Dans Valeurs actuelles du 9 février, Marie de Greef-Madelin et Frédéric Paya suggéraient au Gouvernement, comme axe de la réforme des retraites, de « replacer la famille et la natalité au cœur de sa politique ». Bravo ! Hélas, le projet gouvernemental consiste seulement à créer un réglage paramétrique augmentant l’âge légal de départ, en quelques étapes, de 62 ans à 64 ans.
Retraites : des idées courtes
On se demande bien pourquoi un tel ajustement, qui n’est pas, à proprement parler, une réforme, relèverait d’une décision politique du plus haut niveau – un texte de loi : il serait logique qu’elle soit prise par un gestionnaire agissant dans le cadre de sa mission, et non par le corps législatif. En revanche, il serait souhaitable de modifier la législation des retraites dites « par répartition » afin que de tels ajustements paramétriques ne soient plus déguisés, à l’avenir, en décisions législatives, et que le véritable fonctionnement des retraites soit enfin précisé par une loi reconnaissant le principe énoncé jadis par Alfred Sauvy : « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants ».
La loi méconnait le vrai fonctionnement des retraites
L’actuelle législation des pensions de retraite est déconnectée de la réalité. Elle dispose en effet que les droits à pension doivent être attribués en raison des cotisations versées par les actifs au profit des retraités. Or ces cotisations sont rapidement transmises aux retraités sous forme de pensions : n’ayant pas le don d’ubiquité, elles ne préparent nullement les pensions futures. Ce qui prépare les pensions qui seront versées dans dix ou vingt ans, c’est l’investissement dans la jeunesse, la mise au monde et l’éducation des futurs cotisants.
Le législateur a donc mis en place une règle absurde, véritable injure à la rationalité, selon laquelle cotiser pour que les retraités actuels perçoivent chaque mois ce qui leur a été promis devrait conférer des droits à pension aux cotisants sur les futurs actifs ! Il est pourtant clair qu’en effectuant des versements destinés aux retraités, les actifs ne préparent pas une génération nouvelle, capable, une fois sa formation achevée, de produire par son travail suffisamment pour procéder au remboursement progressif, sous forme de pensions, de la génération précédente. Ces cotisations ont comme seule fonction de procurer des revenus aux retraités ; cela ne constitue pas un investissement donnant un contenu réel aux droits à pension.
Le bon sens loin de chez nous
Autrement dit, le législateur s’est pris les pieds dans le tapis, il n’a rien compris – ou rien voulu comprendre. Les versements de cotisations qui, de facto, sont des remboursements effectués au profit des aînés, sont assimilées, sans le moindre bon sens, à des investissements préparant les futures retraites. Evidemment, il existe un investissement qui prépare réellement ces futures retraites : c’est l’entretien et l’éducation des enfants et adolescents qui, une fois adultes, vont se transformer en cotisants. Il serait équitable et logique que cet investissement procure des droits à pension à ceux qui, en le réalisant, rendent possible le fonctionnement des retraites dites par répartition. Ce vocabulaire, « répartition », est une dénomination bien malheureuse qui dissimule la réalité, à savoir le rôle du capital humain.
Résumons : en vrai, les actifs préparent leurs futures pensions quand ils mettent des enfants au monde, les entretiennent et les éduquent ; mais selon la loi, ce sont les cotisations versées pour l’entretien des retraités actuels qui prépareraient les retraites des cotisants. Cela ne tient pas debout, le législateur s’est magnifiquement planté, il se moque de nous ! Quand il entend « réformer les retraites », comme c’est le cas actuellement, il ne tient aucun compte de la réalité, il s’enferme dans le corpus législatif existant, et prend des décisions absurdes. Quel gâchis !
En matière de retraites, la loi est foncièrement mauvaise pour la natalité : changeons-là vraiment !
Il existe deux manières de légiférer face à la situation calamiteuse de nos régimes de retraites par répartition : celle du gouvernement, et la bonne. La première consiste à augmenter l’âge légal de départ en retraite ou le nombre de trimestres requis pour avoir droit au « taux plein » ; la seconde mise sur la propension à donner la vie des françaises et des français si cela ne réduit pas trop leur niveau de vie et ne complique pas trop leur vie quotidienne. Supposons un instant – on peut rêver – que les dirigeants de notre pays veuillent s’orienter vers des dispositifs favorables à la natalité : lesquels choisir ?
En premier lieu, une réforme juste et intelligente du mode d’attribution des droits à pension. Actuellement, c’est le travail professionnel qui ouvre de tels droits dans le régime dit « par répartition ». Certes, ce travail, ou plus exactement une fraction des cotisations et impôts ou autres prélèvements auxquels il est soumis, contribue à la natalité : imaginons ce qui se passerait si l’enseignement cessait d’être quasiment gratuit, c’est-à-dire financé par l’impôt ! Mais nous pourrions aller beaucoup plus loin : faire dépendre les droits à pension non plus des cotisations vieillesse, mais du versement d’une cotisation jeunesse qui financerait une grosse partie de l’éducation des enfants et, bien entendu, de leur scolarité.
Une telle proposition peut paraître délirante ; pourtant, en réalité, c’est la situation actuelle qui a ce défaut ! Les cotisations versées aux caisses de retraite, dépensées au profit des retraités au fur et à mesure de leur encaissement, n’ont aucune raison d’ouvrir des droits à pension. Un formatage institutionnel des mentalités nous a conduit à prendre pour une évidence que le paiement de cotisations vieillesse doit ouvrir des droits à pension, mais c’est ridicule ! En cotisant pour les « aînés », les actifs ne font que s’acquitter de la dette qu’ils ont implicitement contractée pendant leur enfance et leur jeunesse, années durant lesquelles ils ont beaucoup reçu des dits « aînés ». Il n’existe donc aucune raison valable pour rendre productrices de droits à pension les cotisations versées au profit des dits aînés. Nous sommes là en présence de lois et de règlements sans rapport ni avec la logique ni avec l’équité. La copie du législateur est à revoir de A à Z, dirait un maître d’école !