Retraite : l’avantage fiscal du PER visé par la Cour des Comptes

Le 7 novembre 2024, la Cour des comptes a publié un rapport détaillé remettant en question l’avantage fiscal accordé au Plan d’Épargne Retraite (PER), soulignant des coûts élevés pour l’État et un bénéfice concentré sur les ménages les plus aisés.

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 8 novembre 2024 à 6h30
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1,8 MILLIARD €En 2022, l'avantage fiscal associé aux cotisations versées sur le PER a représenté un manque à gagner de 1,8 milliard d'euros pour l'État.

Retraite : le PER, un bon plan d'optimisation fiscale ?

Le Plan d'Épargne Retraite (PER) est un dispositif introduit en 2019 dans le cadre de la loi Pacte, visant à harmoniser les produits d'épargne retraite existants et à stimuler l'épargne à long terme. Il permet aux épargnants de cotiser tout au long de leur vie active pour obtenir un complément de revenu à la retraite. Le principal attrait du PER réside dans la déduction fiscale des cotisations, qui réduit le revenu imposable de l’épargnant et, par conséquent, le montant de l'impôt sur le revenu.

Cette déduction fiscale est particulièrement avantageuse pour les contribuables des tranches supérieures de l'impôt, car elle leur permet de bénéficier d'une économie importante sur leur dû. Par exemple, un contribuable dans la tranche marginale d'imposition de 41 % peut déduire 1 000 euros versés sur un PER, ce qui équivaut à une réduction d'impôt de 410 euros.

Chiffres clés :

  • Montant total des cotisations en 2022 : 18,5 milliards d'euros.
  • Encours global des PER en 2022 : 292,7 milliards d'euros.
  • Pourcentage des actifs possédant un PER : 13 % pour un PER d'entreprise, 10 % pour un PER individuel.

« La France étant dotée d’un système de retraite obligatoire par répartition, le poids de la retraite par capitalisation reste cependant modeste : l’épargne retraite ne représentait en 2022 que 5,1 % des cotisations retraite et 2,3 % des prestations servies. Environ 13 % des actifs occupés détiennent un plan d’épargne retraite (PER) d’entreprise et 10 % un produit individuel, étant précisé qu’il est possible de détenir les deux. »

Le PER est vivement critiqué par la Cour des Comptes

Dans son rapport, la Cour des comptes met en lumière plusieurs aspects problématiques du dispositif actuel :

  1. Coût élevé pour les finances publiques : En 2022, l'avantage fiscal associé aux cotisations versées sur le PER a représenté un manque à gagner de 1,8 milliard d'euros pour l'État. Ce coût est jugé disproportionné par rapport à l'impact relativement limité de l'épargne retraite sur le système global des retraites, car elle ne représente que 5,1 % des cotisations et 2,3 % des prestations.
  2. Utilisation par les ménages aisés : La Cour des comptes souligne que le PER est principalement utilisé par des ménages à revenu élevé, qui cherchent à optimiser leur fiscalité. Ainsi, le dispositif profite peu aux contribuables à revenu modeste, pour lesquels la déductibilité fiscale a un impact moindre, voire nul, en raison de leur faible taux d'imposition. « La répartition des 5,536 millions d’adhérents aux dispositifs individuels et des 10,5 millions à des contrats collectifs d’entreprise montre que ces dispositifs sont plutôt réservés aux catégories socio - professionnelles aisées, aux épargnants âgés et aux contribuables soumis à des taux d’imposition élevés ».
  3. Frais de gestion et transparence : La Cour critique le manque de transparence et l'accumulation des frais de gestion qui érodent l'avantage fiscal pour les épargnants. Ceux-ci voient parfois leur économie d'impôt captée par les frais, ce qui réduit l'efficacité du PER comme outil d'épargne.

    « Un resserrement de ce régime serait souhaitable, de manière à éviter certains excès qui détournent les dispositifs de leur fonction de préparation de la retraite », affirme la Cour des comptes.

Les réformes proposées par la Cour des comptes

Pour remédier aux problèmes identifiés, la Cour des comptes propose plusieurs axes de réforme :

  1. Limitation des déductions fiscales :
    • Plafonnement renforcé : Instaurer un plafond plus strict sur la déductibilité des cotisations, réduisant l'attrait pour les contribuables les plus aisés.
    • Modulation selon les revenus : Mettre en place une déduction fiscale dégressive, plus avantageuse pour les épargnants aux revenus modestes et moins pour les hauts revenus.
  2. Redirection des fonds vers l'économie réelle :
    • Investissement ciblé : Inciter les gestionnaires de PER à orienter les fonds vers des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des PME, en réponse à la loi Industrie Verte de 2023 qui encourage le soutien à l'industrie locale.
    • Diversification des placements : Promouvoir des investissements qui financent des projets d’infrastructure ou de transition énergétique.
  3. Amélioration de la transparence des frais :
    • Exiger une meilleure communication des frais de gestion pour permettre aux épargnants de mieux comprendre l'impact de ces coûts sur leur épargne.
Aspect Actuel Proposition de la Cour des comptes
Avantage fiscal (impact) Réduction jusqu'à 45 % Plafonnement renforcé, modulation selon revenu
Utilisation des fonds Majoritairement placements privés Davantage dirigé vers PME/ETI
Transparence des frais Modérée Transparence accrue et limites des frais

Le PER est-il réellement menacé ?

La mise en œuvre des réformes proposées par la Cour des comptes pourrait avoir des répercussions multiples sur les épargnants et l'économie :

  1. Diminution de l'attractivité pour les hauts revenus : La réduction de l'avantage fiscal pourrait entraîner un désintérêt de la part des contribuables dans les tranches supérieures, qui pourraient se tourner vers d'autres produits d'épargne ou investissements offrant des bénéfices fiscaux comparables.
  2. Réallocation des ressources : Si les fonds des PER sont davantage orientés vers l'économie réelle, cela pourrait renforcer le financement des PME et soutenir l'innovation et la croissance. Selon des études économiques, une augmentation de 10 % des investissements dirigés vers les PME pourrait accroître le PIB de 0,5 % sur 5 ans.

Plan épargne retraite : l'enjeu de la transparence et des frais de gestion

La Cour des comptes a également souligné l'importance de la transparence dans la gestion des frais. Actuellement, les frais peuvent atteindre 1 % à 3 % de l'encours par an, diminuant de façon significative la rentabilité pour l'épargnant. Une meilleure information et des plafonds sur ces frais permettraient de maximiser l'efficacité du dispositif.

Données supplémentaires sur les frais :

  • Frais moyens des PER : Environ 2 % par an.
  • Part de l'avantage fiscal absorbée par les frais : Jusqu'à 30 % selon certaines analyses, réduisant l'intérêt global pour l'épargnant.

Alors que le dispositif vise à préparer les épargnants pour la retraite, il est aujourd'hui perçu comme un instrument de défiscalisation profitant surtout aux ménages aisés. Les propositions de réforme visent à rendre le PER plus équitable et à optimiser l'usage des fonds dans l'économie réelle.

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Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint Après son Master de Philosophie, s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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