Les auto-entrepreneurs pensaient pouvoir souffler, mais leur soulagement pourrait être de courte durée. La réforme de la TVA, qui devait bouleverser leur régime fiscal dès le mois de mars 2025, a été suspendue par le gouvernement. Officiellement, il s’agit d’un simple report au 1er juin 2025, le temps de revoir les contours d’une mesure qui a mis en ébullition une partie des travailleurs indépendants. En réalité, la pression ne faiblit pas et les professionnels concernés réclament purement et simplement son abandon.
Réforme de la TVA des microentreprises : un report mais la menace plane toujours
Le 28 février 2025, Bercy a annoncé la suspension de la réforme du régime de franchise de TVA pour les auto-entrepreneurs. Prévue initialement pour entrer en vigueur en mars, cette mesure est désormais repoussée au 1er juin. Derrière ce délai de trois mois, une contestation qui ne faiblit pas et un exécutif qui temporise. Annoncée dans le cadre du projet de loi de finances, la réforme vise à abaisser les seuils de chiffre d’affaires exonérant les travailleurs indépendants de TVA. Le gouvernement tente désormais de sauver la face en aménageant une réforme qui ne convainc ni les auto-entrepreneurs ni leurs représentants.
TVA et auto-entreprise : une réforme qui passe mal
L’idée initiale de Bercy était simple : uniformiser le seuil de franchise de TVA pour l’ensemble des auto-entrepreneurs. Aujourd’hui, deux plafonds coexistent, 37 500 euros pour les prestations de services et professions libérales et 85 000 euros pour les activités commerciales et artisanales. À partir de juin 2025, un seuil unique de 25 000 euros devrait s’appliquer. Un abaissement drastique qui change radicalement la donne pour de nombreux travailleurs indépendants. Ceux qui dépasseraient ce seuil seraient contraints d’appliquer la TVA sur leurs prestations et donc d’augmenter mécaniquement leurs tarifs. Sans surprise, la perspective de voir s’envoler leurs prix ne les enchante guère, d’autant que leurs clients, souvent des particuliers, ne peuvent récupérer cette TVA. La mesure, censée rapporter 400 millions d’euros à l’État, a rapidement déclenché un tollé.
Les organisations représentatives des indépendants ont dénoncé une réforme brutale et inadaptée aux réalités du terrain. Nombre de professionnels exercent dans des secteurs où la clientèle n’acceptera pas une hausse soudaine des prix. Le bâtiment, notamment, a exprimé son inquiétude face à une mesure qui risque d’accroître la concurrence déloyale avec les grandes entreprises du secteur. En réponse aux protestations, le gouvernement a engagé une concertation avec une cinquantaine de fédérations professionnelles, sans parvenir à éteindre l’incendie.
Réforme des seuils de TVA : un report qui ne règle rien
Le 28 février, après trois semaines d’échanges, Bercy a donc choisi de temporiser. Officiellement, il ne s’agit que d’un report, permettant d’affiner les contours de la réforme et de l’adapter aux spécificités de certains secteurs. Jusqu’au 1er juin 2025, les nouvelles démarches fiscales resteront facultatives et aucun entrepreneur ne sera sanctionné en cas de non-respect des règles à venir. Derrière cette suspension se cache pourtant une incertitude majeure. Le ministère de l’Économie reconnaît que certaines professions auront du mal à répercuter la TVA sur leurs prix. En coulisses, certains parlementaires évoquent déjà des aménagements sectoriels, voire une suppression définitive de la réforme.
Les syndicats d’indépendants ne s’y trompent pas et maintiennent la pression. L’Union des auto-entrepreneurs a salué la suspension tout en soulignant qu’elle ne résout rien. Son président, François Hurel, a rappelé que plusieurs pays européens s’apprêtent, au contraire, à relever leurs seuils d’exonération, alors que la France choisit de les abaisser. Le Syndicat des indépendants et des TPE a également réagi en appelant à une concertation « large et apaisée » pour trouver un équilibre acceptable.
"Les positions exprimées par les différents acteurs au cours de ces consultations sont très variées et souvent nuancées. Certaines fédérations soulignent en particulier que leurs acteurs représentés ne sont pas en capacité de répercuter la TVA. Toutefois, la majorité des fédérations se déclare neutre ou favorable à la réforme, considérant qu’elle permet de corriger les iniquités de concurrence que la situation antérieure générait", déclare Bercy dans un communiqué.
Une réforme de la TVA condamnée à disparaître ?
Le gouvernement joue la montre, mais il ne pourra pas éternellement repousser l’échéance. Le dossier est explosif, car il touche des dizaines de milliers d’indépendants qui, dans leur grande majorité, ne veulent pas de cette réforme. La suspension jusqu’en juin ressemble de plus en plus à une tentative d’éviter un nouveau front social alors que les tensions sont déjà vives sur d’autres sujets économiques.
Le cas des auto-entrepreneurs pose une question plus large sur l’évolution de leur statut. Créé pour simplifier l’entrepreneuriat et alléger les charges des petites structures, ce régime a séduit des centaines de milliers de travailleurs depuis sa mise en place. En durcissant les règles, l’État prend le risque de fragiliser ces indépendants et de les inciter à basculer vers d’autres formes juridiques plus lourdes administrativement.
Le 1er juin, la réforme pourrait entrer en vigueur sous une forme édulcorée, avec des seuils relevés pour certaines professions ou des mesures d’accompagnement pour lisser l’impact de la TVA. Mais il est également possible qu’elle soit abandonnée en rase campagne.