En 2024, la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) ont entamé un cycle de réduction des taux. Les taux courts ont baissé de 125 points de base en Europe et de 100 points de base aux Etats-Unis, mais au cours de cette même période, les rendements à plus long terme ont augmenté, en particulier aux États-Unis, ce qui est très
Pourquoi les rendements obligataires ne baissent pas ?

Nous analysons les facteurs qui ont influencé la trajectoire de la partie longue de la courbe des taux en Europe et aux Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, la croissance est solide et l’inflation reste au-dessus de l’objectif de la banque centrale américaine. Comme le confirment les données récentes sur le marché du travail, les perspectives de croissance demeurent solides aux États-Unis. Les chiffres d’inflation publiés cette semaine montrent que l’inflation reste au-dessus de l’objectif de la banque centrale américaine : l’Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 3,0 % sur une base annuelle, et l’IPC de référence, excluant les aliments et l’énergie, a augmenté de 3,3 %. Sur une base mensuelle, l’IPC global a bondi de 0,5 %, marquant le rythme le plus rapide depuis août 2023, tandis que l’IPC de base a grimpé de plus de 0,4 % et a presque arrondi à 0,5 %, son plus haut niveau depuis avril 2023. Dans ce contexte, les marchés s’attendent à une réduction des taux d’intérêt de la Fed moins importante cette année qu’anticipé précédemment. Nous attendons deux baisses de taux : 25 points de base en juin et puis 25 points de base en septembre. Actuellement, les marchés anticipent seulement une baisse de taux de 25 points de base.
Les politiques commerciale et migratoire aux Etats-Unis sont associées à une hausse du risque inflationniste. Les droits de douane pourraient entraîner une hausse des prix des biens, à la fois directement, si des mesures de rétorsion contre les États-Unis augmentent les coûts d’importation, et indirectement par le biais de perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Seule une hausse des droits de douane généralisée et pérenne aurait un impact important sur l’inflation.
La politique migratoire, avec des pressions à la baisse sur l’offre de travail, s’apparente à un choc d’offre négatif qui pourrait avoir un effet inflationniste. L’inflation pourrait alors s’inscrire en hausse, notamment dans le secteur des services avec, à la clé, un impact négatif sur la consommation et la croissance.
La trajectoire de dette souveraine. Les déficits budgétaires restent élevés dans de nombreuses économies avancées. Aux Etats-Unis, un projet de loi devrait être voté plus tard cette année pour permettre la prolongation des dispositifs de la réforme fiscale de 2017 qui arrivent à expiration. L’incertitude quant à la trajectoire des finances publiques exerce une pression à la hausse sur les rendements souverains.
La normalisation du bilan des banques centrales (arrêt de l’assouplissement quantitatif). Après des années de politique monétaire accommodante, de nombreuses banques centrales, y compris la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne, ont accumulé d'importants portefeuilles d'actifs, principalement des obligations d'État et d'autres titres. La réduction du bilan implique que ces banques centrales cessent de réinvestir les produits des titres arrivant à échéance. En diminuant la demande de titres à long terme, les prix de ces titres pourraient baisser, ce qui entraînerait une augmentation des rendements.
Bien que l’arrêt de l’assouplissement quantitatif constitue un facteur de hausse des rendements obligataires, la Fed a réduit l’année dernière le rythme de la réduction de son bilan, faisant passer la réduction mensuelle des bons du Trésor américain de 60 milliards de dollars à 25 milliards de dollars. Cela nous démontre que la Fed est consciente des risques liés à la position budgétaire américaine ainsi que ceux liés aux problèmes potentiels de liquidité et de fonctionnement des marchés qu’elle pourrait générer alors qu’un volume important de la dette américaine arrive à échéance pour être refinancé. La Fed est donc dans la prévention et nous rassure dans une certaine mesure quant au fait qu’il y a un plafond sur la hausse potentielle des rendements à long terme.
Le bilan de la banque centrale européenne est aussi en voie de normalisation. Les portefeuilles du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) et du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP) se contractent à un rythme mesuré et prévisible, car l’Eurosystème ne réinvestit plus les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance.
Graphique 1 - L’évolution des rendements obligataires est inhabituel par rapport aux cycles d’assouplissement monétaires
Quelles implications sur les taux d’intérêt ? Les taux longs ont augmenté depuis l’élection présidentielle américaine sous l’effet de la solidité des indicateurs économiques, de la révision des anticipations concernant la réduction des taux de la Fed et des inquiétudes relatives à la politique budgétaire, commerciale et migratoire. Les rendements sont redescendus par rapport à leurs pics, mais ils n’en demeurent pas moins attrayants. Dans notre scénario de base, nous nous attendons à ce que les rendements obligataires baissent légèrement (nous attendons les rendements des bons du Trésor à 10 ans à 4.0 % et les rendements des obligations européennes à 10 ans à 2.25 % en décembre 2025). Cependant, nous prévoyons une volatilité persistante des primes de terme pour les obligations à duration longue. Nous privilégions donc la partie courte et moyenne des courbes, où les développements macroéconomiques restent le principal moteur.
La possibilité qu’une politique budgétaire expansionniste entraîne une hausse de l’inflation, un ancrage moins solide des anticipations d'inflation à long terme ainsi qu’un virage de la part de la Fed est selon nous davantage un scénario de risque.