payer ? Sans changement d’orientation c’est la faillite !

Heureusement, la retraite à 64 ans après 2030 va nous faire gagner 120 milliards dans l’économie par année, contre les 23,5 milliards au total annoncés par le gouvernement. (Dommage que la durée de 8 années soit trop longue)

Car il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que les entrées dans les caisses, le détail :

  • Rentrées de cotisations salariées
  • Cotisations entreprises
  • Retraites en moins à payer
  • Impôts en plus qui rentrent
  • Consommation supplémentaire donc TVA en plus
  • Soit 60 milliards par année rien que pour les salariés du privé.

Pour les 100.000 départs de la fonction publique on peut estimer que le coût pour l’état sera nul, car payer 2 années de salaires en plus et 2 années de retraites en moins, charges, impôts, TVA, l’opération sera près de zéro.

En 1945 Il ne faut pas oublier qu’il y avait 6 salariés pour un retraité, aujourd’hui c’est 1,4 pour un.

La durée de vie était de 60 ans, la durée de travail avoisinait les 50 heures semaine, les départs en retraite à 65 ans, y compris pour tous les travaux pénibles, sales, polluants bien plus difficiles qu’aujourd’hui.

Et pourtant presque tous les salariés se plaignent aujourd’hui de la pénibilité, de la durée d’activité, de ne pas pouvoir « tenir jusqu’à 64 ans !!! Comment fout les salariés des autres pays partant à 67 ans ? Sont-ils plus solides ou les français plus « fatigués ». Moins on en fait moins on veut en faire !

Un grand nombre d’emplois commençaient à 14 ans, soit une durée d’activité de 51 années. Le pourquoi des retraites plus importantes : plus de durée par semaine et surtout sur la durée de vie.

Alors demandez aux retraités de payer pour les plus jeunes alors qu’ils ont beaucoup plus travaillés, comme certains députés et parlementaires le demandent, c’est se moquer des anciens qui ont contribué financièrement en son temps à la prospérité de la France.

www.danielmoinier.fr

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

3 commentaires on «Un adage semble encore très présent « Supprimer » des seniors, il y aura plus de place pour les jeunes ?»

  • wyse

    Supprimez les jeunes, il y aura moins de vieux après
    (dans le même genre de conneries).

    Répondre
  • Deligny

    Lorsque l’espèce dite humaine se sera auto-détruite, le problème des retraites n’existera plus.
    A force de biberonner les citoyens avec des aides, des subventions, des chèques, des cadeaux, des exemptions en tous genres, l’Etat en a fait des oies gavées et incapables de se bouger.

    Répondre
  • EricD

    Cet article est d’une hallucinante bêtise, un argumentaire gouvernemental populiste. Où est parti l’argent gagné sur le dos des salariés ?…dans le CAC40…c’est donc là qu’il faut aller le chercher. Opposer le progrès social qu représente les départs tôt à la retraite, aux pays qui font décéder les vieux en les forçant au travail ( en faisant croire que ces derniers y sont heureux ), est bien représentatif de cette pensée ultra-libérale qui prend les salariés pour les esclaves du capitalisme et répand des mensonges d’une autre époque. Et n’en déplaise à certains le progrès c’est bien de libérer l’homme du travail, et non pas de s’enrichir sur le dos de ceux qui créent la richesse.

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