Que faire pour débloquer la réforme des retraites ? Tout simplement, passer du projet d’ajustement paramétrique, que des pense-petit essayent de faire passer pour une réforme, à la réalisation d’un véritable aggiornamento de notre système de retraites.
Retraites : La réformette ne marche pas, osons une vraie réforme !
Je rouspète, donc je suis
Obtenir, à force de grèves et de manifestations, que ne soit guère augmenté le nombre de trimestres requis pour liquider une pension à taux plein, cela suffit pour satisfaire des syndicalistes désireux de prouver leur existence et leur pouvoir, mais ce n’est pas ce dont la France a besoin pour disposer d’un système de retraites digne d’un grand pays. Nos syndicalistes, comme nos femmes et hommes politiques, ne connaissent pas grand-chose à l’économie des retraites dites « par répartition ». De ce fait, leurs revendications se limitent à réclamer des « plus » quantitatifs : des retraites plus longues et des pensions plus élevées. Descendre dans la rue pour obtenir satisfaction au détriment de la bonne marche du pays, voilà ce qu’ils font, faute de savoir demander une réforme intelligente. Pauvres gens qui manifestent et qui se mettent en grève faute d’avoir des dirigeants capables de réaliser les réformes dont le pays aurait besoin – à commencer par celle des retraites !
Le vrai fonctionnement des retraites
Comment prépare-t-on les retraites ? Nos législateurs ont inscrit dans les tables de la loi que c’est en payant les pensions de nos « anciens ». Mais c’est ridicule ! Les cotisations versées en 2023 pour les pensions perçues par les hommes et les femmes ayant « liquidé leurs droits à retraite » ne servent en rien, réellement, à préparer les pensions futures. Le droit positif, qui lie les droits à pension aux cotisations versées au profit des retraités, est une faribole : en quoi ces cotisations servent-elles, réellement, à préparer les pensions à venir ?
Comme Alfred Sauvy le disait, « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants ». En disposant que les cotisations versées par les actifs au profit des retraités peuvent, « en même temps », préparer les retraites des cotisants, le législateur a commis une erreur monumentale. « On ne peut pas être et avoir été », dit la sagesse des nations. Les cotisations retraites versées aux caisses de retraites en 2023 servent à payer les pensions liquidées, il est impossible qu’elles soient « en même temps » mises en réserve à l’intention des cotisants qui comptent sur une retraite future.
L’attente des assurés sociaux – percevoir une rente viagère dans quelques mois, ou années, ou décennies – ne sera pas comblée grâce à ces versements, qui auront, en majeure partie, été dépensés au fil des jours par les retraités. Elle le sera grâce aux cotisations à venir. Et pour ces cotisations futures, sur qui compte-t-on ? Sur des actifs, qui auront été mis au monde puis formés durant des années – au moins 15 ou 16, dans les pays développés, mais souvent 20 et parfois 25. Les retraites fonctionnent toutes par capitalisation, la spécificité des retraites dites « par répartition » étant qu’elles s’appuient sur le capital humain.
Transformer un droit absurde en un droit réaliste
Nous avons donc compris que les cotisations de retraite ne préparent pas les pensions, mais apurent la dette que les actifs ont contracté du temps où, enfants puis adolescents, ils bénéficiaient des apports réalisés à leur profit par leurs aînés. Le problème est que le législateur a mis en place un droit abracadabrantesque qui ne correspond nullement à la réalité économique. Il fait comme si les cotisations de retraite servaient à préparer les pensions futures. En fait, la préparation des retraites consiste à mettre au monde des enfants, à les entretenir, les éduquer, financer leur formation scolaire puis professionnelle, ce qui constitue un formidable investissement dans le capital humain, mais la législation ne tient pas compte de cette réalité. En attribuant les droits à pension en raison et au prorata des cotisations versées pour « les vieux », le législateur a commis une bêtise de première grandeur. Le droit a divorcé d’avec la réalité !
Ce qu’il faut faire pour « corriger le tir » est une véritable révolution, puisque l’actuelle législation des retraites s’appuie sur un préjugé stupide. Il convient d’admettre qu’en cotisant au profit de leurs aînés, les actifs ne préparent pas leur pension, mais remboursent ce que les dits aînés leur ont apporté. Symétriquement, l’investissement dans la jeunesse, actuellement « oublié » par le législateur, doit être pris comme base de l’attribution des droits à pension, puisque c’est lui qui, de facto, prépare lesdites pensions.
La rationalité économique doit servir de base au droit positif. Nous ne pouvons pas persévérer dans la confusion intellectuelle actuelle qui attribue les droits à pension en raison et au prorata de ce qui est prélevé sur les actifs au profit des retraités. Il faut mettre fin à cette combine de politiciens désireux d’adoucir la pilule amère que constituent les prélèvements en faveur des « vieux ». Les adultes sont redevables à leurs aînés qui ont pourvu à leurs besoins et à leur formation : cet investissement mérite de déboucher sur des droits à pensions, il n'y a aucune raison valable pour déguiser la réalité, pour maintenir les lois aussi injustes que stupides qui assimilent les cotisations vieillesse à un investissement producteur de droits. Il est grand temps de reconnaître la sagesse de Sauvy et d’attribuer les droits à pension au prorata des investissements réalisés dans la jeunesse.