Retour aux affaires !

Après une année d’élections mouvementées, les investisseurs peuvent désormais se focaliser sur les fondements des entreprises – et les prévisions sont plus nuancées qu’il n’y paraît.

Joseph V. Amato
Par Joseph V. Amato Publié le 19 novembre 2024 à 5h30
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Retour aux affaires ! - © Economie Matin
2%La BCE comme la FED ont pour objectif une inflation de 2%

Après un processus en apparence interminable et complexe pour désigner le prochain président des États-Unis, nous pouvons à présent nous remettre au travail et nous concentrer à nouveau sur les marchés et l'économie. Le recul marqué de la volatilité des marchés depuis les élections américaines suggère que les investisseurs sont prêts à en faire de même.

Les élections sont importantes, mais les résultats des entreprises le sont encore plus

Bien que nous ayons, comme beaucoup d'autres, passé d'innombrables heures à analyser les impacts de cette élection, il est important de garder en tête que ce sont les résultats des entreprises qui régissent les marchés boursiers, plus que n'importe quel autre facteur.

Bien que Nvidia fasse partie des entreprises qui n'ont pas encore publié leurs résultats, nous approchons de la fin de la saison des résultats du troisième trimestre, et ceux-ci ont été relativement positifs. Les autres grandes capitalisations ont également largement dépassé les prévisions de croissance. Nous observons plus largement de meilleures performances, un thème que nous avons abordé cette année et qui se consolidera en 2025.

La croissance des bénéfices au troisième trimestre confirme la reprise de la hausse des taux d'intérêt entamée en mars 2022. Davantage de secteurs de l'indice S&P 500 ont augmenté leurs bénéfices au cours des 12 mois précédents qu'au troisième trimestre 2023. La croissance globale est maintenue à la hausse par les méga-capitalisations technologiques et tirée vers le bas par les entreprises cycliques, en particulier dans le secteur de l'énergie. Toutefois, la croissance de l'action moyenne s'est rapprochée de celle de l'indice pondéré par la capitalisation au cours de l'année. Nous pensons que cet écart se réduira encore l'année prochaine, avec le retour des valeurs cycliques et la stabilisation de la croissance des méga-capitalisations technologiques.

Les marchés ont besoin de clarté

Certaines propositions de Donald Trump laissent présager de nouvelles annonces de nominations importantes, qui pourraient encore faire bouger les marchés. Cependant, la clarté du résultat, et la confirmation du contrôle du Congrès par les Républicains la semaine dernière, a offert quelques certitudes aux investisseurs. Néanmoins, les bénéfices du troisième trimestre rappellent que le résultat des élections n'est pas la seule raison pour laquelle l'indice S&P 500 a franchi le seuil des 6 000 points la semaine dernière.

Si l'attention se concentre sur le potentiel inflationniste et déficitaire des idées de Trump en matière d'immigration, de commerce et de fiscalité, nous pensons que ces inquiétudes sont surévaluées. Comme l'a écrit Ashok Bhatia, nous pensons que la désinflation et la perspective d'un taux directeur de 4 % sont déjà prises en compte dans les attentes des investisseurs, ce qui permet de déplacer l'attention sur la question de la fiscalité et de la croissance.

Pour les investisseurs en bourse, cela implique d'évaluer les conséquences politiques région par région, secteur par secteur, titre par titre. Nous pensons que cela débutera dès 2025, et notre équipe de recherche sur les actions prévoit qu'il y aura beaucoup de nuances et de complexité à affronter.

Les perspectives du secteur industriel sont mitigées

Prenons l'exemple de l'énergie et de l'électricité. Les gros titres suggèrent que le résultat des élections est positif pour les entreprises de combustibles fossiles et négatif pour les énergies renouvelables et la loi sur la réduction de l'inflation (IRA). Mais l'IRA crée des milliers d'emplois, principalement dans les États gouvernés par les républicains, et les énergies renouvelables restent la solution la plus rapide et la moins chère pour remédier à la pénurie d'électricité aux États-Unis. Le secteur du gaz naturel liquide devrait bénéficier de la levée de la pause sur les permis, et les services pétroliers pourraient profiter d'une hausse de production. Néanmoins, les investisseurs dans le secteur du pétrole et du gaz restent prudents et espèrent que l'augmentation de l'offre ne fera pas baisser les prix.

Des nuances similaires peuvent être observées dans d'autres secteurs.

La surperformance générale des entreprises industrielles, qui suit souvent les victoires des Républicains en anticipant des politiques pro-cycliques et pro-infrastructures, nous semble justifiée, mais là encore, cela implique que les investisseurs ne croient pas à une suppression généralisée des mesures de l'IRA.

Pour les secteurs voisins, des tarifs douaniers élevés pourraient soutenir les secteurs des transports nationaux tels que les chemins de fer et le transport routier, tout en nuisant aux opérateurs transfrontaliers. Les tarifs douaniers augmenteraient également le coût des intrants pour les fabricants automobiles et aérospatiaux. La question de savoir si la baisse des prix de l'énergie, l'assouplissement des réglementations et d'autres mesures favorables à la croissance compenseront ces pressions, dépendra souvent des particularités de chaque entreprise.

Une demande plus forte en équipements industriels se répercuterait sur le secteur des semi-conducteurs, mais on ignore encore comment l'approche « America First » de Trump pourrait affecter les financements existants au titre du CHIPS and Science Act (loi fédérale américaine promulguée en 2022 visant à stimuler la compétitivité, l'innovation et la sécurité nationale des États-Unis en matière de semi-conducteurs). Le retrait de la réglementation antitrust de l'administration précédente devrait profiter au secteur technologique en général, mais l'exposition élevée à la Chine et les tarifs douaniers risquent de devenir des facteurs de plus en plus importants pour le commerce de détail et la technologie.

Pour le secteur de la santé, il existe un risque de clivage entre les nombreuses entreprises de services de santé qui pourraient bénéficier d'un meilleur environnement fiscal, et réglementaire ainsi qu’une augmentation des fusions-acquisitions, et les grandes entreprises de production de traitements qui sont confrontées à l'incertitude de la politique de fixation des prix des médicaments.

Le secteur financier est peut-être le seul secteur où le résultat des élections semble entièrement favorable. Une accélération de la courbe des rendements, une baisse des impôts, un environnement plus dynamique pour les transactions et une réglementation plus souple (y compris la potentielle suppression des mesures de Bâle III) sont autant de facteurs positifs pour le secteur.

Match nul ?

Dans l'ensemble, nous sommes optimistes en ce qui concerne la croissance, étant donné que l'inflation et les taux ont tendance à baisser dans un contexte de politique généralement favorable aux entreprises. Toutefois, nous pensons qu'il est important que les investisseurs reconnaissent que nous sommes passés d'une époque de mondialisation, où le libre-échange favorisait la croissance dans le monde entier, à une nouvelle ère de protectionnisme et de mercantilisme.

Cela pourrait se traduire par un match nul, avec des gagnants et des perdants plus distincts, que ce soit au niveau régional, sectoriel ou au niveau des entreprises. Nous nous attendons à de nombreuses disparités entre les sous-secteurs lorsque le président élu Donald Trump constituera son gouvernement et définira ses politiques ; à ce moment-là, nous pensons qu'une approche active de la gestion des risques et des opportunités sera primordiale.

Les investisseurs reprennent leurs activités après une année électorale mouvementée. Mais ce retour aux affaires s'annonce très différent de ce que nous avons connu au cours des quatre dernières années.

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Joseph V. Amato

Président de Neuberger Berman

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