La taxe d’habitation, autrefois l’une des principales sources de financement pour les collectivités locales en France, pourrait bien faire son retour, provoquant un débat aussi vif que son abolition. Sa suppression progressive, décidée sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, avait pour but d’alléger le fardeau fiscal des Français. Cependant, l’État se trouve aujourd’hui en difficulté pour compenser cette perte de 20 milliards d’euros par an, et certaines voix politiques plaident pour sa réintroduction.
Le retour inévitable de la taxe d’habitation : la double peine
Une réintroduction sous conditions
L'idée d'un retour de la taxe d'habitation revient de plus en plus fréquemment dans les débats publics. Elle est notamment portée par des élus de gauche comme David Guiraud (LFI), qui soutiennent que cet impôt pourrait permettre de rééquilibrer les finances publiques et locales, tout en prenant en compte la capacité contributive des ménages. Jean-François Copé, maire LR de Meaux, va même plus loin en affirmant qu'il serait nécessaire de recréer cet impôt pour résoudre les tensions budgétaires des collectivités locales.
Les récents rapports de la Cour des comptes ont souligné une augmentation des déficits des collectivités, en raison des nouvelles charges sans compensation suffisante. Nicolas Lacroix, président du Conseil départemental de la Haute-Marne, met en lumière la situation de crise que traversent 60 départements français incapables de boucler leurs budgets pour 2024 et 2025. « L'État doit comprendre qu'il ne peut plus asphyxier les collectivités en pensant que nous ne réagirons pas », prévient-il. Ces départements appellent à des solutions immédiates, et le retour de la taxe d’habitation semble, pour certains élus, une option incontournable pour maintenir les services publics locaux.
Cependant, du côté du gouvernement, l'idée d'un rétablissement de cet impôt pour tous les contribuables est catégoriquement rejetée. Bercy a rappelé que la suppression de la taxe d'habitation avait été compensée et qu'il n'était pas dans les intentions de l'État de faire marche arrière sur cette réforme.
La taxe foncière en hausse : une compensation cachée
Si la taxe d'habitation venait à être réintroduite, elle s’ajouterait à une autre réalité fiscale : l’augmentation marquée de la taxe foncière. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, les propriétaires ont vu cette taxe augmenter de manière substantielle. Selon les dernières données, dans certaines grandes villes comme Paris, Lyon et Bordeaux, la hausse a atteint jusqu'à 60 % en 2024. Cette situation a suscité un vif mécontentement parmi les propriétaires immobiliers, qui redoutent une nouvelle pression fiscale si la taxe d’habitation venait à s’ajouter à la taxe foncière déjà alourdie.
Or, il est peu probable que le retour de la taxe d'habitation entraîne une baisse de la taxe foncière. En effet, une fois un impôt introduit, son augmentation semble inévitable à mesure que les besoins budgétaires de l’État se multiplient. Dès lors, ce potentiel retour de la taxe d'habitation démontre qu'en matière fiscale, la suppression d'un impôt est souvent éphémère, alors que les augmentations sont bien plus durables. L'État, incapable de réduire ses dépenses de manière significative, cherche systématiquement de nouvelles sources de revenus. Et ce sont souvent les classes moyennes qui en font les frais.
Une solution impopulaire mais inévitable ?
Les défenseurs du retour de la taxe d'habitation soutiennent que cet impôt local pourrait être modifié pour tenir compte des revenus des ménages, à l’image de ce que proposait initialement la réforme fiscale de Macron. Toutefois, cette option divise les élus, certains plaidant pour une simple réintroduction sur les résidences secondaires, d'autres pour une version plus progressive affectant principalement les foyers les plus aisés. Les opposants, eux, soulignent que les propriétaires français n’ont jamais été aussi lourdement taxés, et que ce retour ne ferait qu’aggraver leur situation financière.
Aucune de ces solutions ne satisfait les Français. En effet, si l'Etat n'est pas un exemple de sobriété et de gestion vertueuse, force est de constater que beaucoup de collectivités locales n'ont rien à lui envier. Ainsi, certaines dépenses faites par les collectivités suivent des règles ou des catalogues bien plus onéreux que le marché courant. Les Français s'inquiètent donc d'un possible gaspillage, qui rendrait difficilement audible toute demande de réintroduction de la taxe d'habitation : avant de demander de nouvelles recettes, les collectivités devraient rationaliser leurs dépenses.