Le gouvernement s’apprête à bouleverser le régime des auto-entrepreneurs par le biais d’une réforme de la TVA. Une décision qui pourrait paraître anodine mais qui cache un impact colossal sur près d’un million et demi d’indépendants. En abaissant le seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros, l’État promet une réforme d’équité fiscale. Pourtant, les chiffres montrent un tout autre visage : une explosion des coûts, une vague de cessations d’activité et un retour du travail dissimulé. Qui sont les gagnants et les perdants de cette mesure ?
Réforme des seuils de TVA : le rejet est unanime chez les auto-entrepreneurs !

Le 1er mars 2025, une réforme fiscale pourrait s’imposer aux auto-entrepreneurs en réduisant le seuil de franchise en base de TVA de 37 500 euros à 25 000 euros. Cette modification concerne directement 130 000 indépendants selon BFMTV, mais c’est bien l’ensemble du régime de la micro-entreprise qui vacille sous le poids de cette décision. L’enquête menée par le Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI) dévoile sans surprise une contestation massive : 95 % des micro-entrepreneurs rejettent en bloc cette réforme, qu’ils jugent destructrice. De l’autre côté, 57 % des entrepreneurs déjà assujettis à la TVA approuvent cette mesure, en particulier dans le secteur du bâtiment.
L’impact d’une réforme brutale : les effets néfastes de la baisse du seuil de TVA
L’annonce de la réforme a provoqué une onde de choc. Le SDI souligne dans son enquête publiée le 18 février 2025 que cette décision, prise sans concertation, pourrait bouleverser 1,5 million d’indépendants, soit la moitié des travailleurs non-salariés cotisant à l’URSSAF. La réforme a en effet été intégrée à la loi de Finances 2025, adoptée par 49.3, avant d’être suspendue temporairement à la suite de la fronde.
Loin d’être un simple ajustement fiscal, cette mesure fragilise un modèle économique qui a pourtant prouvé son efficacité. Les micro-entrepreneurs représentent un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2024. La remise en question de leur exonération de TVA remet en cause toute leur compétitivité.
Les conséquences sont immédiates. La hausse des prix devient inévitable, car les auto-entrepreneurs devront intégrer une augmentation de 20 % pour conserver leur marge actuelle. Or, la majorité d’entre eux travaillent avec une clientèle de particuliers, qui ne récupère pas la TVA. La seule alternative consiste alors à réduire leurs revenus. L’enquête révèle également un effet encore plus pernicieux : 40 % des indépendants envisagent de limiter volontairement leur chiffre d’affaires en-dessous des 25 000 euros pour rester dans le régime d’exonération. Un mécanisme qui n’encourage pas la croissance mais la stagnation et la sous-déclaration de revenus.
Avant la réforme | Après la réforme |
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Seuil de franchise : 37 500 euros | Seuil de franchise : 25 000 euros |
TVA non applicable | TVA de 20 % à appliquer dès dépassement |
Charges simplifiées, pas de comptabilité lourde | Obligation de gestion de TVA, comptabilité plus complexe |
Prix compétitifs, attractivité renforcée | Hausse des prix de 20 %, risque de perte de clientèle |
Flexibilité pour développer son activité | Incitation à plafonner son chiffre d’affaires |
Réforme de la TVA : Les indépendants en colère face à un mur administratif
L’argument avancé par l’exécutif est simple : il s’agit d’une question d’équité fiscale. Pourtant, du côté des auto-entrepreneurs, cette justification sonne comme une insulte à la réalité du terrain. L’administration fiscale exige des indépendants qu’ils passent à un modèle plus structuré, mais sans leur donner les moyens de s’adapter. L’enquête montre que 55 % des entrepreneurs concernés pensent devoir embaucher un comptable, une dépense supplémentaire qui rend leur activité encore moins rentable.
Dans le secteur des services, 73 % des répondants estiment que récupérer la TVA sur leurs achats ne leur apporte aucun avantage significatif. La balance est donc déséquilibrée : ils devront appliquer une TVA de 20 % sur leurs prestations, sans pouvoir compenser cette charge par des réductions de coûts.
L’autre effet pervers de cette réforme réside dans la menace grandissante du travail au noir. 40 % des indépendants interrogés déclarent envisager de dissimuler une partie de leur chiffre d’affaires pour échapper à l’assujettissement à la TVA. Cette réforme, censée générer des recettes fiscales supplémentaires, pourrait donc paradoxalement aggraver la fraude fiscale.
Le secteur du BTP est plutôt favorable à la réforme
Parmi les professionnels déjà assujettis à la TVA, l’opinion est plus nuancée. 57 % d’entre eux soutiennent la réforme, mais cette approbation grimpe à 78 % chez les artisans du bâtiment.
Le secteur du BTP est depuis longtemps en guerre contre les auto-entrepreneurs, qu’il accuse de pratiquer une concurrence déloyale. 90 % des artisans du bâtiment déclarent souffrir de cette distorsion de concurrence, arguant que leurs coûts sont alourdis par la TVA et les charges. En 2023, la France comptait 457 000 entreprises du bâtiment sans salariés, dont 164 000 exerçaient en franchise en base de TVA. En clair, près d’un artisan sur deux ne facturait pas la TVA, ce qui leur permettait d’afficher des tarifs plus attractifs que leurs homologues assujettis.
Bâtiment : artisans en concurrence | Effectifs |
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Artisans assujettis à la TVA | 293 000 |
Artisans en franchise de TVA | 164 000 |
Une réforme de la TVA qui pourrait saper l’entrepreneuriat
Loin de n’être qu’un ajustement fiscal, la réforme pourrait avoir des conséquences bien plus lourdes. L’enquête du SDI met en garde contre trois dangers majeurs. D’abord, une baisse de la création d’entreprises. Aujourd’hui, 60 % des entreprises créées en France ces dix dernières années relèvent du régime de la micro-entreprise. L’attractivité de ce statut repose sur sa simplicité et sa souplesse. L’introduction de la TVA le rendra moins compétitif, notamment pour les petites activités de services.
Ensuite, la réforme entraînera une hausse généralisée des prix pour les clients finaux, en particulier dans les secteurs où les auto-entrepreneurs ont peu de frais récupérables. Cela pourrait réduire la consommation et fragiliser encore davantage une économie déjà en crise. Enfin, le risque de développement du travail dissimulé est bien réel. Avec 40 % des indépendants prêts à sous-déclarer leurs revenus, l’État pourrait ne pas récupérer autant de TVA qu’espéré.
Loin de simplifier le système fiscal, le gouvernement est en train de fragiliser l’un des moteurs de l’entrepreneuriat en France. La mesure sera-t-elle appliquée sans ajustement, ou le gouvernement cédera-t-il sous la pression ?