Réforme des seuils de TVA : le rejet est unanime chez les auto-entrepreneurs !

Le gouvernement s’apprête à bouleverser le régime des auto-entrepreneurs par le biais d’une réforme de la TVA. Une décision qui pourrait paraître anodine mais qui cache un impact colossal sur près d’un million et demi d’indépendants. En abaissant le seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros, l’État promet une réforme d’équité fiscale. Pourtant, les chiffres montrent un tout autre visage : une explosion des coûts, une vague de cessations d’activité et un retour du travail dissimulé. Qui sont les gagnants et les perdants de cette mesure ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Publié le 19 février 2025 à 8h30
Réforme des seuils de TVA : le rejet est unanime chez les auto-entrepreneurs !
Réforme des seuils de TVA : le rejet est unanime chez les auto-entrepreneurs ! - © Economie Matin
14 MILLIARDS €Les micro-entrepreneurs représentent un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2024.

Le 1er mars 2025, une réforme fiscale pourrait s’imposer aux auto-entrepreneurs en réduisant le seuil de franchise en base de TVA de 37 500 euros à 25 000 euros. Cette modification concerne directement 130 000 indépendants selon BFMTV, mais c’est bien l’ensemble du régime de la micro-entreprise qui vacille sous le poids de cette décision. L’enquête menée par le Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI) dévoile sans surprise une contestation massive : 95 % des micro-entrepreneurs rejettent en bloc cette réforme, qu’ils jugent destructrice. De l’autre côté, 57 % des entrepreneurs déjà assujettis à la TVA approuvent cette mesure, en particulier dans le secteur du bâtiment.

L’impact d’une réforme brutale : les effets néfastes de la baisse du seuil de TVA

L’annonce de la réforme a provoqué une onde de choc. Le SDI souligne dans son enquête publiée le 18 février 2025 que cette décision, prise sans concertation, pourrait bouleverser 1,5 million d’indépendants, soit la moitié des travailleurs non-salariés cotisant à l’URSSAF. La réforme a en effet été intégrée à la loi de Finances 2025, adoptée par 49.3, avant d’être suspendue temporairement à la suite de la fronde.

Loin d’être un simple ajustement fiscal, cette mesure fragilise un modèle économique qui a pourtant prouvé son efficacité. Les micro-entrepreneurs représentent un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2024. La remise en question de leur exonération de TVA remet en cause toute leur compétitivité.

Les conséquences sont immédiates. La hausse des prix devient inévitable, car les auto-entrepreneurs devront intégrer une augmentation de 20 % pour conserver leur marge actuelle. Or, la majorité d’entre eux travaillent avec une clientèle de particuliers, qui ne récupère pas la TVA. La seule alternative consiste alors à réduire leurs revenus. L’enquête révèle également un effet encore plus pernicieux : 40 % des indépendants envisagent de limiter volontairement leur chiffre d’affaires en-dessous des 25 000 euros pour rester dans le régime d’exonération. Un mécanisme qui n’encourage pas la croissance mais la stagnation et la sous-déclaration de revenus.

Avant la réforme Après la réforme
Seuil de franchise : 37 500 euros Seuil de franchise : 25 000 euros
TVA non applicable TVA de 20 % à appliquer dès dépassement
Charges simplifiées, pas de comptabilité lourde Obligation de gestion de TVA, comptabilité plus complexe
Prix compétitifs, attractivité renforcée Hausse des prix de 20 %, risque de perte de clientèle
Flexibilité pour développer son activité Incitation à plafonner son chiffre d’affaires

Réforme de la TVA : Les indépendants en colère face à un mur administratif

L’argument avancé par l’exécutif est simple : il s’agit d’une question d’équité fiscale. Pourtant, du côté des auto-entrepreneurs, cette justification sonne comme une insulte à la réalité du terrain. L’administration fiscale exige des indépendants qu’ils passent à un modèle plus structuré, mais sans leur donner les moyens de s’adapter. L’enquête montre que 55 % des entrepreneurs concernés pensent devoir embaucher un comptable, une dépense supplémentaire qui rend leur activité encore moins rentable.

Dans le secteur des services, 73 % des répondants estiment que récupérer la TVA sur leurs achats ne leur apporte aucun avantage significatif. La balance est donc déséquilibrée : ils devront appliquer une TVA de 20 % sur leurs prestations, sans pouvoir compenser cette charge par des réductions de coûts.

L’autre effet pervers de cette réforme réside dans la menace grandissante du travail au noir. 40 % des indépendants interrogés déclarent envisager de dissimuler une partie de leur chiffre d’affaires pour échapper à l’assujettissement à la TVA. Cette réforme, censée générer des recettes fiscales supplémentaires, pourrait donc paradoxalement aggraver la fraude fiscale.

Le secteur du BTP est plutôt favorable à la réforme

Parmi les professionnels déjà assujettis à la TVA, l’opinion est plus nuancée. 57 % d’entre eux soutiennent la réforme, mais cette approbation grimpe à 78 % chez les artisans du bâtiment.

Le secteur du BTP est depuis longtemps en guerre contre les auto-entrepreneurs, qu’il accuse de pratiquer une concurrence déloyale. 90 % des artisans du bâtiment déclarent souffrir de cette distorsion de concurrence, arguant que leurs coûts sont alourdis par la TVA et les charges. En 2023, la France comptait 457 000 entreprises du bâtiment sans salariés, dont 164 000 exerçaient en franchise en base de TVA. En clair, près d’un artisan sur deux ne facturait pas la TVA, ce qui leur permettait d’afficher des tarifs plus attractifs que leurs homologues assujettis.

