François Bayrou ferme la porte à un retour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, provoquant une levée de boucliers chez les syndicats et dans l’opposition. Pendant ce temps, Éric Lombard, ministre de l’Économie, prône une approche différente. Vers une nouvelle crise politique majeure en France ?
Retraites : passe-d’armes entre Bayrou et Lombard sur le retour aux 62 ans
Dimanche 16 mars 2025, François Bayrou a tranché : un retour à la retraite à 62 ans est hors de question. Invité sur France Inter, le Premier ministre a mis fin aux spéculations sur une possible révision de la réforme adoptée en 2023. Ses déclarations ont provoqué une réaction immédiate des syndicats et de l’opposition, qui dénoncent un revirement politique. Dans le même temps, Éric Lombard, ministre de l'Économie, défend une autre vision et estime que la question relève des partenaires sociaux. Deux visions s’affrontent, révélant une tension interne au sein du gouvernement.
Bayrou ferme la porte aux 62 ans malgré les annonces du gouvernement
Dans un entretien accordé à France Inter le 16 mars 2025, François Bayrou a été catégorique : "Non", a-t-il répondu sans détour lorsqu'on lui a demandé s'il était envisageable de revenir à 62 ans comme âge légal de départ à la retraite. Cette déclaration tranche avec ses propos tenus en janvier 2025, lorsqu'il affirmait que "toutes les options étaient sur la table" dans le cadre du conclave sur les retraites.
La justification du chef du gouvernement ? Le contexte international et la nécessité d’un équilibre budgétaire. Selon lui, l’économie française ne peut pas supporter un retour aux 62 ans sans mettre en péril les finances publiques. Une prise de position qui provoque l’ire des syndicats. Denis Gravouil, négociateur de la CGT, dénonce un revirement inadmissible : « Maintenant, il referme la porte complètement. C'est totalement une trahison de la parole donnée aux organisations syndicales, dont la nôtre, et aux parlementaires. »
Du côté de la CFDT, le ton est tout aussi acerbe. Yvan Ricordeau, secrétaire adjoint, s’interroge sur la cohérence du gouvernement : "c’est le même Premier ministre qui a décidé d’un conclave ou tous les sujets seraient ouverts, y compris l’âge de départ à la retraite. Il a ensuite clairement indiqué vouloir laisser la main aux partenaires sociaux. Il se contredit donc deux fois au risque de torpiller les discussions."
Éric Lombard prend ses distances : une fracture politique au sein du gouvernement ?
Pendant que François Bayrou adopte une position inflexible, Éric Lombard, ministre de l'Économie, se distingue par une approche plus conciliante. Pour lui, la réforme ne doit pas être dictée uniquement par le gouvernement : « C’est aux partenaires sociaux de décider ». (BFMTV, 16 mars 2025).
Cette déclaration sonne comme un désaveu partiel de la ligne défendue par Bayrou. Pour le ministre de l’Économie, toute modification du système doit être discutée dans le cadre du dialogue social, et non imposée par le sommet de l’État.
Cette passe d’armes dévoile une tension interne au sein du gouvernement. Si Bayrou défend un cap économique strict, Lombard privilégie un processus plus souple, ouvert à la négociation. Certains y voient un début de fracture politique, voire un enjeu stratégique en vue des prochaines élections présidentielles de 2027.
Un débat qui relance la bataille politique
Les déclarations de Bayrou ne passent pas inaperçues dans l’opposition. Jean-Luc Mélenchon (LFI), furieux, parle de "foutage de gueule" et accuse le Premier ministre de trahir la parole donnée aux Français.
De son côté, le Rassemblement National voit dans cette déclaration une preuve supplémentaire de la déconnexion du gouvernement avec les attentes populaires. Sébastien Chenu, député RN du Nord, estime que "on a toujours considéré que l'on censurerait quand on devrait censurer sur le motif qui nous paraîtrait important", menaçant ainsi le Premier ministre.
L’ambiance est tout aussi électrique à gauche. Jérôme Guedj (PS) rappelle que "Mardi dernier, quand j'interroge sur le devenir du conclave, Catherine Vautrin répond : 'en aucun cas le gouvernement ne va interférer avec le travail du conclave. ", avant de finalement revenir sur sa promesse.
Une crise politique en vue ?
Cette polémique illustre une crise de confiance entre le gouvernement, les partenaires sociaux et l'opinion publique. D’un côté, François Bayrou ferme la porte à une révision de la réforme, provoquant une onde de choc syndicale et politique. De l’autre, Éric Lombard défend une approche plus ouverte, créant une ligne de fracture au sein de l’exécutif.
Toujours minoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat, le parti présidentiel continue de se fracturer. De quoi recréer une certaine instabilité politique à quelques mois seulement de l’échéance des 1 an de la dissolution. La France court-elle droit vers une nouvelle dissolution à l’été 2025 ?