Réservations non honorées : les restaurants s’allient à l’IA

Produits gaspillés, tables vides, chiffre d’affaires en berne : les réservations non honorées, ou « no-shows », plongent les restaurateurs dans une bataille difficile contre une habitude devenue un véritable fléau. Si certains misent sur des relances et des rappels, d’autres n’hésitent plus à adopter des mesures radicales. Mais ces solutions suffisent-elles à endiguer le problème ?

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 10 mars 2025 6h14
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Young indignant angry stressed man barista bartender barman employee in black apron white t-shirt work in coffee spread hands scream shout isolated on orange background studio Small business startup - © Economie Matin
70%70% des restaurateurs font face à des 'no-shows'

Depuis quelques années, et particulièrement après la pandémie de COVID-19, les réservations non honorées se multiplient, mettant en difficulté les restaurateurs. En France, on estime que 10 % des réservations ne sont pas respectées, un phénomène qui toucherait 70 % des établissements et qui représenterait jusqu'à 15 % du chiffre d’affaires perdu pour certains restaurants. Face à cette situation, les plateformes de réservation, dont TheFork, et les restaurateurs eux-mêmes, ont adopté des stratégies variées pour dissuader les clients peu scrupuleux.

Réservations fantômes : une menace pour la rentabilité des restaurants

Le phénomène du "no-show", un cauchemar pour les restaurateurs

Un client réserve une table pour quatre, mais ne se présente pas. Aucun appel, aucun message. Conséquence ? Une table laissée vide en pleine heure de pointe, des produits préparés pour rien et un service désorganisé.
Comme l’explique Billy Pham, co-fondateur du groupe de restaurants Bao Family à Paris et Marseille interrogé par BFMTV : « On veut pouvoir continuer à proposer l'option de la réservation aux consommateurs, le problème, c'est que malheureusement, il y en a qui continuent à ne pas jouer le jeu ».

Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'est accéléré avec le COVID-19. Après une période où la réservation était souvent obligatoire pour limiter le nombre de clients, les mauvaises habitudes ont perduré, certains clients multipliant les réservations dans plusieurs établissements pour finalement ne se rendre qu’à un seul.

Pourquoi les clients ne viennent-ils pas ?

Les raisons évoquées sont nombreuses :

  • Un simple oubli, notamment pour ceux qui réservent longtemps à l’avance.
  • Un imprévu de dernière minute.
  • La multi-réservation, une pratique qui consiste à réserver plusieurs tables dans différents restaurants et à choisir au dernier moment.

TheFork et les plateformes serrent la vis : l’IA à la rescousse

Une intelligence artificielle pour traquer les "no-shows"

Face à ce fléau, TheFork, la plus grande plateforme de réservation de restaurants en Europe (55 000 restaurants partenaires dans 12 pays), a déployé une série de mesures radicales. Parmi elles :

  • Un algorithme prédictif qui analyse les comportements des clients et signale ceux présentant un risque élevé d’absence.
  • Un système de relance par e-mail et SMS, permettant de réduire les "no-shows" de 30 %, selon les chiffres de la plateforme.
  • La suppression des comptes des clients ayant accumulé quatre absences injustifiées.

Selon Damien Rodière, directeur général de TheFork : « on a développé un score qui prédit le risque de 'no-show'. Si le client est à risque, on peut activer le rappel automatique et combiner différentes solutions comme demander l'empreinte de carte bleue ». Une nécessité, comme l’explique à BFMTV Thomas Jeanjean, patron de Zenchef : « On estime que 70% des restaurateurs font face à des 'no-shows' et que 10% des réservations sont en moyenne non honorées, ce qui représente jusqu'à 15% du chiffre d'affaires. Sur un secteur où les marges sont faibles, c'est extrêmement problématique ».

Une solution efficace mais contestée

Si ces mesures semblent porter leurs fruits, elles ne font pas l’unanimité. Certains restaurateurs estiment que le véritable problème vient de la culture des clients, qui ne voient pas l’acte de réserver comme un engagement. D’autres dénoncent le coût croissant des outils proposés par ces plateformes.

Pascal Mousset, restaurateur parisien et dirigeant syndical du GHR, le confirme : « C'est vrai que les plateformes sont performantes mais elles ne disent pas assez le coût de ces outils pour les restaurateurs ».

Empreinte bancaire, pénalités et listes d'attente : les restaurateurs contre-attaquent

Face aux limites des solutions mises en place par les plateformes, de plus en plus de restaurateurs prennent les choses en main.

L’empreinte bancaire : une arme dissuasive ?

Certaines enseignes demandent désormais une empreinte de carte bancaire lors de la réservation, avec un prélèvement automatique en cas d’absence injustifiée. Toutefois, cette pratique reste controversée en France.

Seuls les restaurants haut de gamme s’y risquent, certains exigeant un acompte dès cinq couverts.

La liste d'attente, une solution plus souple

D’autres établissements misent sur des listes d’attente dynamiques :

  • Lorsqu'un client annule à la dernière minute, un autre peut être contacté en urgence.
  • Les restaurants peuvent ainsi maximiser leur taux d’occupation et limiter les pertes financières.
  • Cette solution est bien perçue par la clientèle, car elle ne représente aucune contrainte financière.

Sensibiliser plutôt que punir ?

Certains restaurateurs privilégient une approche pédagogique : messages de sensibilisation, relances personnalisées, offres spéciales pour les clients fiables. L’objectif est d’éduquer la clientèle plutôt que de la sanctionner.

Réservations non-honorées : entre sanctions et éducation, un combat encore loin d’être gagné

Les réservations non honorées restent un fléau économique pour les restaurateurs, mais aussi une question de respect et de responsabilité de la part des clients. Si TheFork et les restaurateurs ont déjà déployé de nombreuses stratégies, leur efficacité reste partielle. Faudra-t-il aller encore plus loin ?

D’un côté, les plateformes affûtent leurs algorithmes et leur politique de sanctions. De l’autre, les restaurateurs hésitent entre mesures strictes et pédagogie. Une chose est certaine : les "no-shows" ne disparaîtront pas sans un changement de mentalité.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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