Bâtiment : artisans en concurrence Effectifs
Artisans assujettis à la TVA 293 000
Artisans en franchise de TVA 164 000

Une réforme de la TVA qui pourrait saper l’entrepreneuriat

Loin de n’être qu’un ajustement fiscal, la réforme pourrait avoir des conséquences bien plus lourdes. L’enquête du SDI met en garde contre trois dangers majeurs. D’abord, une baisse de la création d’entreprises. Aujourd’hui, 60 % des entreprises créées en France ces dix dernières années relèvent du régime de la micro-entreprise. L’attractivité de ce statut repose sur sa simplicité et sa souplesse. L’introduction de la TVA le rendra moins compétitif, notamment pour les petites activités de services.

Ensuite, la réforme entraînera une hausse généralisée des prix pour les clients finaux, en particulier dans les secteurs où les auto-entrepreneurs ont peu de frais récupérables. Cela pourrait réduire la consommation et fragiliser encore davantage une économie déjà en crise. Enfin, le risque de développement du travail dissimulé est bien réel. Avec 40 % des indépendants prêts à sous-déclarer leurs revenus, l’État pourrait ne pas récupérer autant de TVA qu’espéré.

Loin de simplifier le système fiscal, le gouvernement est en train de fragiliser l’un des moteurs de l’entrepreneuriat en France. La mesure sera-t-elle appliquée sans ajustement, ou le gouvernement cédera-t-il sous la pression ?

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

2 commentaires on «Réforme des seuils de TVA : le rejet est unanime chez les auto-entrepreneurs !»

  • Nicolas

    Le seuil en franchise de TVA est de 85000€ pour les vente de marchandises.

    La chute est encore plus vertigineuse et inadmissible.

    Prenez en compte dans vos articles svp.

    Répondre
  • aura

    À l’attention de Mme la
    Ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des PME et de l’économie sociale et solidaire
    Date : 18/02/2025
    Objet : Préoccupations quant à l’impact de l’abaissement du seuil de TVA sur mon activité d’autoentrepreneur artisan électricien

    Je me permets de vous adresser ce courrier afin de vous faire part de mes vives inquiétudes concernant les conséquences que pourrait avoir l’abaissement du seuil de franchise de TVA pour les autoentrepreneurs, réforme actuellement en discussion.
    Après un licenciement, et en tant que responsable d’une famille de trois enfants, j’ai dû faire face à une situation particulièrement difficile. Ne trouvant pas d’emploi et refusant de rester au chômage après 24 ans d’activité salariée, j’ai choisi de me lancer comme autoentrepreneur. Ce statut m’a permis de rebondir rapidement grâce à sa simplicité administrative et sa gestion allégée, tout en continuant à subvenir aux besoins de ma famille.
    Aujourd’hui, électricien autoentrepreneur depuis 15 ans, exerçant une activité mixte (prestation de services et vente), je dois faire face à de nombreuses charges : cotisation foncière des entreprises (CFE), assurances décennales obligatoires, achat de matériel, frais de déplacement, cotisations sociales, etc. Ce statut me permet d’exercer mon métier à des tarifs accessibles tout en maintenant une rentabilité viable.
    L’abaissement du seuil de TVA m’obligerait à facturer cette taxe à mes clients, ce qui entraînerait une hausse de mes prix et, par conséquent, une diminution de mon activité. Mon secteur d’activité ne me permet pas d’absorber cette hausse sans impacter directement ma clientèle ou ma rentabilité. Une telle réforme risquerait donc de fragiliser mon entreprise, comme celles de nombreux autres artisans, nous plaçant dans une impasse financière : soit nous augmentons nos tarifs au risque de perdre notre clientèle, soit nous réduisons nos marges au point de ne plus pouvoir exercer durablement.
    Certains estiment que le statut d’autoentrepreneur crée une concurrence déloyale. Cependant, il est important de rappeler que ce régime a été conçu pour permettre à des travailleurs indépendants d’exercer légalement avec une gestion simplifiée, et non pour contourner les obligations des autres formes d’entreprises. D’ailleurs, si ce statut était aussi avantageux que certains le prétendent, beaucoup d’entreprises feraient le choix d’y basculer, ce qui n’est pas le cas. La réalité est que l’autoentrepreneur ne peut ni déduire ses charges ni dépasser un certain chiffre d’affaires, ce qui limite considérablement son développement. Malgré ces contraintes, ce cadre reste adapté à de nombreux indépendants qui, comme moi, souhaitent simplement pouvoir continuer à travailler.
    En ce qui me concerne, et compte tenu de mon âge de 58 ans, retrouver un emploi salarié serait extrêmement difficile si je devais cesser mon activité. Alors que l’État encourage le maintien des seniors dans l’emploi en raison du recul de l’âge de départ à la retraite, cette mesure va totalement à l’encontre de cet objectif. D’autant plus que, selon l’Insee, les autoentrepreneurs de plus de 50 ans représentent 40 % des effectifs. Une telle réforme risquerait de plonger une partie significative d’entre eux dans la précarité et de les contraindre à recourir à des aides sociales, alors que notre seul souhait est de continuer à travailler et à contribuer à l’économie.
    Je souhaiterais donc savoir si des solutions sont envisagées pour éviter que cette réforme ne se transforme en un désastre social pour les petites entreprises et les artisans. Il me semble essentiel qu’une réflexion approfondie soit menée afin de ne pas pénaliser ceux qui participent activement à l’économie locale et au dynamisme de leur territoire.
    Dans l’attente de votre retour et en espérant que ces préoccupations seront prises en compte, je vous prie d’agréer, Madame , l’expression de mes salutations distinguées.
    Aura DOMINGO

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