Retraites : le coût caché de la réforme pour les entreprises

La loi portant réforme des retraites adoptée en faisant usage de l’art.49-3 de la Constitution le 16 mars dernier provoque une forte contestation sociale. L’opposition s’exprime pour demander son retrait notamment en raison de deux points de blocage majeurs : le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation à 172 trimestres soit 43 annuités pour les générations à partir de 1965.

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Par François Leduc Publié le 30 août 2023 à 4h30
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Retraites : le coût caché de la réforme pour les entreprises - © Economie Matin
55,8%Les femmes représentent 55,8% de l'ensemble des retraités en France.

Pourtant, une réforme de notre système de retraites est indispensable. Mais pas celle-ci.

La nécessité de revoir notre système est évidente. A l’origine, en 1947, le régime avait été conçu avec un départ prévu à 65 ans, à raison de 4 actifs pour un retraité. Aujourd’hui, c’est 1,7 actif tout au plus et les projections les plus optimistes prévoient que ce chiffre tombe à 1,3 en 2030. De surcroît, en 1947, l’espérance de vie d’un homme à 65 ans était tout au plus de 12 ans. Aujourd’hui, et c’est heureux, elle dépasse 20 ans. En conséquence, les prévisions du COR (Conseil d’Orientation des Retraites, rapport annuel de septembre 2022) donnent un déficit des régimes actuels à hauteur de 21 milliards en 2035, auxquels il y a lieu d’ajouter les 30 milliards des régimes spéciaux portés par l’Etat.

Mais contrairement au projet de réforme de 2019 porté par Jean-Paul Delevoye, l’actuel - parce que seulement paramétrique -, n’aurait au final que très peu d’effets, et ce au détriment des entreprises et de leurs directions des ressources humaines.

D’après les chiffres de la DARES dans son étude publiée le 12 janvier 2023, les salariés de 55 à 64 ans représentent 56% de la masse salariale totale en France en 2021. Or, l’étude d’impact du projet de loi publiée le 23 janvier dernier révèle que le taux d’emploi des personnes âgées de 60 à 64 ans serait augmenté par l’effet de la réforme de 2 points dès 2025 et 6 points à partir de 2030. Pourtant, sans mesures incitatives suffisantes de maintien des salariés de cette tranche d’âge dans les entreprises, le report de l’âge de départ ne ferait qu’augmenter le nombre de personnes ni en emploi, ni en retraite. Des mesures de maintien des seniors dans l’emploi sont prévues dans la réforme Borne de 2023 (comme le CDI sénior, ou l’index sénior…) mais en effet pas suffisamment notamment pour les salariés soumis à pénibilité ou rentrant dans le cadre des « carrières longues » (reclassement, conversion…).

Mais au-delà de la réflexion nécessaire sur l’employabilité des seniors, le report de l’âge légal de départ à la retraite pourrait engendrer pour les entreprises des coûts qui sont trop peu évoqués.

De fait, en n’adressant pas tous les sujets liés à la protection sociale (santé, accidents du travail, maladies professionnelles et chômage), cette réforme n’apporterait aucune solution à terme à la soutenabilité de notre système de protection sociale. Pour preuve, la précédente réforme des retraites -en 2010- portant l’âge légal de 60 à 62 ans a montré que l’augmentation d’un an de l’âge moyen dans les entreprises a contribué à faire croître la sinistralité en prévoyance d’environ 10 points, le nombre d’arrêts de travail longue durée et le risque de décès augmentant, selon le Centre d’études de l’emploi et du travail du CNAM (Février 2023).

La conséquence immédiate d’une telle réforme sur les contrats prévoyance serait une hausse significative du tarif des couvertures pour les entreprises (sans compter la part salariale des cotisations) en cas d’arrêt de travail du fait d’une durée de service plus longue et de la traduction mécanique du recul de l’âge de départ à la retraite par une extension de deux années des rentes d’invalidité versées par les assureurs. Cette extension nécessiterait un niveau de provisionnement des assureurs plus important à la fois pour les invalidités en cours et à prévoir, et pour les incapacités en cours et à prévoir. A ces coûts structurels en hausse serait donc associée notamment une augmentation des tarifs à terme, particulièrement en prévoyance collective, en raison de la hausse de la moyenne d’âge des salariés et donc du niveau de risque plus élevé.

Au total, et si l’on se base sur les dérives observées lors de la dernière réforme des retraites ayant relevé l’âge de départ à la retraite, l’impact du passage de 62 à 64 ans sur le budget Protection Sociale Complémentaire des entreprises pourrait induire plus de 15% de hausse de celui-ci. Ceci viendrait s’ajouter inopportunément à une inflation des coûts, que l’on peut certes estimer conjoncturelle.

A cet égard, et pour cette année, la Banque de France prévoit une inflation comprise entre 4 % et 7 % traduisant une augmentation des dépenses des entreprises - achat de matières premières, énergie ou encore transport. Dans ce contexte, la réforme des retraites et ses coûts cachés pourrait bien alourdir une facture déjà conséquente pour les employeurs.

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Fleduc Hd ©x.renauld

Directeur Général délégué du groupe Verspieren.

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